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xxw Décorticage du néré

Dans le document La transformation des grains (Page 98-101)

Les graines de néré

Le néré (Parkia biglobosa) est un arbre de la famille des Mimosacées très répandu en Afrique de l’Ouest dans les zones de savanes guinéennes et soudaniennes (Arbonnier, 2019). La graine de néré fait l’objet d’impor-tantes transactions et son aire de consommation dépasse les régions productrices. D’une longueur moyenne comprise entre 7,5 et 9 mm, d’une largeur entre 6 et 7 mm et d’une épaisseur moyenne de 3 à 4 mm, la graine de néré se caractérise par un poids de 1 000 grains compris entre 176 et 217 g (Koura et al., 2014). Pour obtenir les graines, il est tout d’abord nécessaire de procéder à un écossage des gousses et à la séparation de la pulpe qui entoure les graines.

Le néré est utilisé en pharmacopée traditionnelle et surtout en alimentation humaine et sa transformation par décorticage, cuisson et fermentation conduit à un condiment, emblématique de l’Afrique de l’Ouest, appelé soumbala au Burkina Faso ou au Mali, soumbara en Guinée et en Côte d’Ivoire, nététou au Sénégal, afitin, iru ou sonru au Bénin et dawadawa au Nigeria.

Avec des fortes teneurs en protides (35 %) et en lipides (29 %), ce condiment présente un intérêt nutritionnel certain. Le décor-ticage de la graine qui constitue l’opération la plus fastidieuse du procédé traditionnel de transformation du néré en condiment limite considérablement son développement.

Le décorticage traditionnel

Selon les pays, le mode opératoire peut varier mais celui qui est pratiqué en Casamance (figure 4.14) est assez représentatif du processus de transformation de la graine de néré en condiment. Ce processus dure plusieurs jours et des différences peuvent porter sur la durée de certaines opérations unitaires et sur les quantités d’intrants (bois, eau, sable, sel) utilisées.

Le décorticage traditionnel commence toujours par une longue cuisson à l’eau de 10 h à près de 24 heures (voir cahier couleur photo 23). Les graines cuites, égouttées et encore tièdes sont placées dans des mortiers pour être pilées ou étalées sur une surface dure et saupoudrées de

sciure de bois ou de sable pour être foulées aux pieds. Le pilage, ou foulage, est suivi d’un lavage afin de séparer les enveloppes ramol-lies des cotylédons. Évaluée lors des suivis de production, réalisés en Casamance, l’opération de lavage nécessite à elle seule près de 150 litres d’eau (Ferré et Muchnik, 1993).

Le processus de transformation peut néanmoins varier selon les pays ou les régions de production. Au Bénin, par exemple, le rinçage de 30 kg de graines nécessite 50 à 80 litres d’eau (Ahouansou, 2012). Les cotylédons et les coques issus des graines cuites sont séparés des graines non cuites non ou mal décortiquées par densité dans une solution aqueuse de terre argileuse. Un second lavage est alors nécessaire pour séparer les cotylédons triés de cette terre argileuse et des impuretés restantes. Les graines non ou mal décortiquées, piégées dans la boue, sont récupérées et soumises à une nouvelle cuisson séparée ou intégrée dans un nouveau cycle de production.

La contrainte du décorticage est un facteur extrêmement limitant qui hypothèque le développement de ce condiment fermenté emblématique de l’Afrique. Dans les années 1990, on constatait déjà l’utilisation de graines de soja en substitut ou en complément aux graines de néré dans la fabrication de l’afitin au Bénin (Gutierez, 2000). Cette pratique s’est

Figure 4.14.

largement répandue, accentuée par la disparition progressive des nérés (Floquet, 2006). Il est probable que sans un appui fort, notamment à la mécanisation de cette tâche, ce condiment soit progressivement remplacé par des produits de substitution comme le soja ou l’arachide. La mécanisation du décorticage

La mécanisation du décorticage du néré a connu plusieurs évolutions au cours des dernières décennies et, dès les années 1980, des recherches ont été entreprises selon deux orientations : le décorticage à sec et le décorticage après étuvage des graines. Tous les essais de mécanisation avaient pour principal objectif de réduire la durée, la pénibilité et le coût économique du décorticage. Il s’agissait notamment de supprimer ou de réduire la cuisson des graines avant décorticage, très consom-matrice de bois de feu, et le triage-lavage des cotylédons qui nécessite beaucoup d’eau (figure 4.15).

Figure 4.15.

Diagramme de la mécanisation du décorticage du néré (d’après Ferré et Muchnik, 1993).

Le décortiqueur Cirad

Le décortiqueur à néré, conçu par le Cirad au début des années 1990, est constitué de deux plateaux métalliques horizontaux, de 250 mm de diamètre, revêtus de tôles en acier trempé anti-abrasion et perforées au diamètre de 12 mm (voir cahier couleur photo 24). Le plateau inférieur mobile (ou rotor) tourne sous le plateau supérieur fixe (ou stator) relié au châssis (figures 4.16.1 et 4.16.2). L’écartement et le parallélisme entre les plateaux sont réglables. L’alimentation est réalisée au centre

du plateau supérieur et les graines qui progressent entre les plateaux par la force centrifuge sont décortiquées par cisaillement. En sortie du décortiqueur, le mélange d’amandes et de coques tombe dans un canal de vannage qui permet de séparer d’une part les coques et les fines brisures et d’autre part les amandes et les graines non décortiquées. Le décortiqueur à néré a été testé dans la région du Fogny au Sénégal car, à cette époque, la transformation du néré en nététou constituait une importante activité économique pour de très nombreux groupements de femmes de Basse-Casamance. Les essais réalisés en collaboration avec l’Isra (Institut sénégalais de Recherches agricoles) et une organisation paysanne locale, le Comité d’action pour le développement du Fogny, ont permis d’obtenir un débit de 76 kg/h avec un taux de décorticage supérieur à 70 %. Le décortiqueur est équipé d’un système de ventila-tion qui permet de séparer les amandes des coques (Ferré et Muchnik, 1993). Au Sénégal, le décortiqueur a également été testé sur des graines de Sump (Balanites aegyptiaca). Les essais réalisés en collaboration avec l’ONG Enda-Graf ont permis d’obtenir un taux de décorticage supé-rieur à 90 % avec un débit de 60 kg/h.

Le décortiqueur à néré Cirad a été modifié par le département de Mécanique de l’Institut de Recherche des Sciences appliquées et de Technologie (Irsat) du Burkina Faso. Les modifications ont porté sur le canal de vannage et l’utilisation d’un seul moteur pour permettre le décorticage et le nettoyage. Des opérations supplémentaires de nettoyage et de criblage des graines, de trempage des graines pendant 5 h suivi d’un séchage au soleil pendant 4 h, ont permis d’améliorer les performances de l’équipement qui se résument à un débit de 100 kg/h, un rendement moyen de 55 % et un taux d’efficacité de 83 %.

En Afrique, la prise de conscience croissante des risques liés à une consommation trop importante de « bouillons cubes » et autres exhaus-teurs de goût s’accompagne d’un regain d’intérêt pour l’utilisation de condiments naturels tels que le soumbala. Dans ce contexte, il paraît important de pouvoir relancer des recherches techniques sur cet équipement de décorticage du néré, afin de développer sa fabrication locale et sa diffusion en Afrique. La valorisation des graines de néré est également un moyen de préserver un arbre aux multiples usages pour les populations rurales.

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