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Vers le XXI ème siècle

Dans le document Histoire de famille en pays Mantois (Page 33-38)

Le Mantois connaît de grands bouleversements après la guerre. Le paysage agricole évolue rapidement. En 1925, Épône compte encore quarante exploitations, souvent de très petites dimensions. Leur nombre chute dès les années 1950. Les terres sont remembrées, les parcelles beaucoup plus étendues. L’heure est désormais aux grands domaines, à l’équipement modernisé et motorisé.

Une centrale électrique, la plus grande des nouvelles centrales de la région parisienne, se construit à Porcheville, de l’autre côté de la Seine. Une gigantesque usine Renault s’ouvre à Flins, en bordure du quartier d’Élisabethville. Elle comptera jusqu’à vingt mille ouvriers et sera le principal employeur du Mantois pendant plus de soixante ans. Le constructeur automobile achète même des terrains à Épône, pour y faire bâtir les premiers immeubles de la ville, destinés au logement de ses ouvriers. L’apport de nouvelles populations est brutal et colossal, le nombre d’épônois double en huit ans, passant de 1 682 individus en 1954 à 3 239 en 1962. Il double à nouveau en vingt-huit ans, atteignant son record de 6 706 habitants en 199020.

Cette explosion est parfaitement visible sur cet histogramme de l’évolution de la population épônoise jusqu’à nos jours, la commune finissant par abandonner peu à peu sa ruralité :

20. Wikipédia (« Épône » - https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89p%C3%B4ne), tableau d’évolution de la

population.

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Le château

Le premier document décrivant en détail le château d’Épône est un acte de vente du 13 novembre 1706 par lequel Anne Armande Marie de Saint-Gelais, duchesse de Créqui, cède ce château à Louis Hérault, de bonne noblesse normande, pour une somme de 108 000 livres21.

La propriété se compose d’un corps de logis, de deux gros pavillons et de deux petits dont l’un est une chapelle, d’un parc clos de murs de trente à quarante arpents, d’un colombier, d’écuries, granges, remises de carrosses et autres bâtiments servant au logement des domestiques, ainsi que d’une cour et d’une allée plantées d’ormes, le tout accompagné d’une ferme sur le domaine et de caves.

La duchesse de Créqui tenait ce château de sa mère, Marie de Vallée-Fossez, décédée en 1667, qui était la veuve d’Henri de Mesmes, issu d’une grande famille de robe. Il avait fait édifier le château au cours du XVIIème siècle.

Le dernier seigneur d’Épône, Marie Jean Hérault de Séchelles, petit-fils de Louis Hérault, tient un rôle important au cours de la Révolution. Épousant les idées nouvelles, il est élu député de la Seine en 1791, puis président de la Convention en novembre 1792. Adjoint avec Saint-Just au Comité de Constitution, il en présente le nouveau texte le 9 juin 1793. Élu plusieurs fois au Comité de Salut Public, il est à nouveau président de la Convention en août 1793, à la suite de Danton. Mais sa position attise des jalousies. Sa nature prudente et son ancienne noblesse de robe le font passer pour insincère auprès de Robespierre et Saint-Just. On l’accuse de fuites de décisions du Comité de Salut Public au bénéfice d’agents royalistes. Arrêté le 15 mars 1794, il fait partie le 5 avril de la charrette n° 560 du Tribunal Révolutionnaire, qui l’emporte à l’échafaud en compagnie de Danton, Desmoulins et Fabre d’Églantine22

.

Suite à l’exécution de son propriétaire, le domaine du château est saisi et mis en vente. Le château et le parc sont adjugés par jugement du tribunal civil de la Seine du 5 septembre 1803 à Félix Besnier, contre la somme de 91 800 F23.

21. « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 101 (cf. bibliographie) 22. Idem p. 172

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En 1841, Félix Besnier lègue le château à son frère Félix Marie, qui le vend le 2 octobre 1842 pour 41 500 F à Claude Marie Rivet, négociant à Paris. Son fils, Victor Alphonse, en hérite en 189524.

C’est le gendre de Victor Alphonse Rivet, Maurice Jarry, qui reprend les destinées du château vers 1900, à la mort de son beau-père. Le nouveau propriétaire disparaît à son tour en 1921, et le domaine est acheté par la société « Information et Transmission ».

Cette entreprise prend le contrôle en 1938 de Radio-Normandie, qui cherche à implanter près de Paris un puissant émetteur. Le site du château d’Épône paraît idéal, mais un certain Max Brusset, proche collaborateur de Georges Mandel25, actionnaire de la société et administrateur de Radio-Normandie, veut plutôt utiliser l’émetteur pour la propagande anti-hitlérienne, en installant au château « Radio International Épône ». Pour cela, un émetteur de 500 kw est commandé aux usines Thomson de Houston (USA). En attendant, on aménage le château, ses sous-sols qui doivent abriter l’émetteur, le parc où doit se dresser un pylône de 170 m de haut avec ses câbles d’ancrages.

24. ADN78 – 1T mono 4/7 (Monographie) 25. Alors ministre des colonies.

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Mais les troupes allemandes arrivent à Épône avant l’émetteur, le 13 juin 1940. Les occupants profitent de l’aubaine, et contraignent la société Thomson à livrer et installer l’émetteur comme prévu. « Radio International Épône » est rebaptisée « Calais one-Calais two », et sert à diffuser de la propagande, cette fois pro-hitlérienne, vers la Grande Bretagne.

Le parc du château est fortement transformé par l’installation de l’antenne et de canons de défense anti-aérienne. Si de nombreux arbres disparaissent, un classement hâtif et providentiel au titre des monuments historiques en 1941 du petit Temple de l’Amitié du fond du parc, sauve sans doute ce dernier de la destruction. Ce bâtiment fut construit en 1785 pour célébrer l’indépendance américaine. Il fut surnommé « Temple de David » car le peintre, ami de Marie Jean Hérault de Séchelles, y avait tracé des dessins au fusain, malheureusement effacés au cours d’une rénovation au début du XXème

siècle.

Le 18 août 1944, les allemands en fuite dynamitent le château et son émetteur. Le château d’Épône disparaît sous la forme d’un tas de gravats.

Complètement dévasté, le domaine est rendu à son propriétaire, la société qui l’avait acquis avant-guerre. Elle s’en sépare rapidement et le vend à Max Brusset26, qui fait reconstruire quelques communs, une partie de la ferme et le mur d’enceinte, et réaménager le parc de l’ancien château, transformant l’ensemble en vaste résidence.

L’endroit est dans les années 1950 un lieu de rencontres politiques. Mme. Brusset est la nièce de Louis Pasteur-Valéry-Radot, académicien et fondateur du Rassemblement du Peuple Français (RPF), parti du général de Gaulle. Le « château27 » d’Épône devient ainsi l’un des quartiers généraux des gaullistes en 1958. Des personnalités politiques comme Jacques Soustelle28 et Michel Debré29 viennent y préparer activement le retour du général au pouvoir et y jeter les bases de la constitution d’une Vème

République, adoptée par les français le 28 septembre 1958.

Dans les années 1960, Max Brusset cède le domaine à sa fille Jacqueline et son mari Dominique de Roux, éditeur et écrivain, qui meurt en 1977. C’est peu après que la commune d’Épône acquiert le château et son parc. Le 28 novembre 1981 y est inauguré l’Office municipal des arts d’Épône, aujourd’hui « centre culturel Dominique de Roux ».

26. Alors député de Charente-Maritime, futur maire de Royan.

27. Malgré sa destruction, c’est sous ce terme que le domaine est encore aujourd’hui désigné par les épônois.

28. Futur ministre de l’information de Charles de Gaulle. 29. Futur premier ministre de Charles de Gaulle.

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Dans le document Histoire de famille en pays Mantois (Page 33-38)