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Notre problématique s’est constituée à partir des insuffisances inhérentes aux approches fonctionnalistes qui ont tendance à soumettre l’organisation aux règles de la sélection naturelle. Le constat a été d’ordre épistémologique et les alternatives devaient nécessairement s’inscrire dans des paradigmes différents. Notre préoccupation a été d’identifier les mécanismes sociaux de structuration qui sont l’œuvre des acteurs. Les explications alternatives ont été d’abord fournies par le courant psychanalytique qui propose la voie du déterminisme social. Ce déterminisme soumet l’organisation à l’inconscient des dirigeants ainsi qu’à leur pathologie.

Nous avons volontairement évité les voies du subjectivisme pur qui suspend l’ordre réifié et ne considère que l’interaction des acteurs. Les investigations ont été poussées vers le paradigme de l’action collective, et plus particulièrement les approches qui conçoivent l’organisation comme construit social. L’analyse stratégique de Crozier et la théorie du sensmaking de Weick, chacune à sa manière, a décrit le processus de structuration de l’organisation. La première adopte une vision politique dans laquelle les acteurs sont dans une logique de complot et tentent de s’approprier les moyens d’influence sociale. La seconde vision interactionniste fait de la structuration un processus social de construction du sens. Les règles et les routines deviennent un moyen de production de signification pour faire face aux situations équivoques. Cette phase a été utile dans la description du processus social de structuration dans ses deux dimensions ; politique et sémantique. Elle a fourni les concepts clés pour la description de l’action collective, notamment les zones d’incertitude et l’enactment.

Nous avons ensuite senti le besoin d’explorer d’avantage le paradigme constructiviste qui se soustrait de toute idée de déterminisme au profit de rapports dialectiques entre l’acteur et la structure. Cette consubstantialité entre le subjectivisme des acteurs et l’objectivisme du structurel fusionne les deux points de vue opposés dans une épistémologie qui se propose

164 d’appréhender l’organisation comme une réalité construite dans une dialectique. La sociologie de la connaissance et la théorie de la philosophie de l’esprit de Searle soutiennent la théorie de la structuration de Giddens en explicitant les mécanismes sociaux de la structuration. Les réponses ontologiques ont été déterminantes dans la définition de ces mécanismes. La création du structurel, dans le sens institutionnel, est un processus de réification, c'est-à-dire d’émergence des règles externes est contraignantes aux pratiques récursives des acteurs. Les règles institutionnelles suivent le processus opposé de leur incorporation dans l’habitus des acteurs. Ontologiquement, les dispositifs institutionnels de l’entreprise se définissent par le double processus de genèse d’une réalité externe aux acteurs et son internalisation. C’est cette double condition qui donne une existence au structurel ainsi qu’à son actualisation.

Ce cadre théorique sera utile pour revoir le rapport de l’organisation avec son environnement et la technologie. Ce sont les deux principaux facteurs de contingence étudiés et qui ont aussi suscité un nombre important d’études dans l’optique de Giddens.

La technologie est conçue comme un dualisme, elle est structurée et structurante. Il ne sera plus question de trouver l’impact structurel de la technologie mais de l’envisager comme un construit social. Autrement dit, la technologie comporte une réalité interne et participe à la transformation de la réalité externe.

Nous retenons aussi le postulat de Barley pour qui, la simple présence de la technologie constitue une occasion de structuration de l’organisation. Le cas de SEOR est justement une multitude de situations de transformation suscitées par l’avènement de nouvelles technologies. Quant à l’environnement, il est considéré du point de vue interactionniste proche de la vision phénoménologique. C’est une réalité mise en scène par les acteurs. Ceci complète la vision du système d’action concret qui se constitue entre les acteurs de l’organisation et ceux activant à la frontière avec l’environnement. Cette vision facilite la détermination des mécanismes sociaux de la structuration.

Le troisième postulat est lié au rapport ou plus exactement à l’enactement de la technologie par les acteurs et l’émergence de nouvelles règles. C’est le dualisme entre les pratiques récursives et les règles par une médiation technologique.

165 Toutes les approches constructivistes mobilisées finissent par adopter une conception institutionnaliste de la structure. Celle-ci est assimilée aux règles contraignantes mais aussi habilitantes. Les visions morphologiques n’ont pas été évoquées. Cette prédominance institutionnaliste impose un autre point de vue de la structure qui se conçoit comme dispositif institutionnel.

Le double dualisme de l’ontologie structurel peut être schématisé de la manière suivante :

Figure 19 : Losange de l’ontologie structurelle

Les croyances collectives constituent le fondement de tout fait social pour J. Searle (1998). Les définitions sociales sont confirmées et actualisées par les pratiques récursives dans le sens d’accomplissement compétents (A. Giddens et H. Garfunkel) Les éléments du structurel ne peuvent être saisis en tant que tel, ils se définissent à travers les usages dont ils font l’objet et les significations socialement créées de ce qu’ils sont. Les usages se répartissent entre fonctions agentives, prévues par les acteurs, et fonctions non agentives, des rôles subsidiaires qui se développent sur le tas.

Croyances collectives

Accomplissements

Règles incorporées Règles Réifiées

166 L’axe principal renvoie à la réalité externe aux acteurs et à la réalité interne. Les règles existent aussi bien comme manifestation indépendantes des acteurs que comme réalité incarnée dans leurs habitus. Les règles réifiées suivent un processus de naturalisation relativement long et leur internalisation est un processus d’apprentissage et de réappropriation via des actions de formation et de socialisation.

Pour rendre le losange ontologique plus pratique pour l’étude de cas, nous avons préféré le concevoir et l’adapter pour une description plus facile qui relèverait de la phénoménologie :

Tout d’abord, nous explorerons la réalité matérielle, celle qui est visible et qui peut être confondue à tors avec la réalité institutionnelle. Au-delà de cette réalité matérielle, nous explorons la réalité interne de la technologie.

Ensuite, nous verrons dans quelle mesure les acteurs ont incorporé ces nouveaux dispositifs et à travers quel processus ils ont été transformés.

Enfin, la dialectique sera étudiée dans le rapport des acteurs avec les nouveaux systèmes. Un processus d’enactment sera entamé et à l’issue duquel la réalité institutionnelle pourra évoluer.