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Le tableau3.2dresse une liste de quelques filtres canalaires.

3.2

Les yeux

Nous nous intéressons à une fonction particulière des yeux : leur capacité à induire une sensation

de mouvement ou vection16. La vection est une illusion sensorielle uniquement provoquée par un dé-

cor visuel en mouvement. Ce phénomène peut être observé dans la vie courante, grâce à " l’illusion

15Voir [Angelaki et Dickman, 2004] pour la description des simulations. 16Cette section est inspirée de [Bohoua-Nassé, 2004].

du train ". En effet un observateur assis dans un train à l’arrêt a parfois l’impression d’être en mou- vement lorsqu’un train sur un quai voisin démarre. Ce phénomène implique que le sujet perçoive une sensation imaginaire de mouvement propre, bien que sa tête et le reste de son corps soient tota- lement immobiles. Cette sensation illusoire peut être déclenchée par des images en mouvement sur un écran. Selon le type de mouvement simulé, il existe deux types de vection : (a) La vection circulaire qui peut être obtenue avec un sujet assis à l’intérieur d’un cylindre (souvent peintes de rayures noires et blanches alternées) en rotation (b) La vection linéaire est engendrée en simulant sur un écran des objets qui se rapprochent ou s’éloignent du sujet.

D’après [Young, 1977] : "La réponse subjective induite par un large champ visuel qui se met subite-

ment en rotation avec une vitesse constante est très surprenante. Au début le mouvement véritable de la scène visuel est perçu, le sujet se sent immobile en face d’un environnement visuel en rotation. Après un délai de deux à cinq secondes, la scène visuelle commence à ralentir, souvent devient immobile et l’observateur se perçoit en mouvement de rotation dans la direction opposée. La sensation de rotation propre atteint son maximum au bout de trois à dix secondes, de façon exponentielle".

Il est souhaitable pour le réalisme de la simulation que le sujet ressente une vection complète où la scène visuelle doit apparaître immobile par rapport au sol fixe, tandis qu’il se perçoit totalement en mouvement. Pour atteindre cet objectif plusieurs conditions expérimentales doivent être vérifiées :

1. Importance de la vision périphérique sur la vision centrale

Le champ de vision de l’homme peut se diviser en deux zones. La zone centrale (ou fovéale) caractérisée par la précision et la netteté de l’image et peu sensible au mouvement des objets ; et la zone périphérique (qui correspond à une stimulation hors de la fovéa) caractérisée par une

grande sensibilité aux mouvements et par un rendu flou de l’image17. Ces résultats justifient

l’utilisation d’écrans panoramiques dans les simulateurs de véhicule où la présence de signa- lements et de décors extérieurs à la route (arbres, montagnes, etc) est très importante. A ce

propos, dans le cadre des simulateurs de vol, [Young, 1978] souligne que la présence de nuages

et d’étoiles dans la zone périphérique permet de renforcer le réalisme de la vection. L’appari- tion de la vection est donc conditionnée par la présence d’objets en mouvement dans le champ périphérique de vision. Ce constat permet d’introduire la notion de fréquence spatiale, qui cor- respond à une densité (nombre d’éléments visuels par unité de surface) dans l’image.

2. Relation entre la vitesse du champ visuel et la vitesse ressentie

La vitesse de l’objet par rapport au sol, dans la scène visuelle détermine la vitesse ressentie par le sujet jusqu’à une borne supérieure de vitesse. Cette borne supérieure semble correspondre à l’apparition du flou visuel dans l’image. Lorsque la limite de vitesse visuelle est dépassée, la vitesse perçue par le sujet décroît jusqu’à l’extinction complète de la sensation induite. Cette

vitesse ne doit pas excéder en moyenne 60◦/s, d’après [Young, 1978] pour la vection circulaire,

et 1m/s pour la vection linéaire (horizontal avant), [Berthoz et al., 1975].

Spécificités des yeux

1. Réflexe optocinétique

Lorsque tout le décor visuel est en mouvement, la poursuite périphérique involontaire (réflexe optocinétique) se déclenche. En effet des afférences visuelles massives en provenance de toute la surface de la rétine entraînent l’oeil dans le sens du mouvement du décor. C’est un méca- nisme qui vise à conserver sur la rétine une image stable durant un laps de temps. A partir d’un certain angle (repéré par la vue et la proprioception) les centres nerveux ordonnent une saccade de rappel. Cette saccade est brève pour empêcher le flou visuel. C’est une phase de nystagmus (l’oeil bat rapidement dans le sens inverse du mouvement).

2. Latence de la vection

Une des caractéristiques principales de ce phénomène est le délai entre le début du stimulus et

le début de la réponse subjective. Ce délai est critique dans le cadre de la simulation en envi- ronnement virtuel. Il dépend de plusieurs facteurs :

(a) Cohérence avec la stimulation vestibulaire : la perte de vection (et donc l’augmentation de la latence), occasionnée par un changement brutal de la vitesse de la scène visuelle est due à une incohérence perceptive. Cette incohérence est provoquée par l’absence de stimula-

tion vestibulaire correspondante. [Young, 1978] remarque que la latence diminue lorsque

les accélérations simulées sont en dessous du seuil de perception des organes vestibulaires. (b) Facteur humain : Ce délai est variable selon les individus, les critères individuels tels que

l’âge, le sexe, le caractère et la santé.

(c) Fixation : La fixation du regard sur des objets situés au premier plan semble contribuer à la diminution de ce délai.

Enfin dans le but de fournir des ordres de grandeur, [Young et Oman, 1974] rapportent que

pour une rotation d’axe vertical à l’intérieur d’une sphère (simulateur de 40 pieds de dia- mètre), on observe une latence de vection circulaire de 11s pour une vitesse visuelle de 5

deg/s et 6s pour 10 deg/s). [Berthoz et al., 1975], ont mesuré pour la vection linéaire hori-

zontale, une latence de 1 à 1.5s pour une vitesse visuelle de 0.2 à 1m/s. On constate que les ordres de grandeurs des latences de la vection circulaire sont plus élevés que ceux de la vection linéaire.

(d) La vitesse des objets : Dans leur article, [Telban et Cardullo, 2001] reportent qu’une dimi-

nution de ce délai est observable lorsque la vitesse des objets augmente. 3. Réponse fréquentielle

D’après [Young, 1978] (vection circulaire) et [Berthoz et al., 1975] (vection linéaire), la réponse

fréquentielle de la vection, s’apparente à un filtre passe-bas du premier ordre avec une fré- quence de coupure de l’ordre de 0.1 Hz. Ce résultat est donc caractéristique de la perception des informations d’origine visuelle.

4. Perte de la vection

Durant une stimulation visuelle à vitesse constante, un arrêt occasionnel et brutal de la vection peut se produire, la reprise de l’illusion sensorielle se déroule suivant les mêmes conditions qu’à l’instant initial. La raison de ces pertes inattendues n’est pas connue avec certitude. Néan- moins on peut supposer que les mouvements volontaires des yeux peuvent influencer cet arrêt temporaire de vection.

5. Mécanisme d’adaptation

Dans le cadre de la vection linéaire, un phénomène d’adaptation peut se produire. Ce phéno- mène pousse le conducteur d’un véhicule roulant à vitesse constante à sous-estimer sa vitesse de déplacement. La vection diminue pour une stimulation constante avec une constante de temps à 30-50s.