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Yukio Mishima, sabre au corps

Dans le document Sport et imaginaire (Page 128-152)

Gérard Siary

Le soleil incitait mes pensées, presqu’en les arrachant, à se détacher de leur nuit de sensations viscérales, pour suivre le gonflement des muscles sertis sous le hâle de l’épiderme. Le voici qui m’ordonnait d’édifier une demeure nouvelle et robuste où mon esprit, à mesure qu’il s’élèverait peu à peu vers la surface, pourrait vivre en sûreté. Cette demeure, c’était une peau bronzée et luisante, des muscles puissants, délicatement ondulés. Je discernai que c’était précisément à cause du besoin d’un pareil séjour que l’intellectuel moyen manque à se sentir à l’aise avec une pensée qui s’intéresse aux formes et aux surfaces. [...]

L’armée, la culture physique, l’été, les nuages, le couchant, le vert des herbes de l’été, le collant blanc, la sueur, les muscles et tout juste une vague haleine de mort... Rien n’y manquait ; chaque pièce de la mosaïque était en place. Je n’avais absolument besoin de quiconque, et de ce fait aucun besoin des mots.

Y. Mishima, Le Soleil et l’acier, p. -, .

Les écrivains pratiquent le sport plus souvent que ne le croient ceux qui n’aiment pas les gens de lettres et d’esprit. Le sport n’en apparaît pas

moins de prime abord comme l’un des parents pauvres de la littérature et par suite des études littéraires. Entendez de ces belles-lettres qui ne font pas partie de ce que le poète appelait « l’universel reportage dont [...] par- ticipe tout entre les genres d’écrits contemporains». Universel reportage,

c’est bien le cas de le dire, et voilà toute la littérature sportive, pas seule- ment la vile presse, reléguée aux travaux subalternes.

Mais lorsque les écrivains contemporains, qui ne laissent pas de filer l’analogie entre le sport et la littérature, le prennent pour objet, c’est moins

. B. Morlino, « Que devez-vous au sport ? », Lire, //. . S. Mallarmé, « Crise de vers ».

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pour le représenter en acte pur et pour lui-même, encore qu’un Paul

Morand chante les vainqueurs sportifs à l’instar des poètes grecs qui chan- taient la victoire aux Jeux olympiques dans leurs épinicies, que pour en faire la clé ou le symbole de l’œuvre. À cela, une cause possible : le sport, devenu spectacle, se prête moins à la représentation écrite que filmée, sup- position à valider, notamment pour les arts martiaux, sport de proximité dont le détail du geste et du regard, ainsi que la vitesse sereine, est mal accessible à la caméra ; on y reviendra. Reste à se demander sous quel rap- port symbolique aborder le sport en littérature. Le plus évident me paraît être la relation que l’écrivain lui fait entretenir avec l’idée qu’il se fait du corps, du sien ou de celui d’autrui.

Aussi sera-t-il question ici d’un écrivain nippon qui, dans sa technique de soi, dans son être au monde, n’a cessé de cultiver corps et lettres : Mishima Yukio (-). La critique s’est intéressée à cet aspect de l’œuvre sous l’angle imposé par l’auteur lui-même dans Le Soleil et l’acier (), l’un de ses écrits de « critique confidentielle », à mi-chemin entre l’autobiographie et l’autofiction, où il compare à un verger le corps, par- tie majeure de sa pensée, postule que l’expérience de ce corps ne s’ap- préhende ni par l’écriture ni par la psychanalyse et déclare encore que la sensation de la pureté du sabre, acquise par la pratique de l’escrime japo- naise, lui a permis peu à peu de parvenir à donner corps à sa pensée et d’intellectualiser sa chair.

Dans la logique de Mishima, les mots, soumis au régime de l’ombre, seraient inaptes à saisir autrement que par imitation le corps en son être au monde, la vie dans son plein régime de lumière, à faire advenir le sujet au sentiment plein de son existence. Cela revient à dire que la représenta- tion du sport par les mots, aussi artificiels soient-ils, contribuerait à appro- cher de l’expérience du corps en tant qu’il s’auto-affecte et accède à la vie, et à établir asymptotiquement une identité entre le sabre, qui symbolise l’élan vital, et les mots, comme en une forme-sens. Hypothèse inscrite au demeurant dans le « devenir-corps » de Mishima, nonobstant sa difficulté chronique à accorder le monde désespérément factice de la fiction et le monde de la réalité.

Pour mieux revenir à cette question, comme le cas Mishima est insépa- rable de la situation historique du sport au Japon, il est utile de retracer le parcours de l’écrivain, d’examiner sa vision du sport dans le Japon d’après- guerre, d’interpréter sa représentation et sa transposition littéraires du sport en tant qu’expression de son mythe personnel.

. R. Sorin, « Y a-t-il une littérature sportive ? », L’Express, //. . T. Matsumoto et alii (éd.), Mishima.Yukio.Jiten, p. .

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Mishima entame sa vie d’homme au lendemain de la seconde guerre dite mondiale, sous occupation américaine. Il reste pourtant rivé à un cer- tain Japon traditionnel d’avant-guerre à bien des égards ou à l’idée nos- talgique qu’il s’en fait. Sa pratique du sport s’en ressent, qui reflète sans surprise l’histoire du sport au Japon de l’ère de Meiji (-) à celle de Shôwa (-), la transition des sports de combat aux sports de santé, des sports de guerre aux sports de paix.

L’importation du sport au Japon remonte à l’ère impériale de Meiji (-). L’État d’alors modernise le pays sur le modèle de l’Occident (Europe de l’Ouest, États-Unis). Il recourt au sport afin de fortifier la nation. Le syllabaire hiragana, qui transcrit les mots étrangers, translitère alors sports, emprunté à l’anglais, en sp¯o-tsu. Lafcadio Hearn (-) fait état dans « Leaves From the Diary of a Teacher » () de l’ampleur de l’effort éducatif et de son coût humain élevé pour la jeunesse. Ch¯oketsu, jeune héros de La Sumida/Sumidagawa (), long short story de Nagai Kaf ¯u (-), délaisse les rudes exercices de gymnastique du lycée de la ville haute/yamanote, lieu du progrès par force, pour traîner du côté des théâtres, de la ville basse/shitamachi, lieu des théâtres, des maisons de thé, de l’amour. Les sports d’origine étrangère (culture physique, alpi- nisme, etc.) finissent par gagner sans les effacer sur les exercices corpo- rels anciens qui deviendront autant de sports à part entière (judo, karaté, sum¯o, etc.), pratiqués dans le monde entier pour la plupart.

Le Japon de l’époque d’Édo (-) désigne ceux-ci par le terme d¯o employé en composition, rendu le plus souvent par « Voie ». Le suffixe d¯o en est venu à remplacer celui de jutsu/art, technique. Dans le Japon ancien, lesdites voies faisaient partie des bujutsu/arts ou techniques du guerrier, aussi nommés tsuwamono no michi/voie des armes ou du guer- rier. Un autre terme avait cours : j ¯uohappan/dix-huit arts martiaux. Ces voies renvoient à une tradition de pensée (chinoise, indienne, japonaise), à une raison céleste (d¯o, chinois tao) professée en vérités, dogmes, ensei- gnements, sur une assise métaphysique de non-dualité du corps et de l’esprit, en vue d’une sagesse acquise par la maîtrise de soi.

Mais, dès le début du xviie siècle, avec l’intronisation de la dynastie

des Tokugawa et l’ère de paix qui s’instaure, le samouraï s’exerce mais ne combat plus, il se fait administrateur de domaines. Les maîtres d’armes orientent l’enseignement dans un sens plus spirituel. L’ordre des priori- tés évolue, passant du combat-discipline-éthique des bujutsu à l’éthique- discipline-esthétique. Mainte pratique sportive avant la lettre est dite

voie : ky ¯ud¯o/voie de l’arc, aikid¯o/voie de la concordance des énergies ou

. O. G. Lidin, « History of Japanese Thought », p. -. . M. Brousse et alii, Les racines du judo français, p. .

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de l’union de l’énergie vitale, etc. ; cependant, les termes de j ¯ujutsu et de kenjutsu/art du sabre, ne disparaissent pas.

À l’ère de Meiji, le terme bud¯o, que la langue anglaise dénomme mar- tial arts à partir de , finit par remplacer celui de bujutsu. En , le mot kend¯o/voie du sabre, remplace celui de kenjutsu par décret du minis- tère de l’Éducation. En , le karaté, originaire d’Okinawa, s’ajoute aux

disciplines de la métropole. Le japonais connaît aussi le terme général de kakut¯ogi : arts martiaux. Les spécialistes ne s’entendent toujours pas sur le sens de ces vocables et le statut exact de sport à conférer à ces disciplines car l’arrivée de la compétition a parfois bouleversé leur esprit au profit de critères formels repérables.

Le terme bushid¯o/voie du guerrier, évolue de l’ère féodale aux temps modernes : d’abord idée de la formation du guerrier en vue de la survie et surtout de la victoire au moyen d’un entraînement associé à des valeurs comme le renoncement de soi qui n’excluent pas le recours à la trahi- son, il devient à l’orée du xxe siècle, connu en Occident par le livre de

Nitobe Inaz¯o (-) Bushid¯o : The Soul of Japan (), un code che- valeresque, et même l’essence éternelle du Japon. Il contribue surtout à fonder l’État-nation de l’ère de Meiji, le culte de l’Empereur, l’invasion de l’Asie. Les arts martiaux, qui s’étaient développés dans le sens de la for-

mation de soi, non sans rapport avec le zen à bien des égards, sont alors contaminés par l’esprit militariste qui prévaut jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale au lendemain de laquelle les Alliés les interdisent jus- qu’en . Mishima, âgé de  ans à l’époque, déjà pénétré de la tradition

lettrée guerrière, ne tarde pas à s’y mettre.

Quelques penseurs d’Occident érigèrent telles de ces voies en symboles du Japon nouveau. Dans « Jiujutsu » (), essai du même L. Hearn, le Japon applique à l’Occident une prise de jiujutsu, il se sert de la force de celui-ci pour le terrasser, il se transforme en restant fidèle à lui-même :

Despite her railroad and steamship lines, her telegraph and telephones, her postal service and her express companies, her steel artillery and magazine-rifles, her universities and technical schools, she remains just as Oriental today as she was a thousand years ago. She has been able to remain herself, and to profit to the utmost possible limit by the strength of the enemy. She has been, and still is, defending herself by the most admi-

. K. Tomiki, « Martial arts », Kodansha Encyclopedia of Japan, t. , p. -. . B. Doganis, Les arts martiaux japonais et le sentiment d’évidence, p. . . P. Souyri, L’Invention du samouraï, p. -.

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rable system of intellectual self-defense ever heard of, — by a marvelous national jiujutsu.

Dans « L’affût du lutteur », Paul Claudel (-) use de la métaphore géopolitique du sumo, du long moment d’attente et d’observation qui pré- cède le choc frontal instantané, pour saisir la stratégie du Japon en Chine.

L’image du Japon est souvent associée aux arts martiaux, à la doctrine du bushi¯o, plus largement au mythe du samouraï, que Mishima se fabriqua avec de la sueur et pour finir du sang, toujours en quête du sport qui conviendrait le mieux à son expression corporelle et à son besoin de se sentir exister sous le soleil.

Dès son plus jeune âge, Mishima se préoccupe de sa pauvre condition physique. En , il s’inscrit un temps au J¯oba Club, un cercle hippique. En , il apprend à nager. En  et , il passe à la boxe, prend des leçons une fois par semaine en gymnase, ne cesse de boxer en aveugle, se fait toujours battre, finit par abandonner après , mais conserve son vif intérêt pour la boxe. En , il soulève des haltères au gymnase du K¯orakuen, pratique le culturisme/bodibiru trois fois par semaine jus- qu’à son décès, repère toujours le gymnase le plus proche de son hôtel quand il loge ailleurs qu’à Tokyo. En , il débute le kendô, l’escrime locale. En  et , il participe aux séances officielles d’instruction militaire des Forces d’Autodéfense du Japon et pratique iainuki et karaté. En , il obtient son edan de kendô. Au cours de ces années, il distri-

bue les moments de sa vie domestique en réservant une bonne place au sport : lever à midi, exercices physiques l’après-midi, sorties entre amis le soir ; écriture, la nuit, tel le fonctionnaire confucéen de la Chine ancienne qui écrivait ses petits récits vulgaires (sh¯osetsu) « en mouchant la chan- delle». Routine stricte, qui explique son énorme production, quarante

et un volumes en . Qui lui permet aussi, à force de volonté farouche,

de se forger un corps musclé. Plus en torse qu’en jambes, d’ailleurs...

. L. Hearn, Out of the East, « Jiujutsu », p. -. Traduction : « En dépit de ses lignes de chemin de fer et de vapeurs, des ses télégraphes and de ses téléphones, de son ser- vice postal and de ses compagnies express, de son artillerie d’acier et de ses fusils à maga- sin, de ses universités et de ses écoles techniques, il [le Japon] reste juste aussi oriental aujourd’hui qu’il l’était voici mille ans. Il a su rester lui-même et profiter de la force de l’ennemi jusqu’aux limites extrêmes du possible. Il s’est défendu, et se défend toujours, au moyen du système d’autodéfense intellectuel le plus admirable dont on ait jamais entendu parler — par un merveilleux jiujitsu national. »

. P. Claudel, L’affût du lutteur (), p. . . J. Dars, « Préface » d’En mouchant la chandelle.

. M. Miyoshi, Accomplices of Silence. The Modern Japanese Novel, p. . . J. Nathan, Mishima. A Biography, p. , , -.

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Parallèlement à sa pratique sportive, Mishima aborde souvent le sport dans sa production écrite non littéraire. En , lors des Olympiades de Tokyo, il siège au comité de sélection des articles sportifs pour la revue Fukin¯oron/Critique féminine. En , il signe un article sur le suicide d’un marathonien nippon, Tsurubaya K., du geste duquel il fait l’expression de la voie du samouraï. Sentant ses forces le quitter, cet athlète, médaillé de

bronze aux Jeux de Tokyo en , officier au Quartier-général des forces d’auto-défensRe, s’y était tué ; Mishima s’y tuera aussi. Plus que les articles sportifs, c’est l’œuvre littéraire qui concentre la réflexion de l’écrivain sur le sport et explique ses rapports avec lui. Parmi les romans et essais en lien avec le sport qui jalonnent la carrière de Mishima, cinq sont retenus ici : La coupe d’Apollon (), La maison de Ky¯oko (), Le Pavillon d’Or (), « Ken » (), Le soleil et l’acier (). Chacun eux offre une approche dif- férente du sport, tous se rejoignent dans la même imagination et dans la même idéologie. Derrière chacune des représentations, l’image obsé- dante et dynamique d’un corps d’homme, jeune, beau, fort, qui atteint au comble de la vie dans l’instant même qu’il accomplit sa mort volontaire au soleil. Rien qui ne s’articule de près ou de loin, à titre d’étape, de référence, de répétition, d’allusion, à cette obsession fondamentale.

Au cours de son voyage en Grèce, d’abord à Athènes en face du théâtre de Dionysos, puis au musée de Delphes, devant la statue de l’Aurige qu’il désire voir depuis longtemps, Mishima admire la sculpture grecque et l’associe aux sports en l’intégrant dans un scénario tragique :

Les Grecs croyaient à l’extériorité. [...] Avant que le christianisme n’invente

l’esprit, l’homme n’en ressentait pas le manque et vivait avec orgueil. L’in-

tériorité pensée par les Grecs a toujours sauvegardé extériorité et symétrie [...] On ne saurait penser à séparer les représentations du théâtre grec des jeux olympiques. Sous cette lumière violente et totale, nous sommes sans interruption immobiles dans la mobilité et sans interruption intacts dans la destruction ; cela me rend heureux de penser à l’équilibre panthéiste des athlètes.

[...] Derrière le temple [...] sont disséminés des fragments de plis de vête- ments, de colonnes et de corps nus, comme après un événement tragique. [...]

Le bras gauche de ce fameux Aurige s’est perdu, le droit empoigne les brides. Il est en train de mener un char à quatre chevaux. Il mène encore d’invisibles chevaux, le visage jeune est tendu, les yeux grand ouverts ardent.

Le nez est de forme grecque typique. La grandeur des yeux, est inten- tionnellement disproportionnée, la partie inférieure du corps cachée par l’étoffe paraît plutôt longue au regard de la partie supérieure. Et pour-

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tant, le réalisme des chevilles découvertes est vraiment impressionnant, on dirait que le sang court dans les veines des pieds.

L’émotion que me procure cette statue découle sans doute aucun du rare accord qu’elle démontre entre le regard qui fixe la réalité des choses et la forme parfaite de l’œil.

La moitié supérieure du corps, pesante et complexe, avec le superbe chef viril, les épaules, la poitrine, les plis amples et riches de la tunique et l’avant-bras saillant, contraste avec la moitié inférieure, intentionnelle- ment longue et seulement composée de plis monotones et réguliers, et ce contraste procure l’émotion d’une musique exquise qu’on écoute avec les yeux. Dans cette statue, la forme coïncide superbement avec la vérité, une harmonie lumineuse et indescriptible se diffuse en tout le corps.

La tête de l’Aurige est d’une originalité distincte des têtes marmoréennes des époques postérieures, elle exprime la simple jeunesse d’un mortel qui ne ressemble à aucune divinité. Le visage me semble encore plus beau que celui d’Apollon. Il n’y a pas de trace de divin, la pudeur au lieu de l’arrogance et la pureté au lieu de la luxure dégagent un parfum. La pudeur du vainqueur, la pureté lumineuse : comme une telle impression de vérité nous frappe au plus profond du cœur ! L’art, plus encore qu’un sujet obscur et sérieux, est expression d’une imperfection.

Cependant, la chose que nous ressentons dans la sculpture la plus belle (ainsi le bronze de Delphes, le conducteur de char, où ont été fidèlement immortalisées la gloire, la fierté, la pudeur reflétées dans l’instant victo- rieux), c’est la prompte approche du spectacle de l’autre côté du vain- queur. En même temps, en nous montrant symboliquement les limites de l’élément spatial dans l’art du sculpteur, elle donne à entendre qu’il n’est humainement que déclin au-delà de la gloire la plus haute..

Dans cette description où l’œil écoute, Mishima, qui croit encore en la vertu de l’art, saisit le feu et la force de la jeunesse éternelle du cocher jusque dans le sang des veines qu’il croit voir circuler aux chevilles. Il oppose à l’intention de synesthésie harmonieuse et d’harmonie tout court, qu’il prête au sculpteur, et qui relève de l’idéal grec de l’éducation clas- sique, le côté humain, non divin, donc imparfait de la tête, qui exprime pudeur et pureté et non arrogance et luxure, qualités inattendues d’un vainqueur, ici liées au sport indirectement. L’aurige est affecté de traits qui peuvent caractériser à la fois l’idéal du sportif et du corps viril. Le hia- tus entre la mobilité et l’immobilité est levé dans l’évocation de l’éternelle jeunesse que confère d’autant plus l’art du sculpteur qu’il laisse entendre l’immédiateté du déclin et de la mort au-delà de la victoire, à l’instant suprême où le corps triomphe sous le soleil. Tout un scénario tragique se profile ainsi derrière l’admiration que voue Mishima à l’idéal grec d’éduca- tion de l’éphèbe. Au-delà de sa fascination de la sculpture, Mishima choisit

. Y. Mishima, La coppa di Apollo, p. , -.

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