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Partie III. Résultats des analyses paléoparasitologiques

III.1 Taxons identifiés par les lectures microscopiques

III.2.4 Weyregg II

Sur les trois niveaux échantillonnés à Weyregg II, au moins huit taxons de vers parasites ont pu être identifiés. Bien que l’importante richesse taxonomique parasitaire détectée dans les échantillons atteste de la présence de l’homme et d’animaux sur le site, la quantité d’œufs relative à chaque taxon est assez faible (Tableau 5). De plus, en raison de la nature même des niveaux archéologiques, deux couches d’habitat et une phase d’abandon, l’origine biologique des œufs est inconnue et la détermination au rang spécifique n’est donc pas permise.

L’exiguïté du secteur étudié (12m²) et les faibles taux d’œufs de parasites empêchent de mettre en place une analyse spatiale statistiquement valable. Toutefois, une tendance de répartition des restes parasitaires est esquissée. Les échantillons étant répartis sur trois couches distinctes, nous pouvons alors essayer de voir s’il existe une tendance dans le temps.

La couche SE4 correspond à la couche culturelle la plus récente (3550 cal. BC). Dix taxons ont pu y être identifiés, la plupart d’entre eux indiquant une pollution par de la matière fécale d’origine humaine et/ou animale.

Trichuris, dont les tailles des œufs s’apparentent à l’espèce parasite de l’homme, est présent

sur l’ensemble du secteur et indique une pollution générale avec de la matière fécale humaine (Figure 41).

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Figure 41 : Carte de localisation des échantillons prélevés dans la couche 4 du site de Weyregg II et diagramme de concentrations log-transformées des œufs de parasites. La taille des diagrammes est proportionnelle au

nombre d’œufs total comptés pour chaque échantillon.

Ascaris, malgré un cycle biologique similaire, n’a pas la même distribution et les quatre œufs

dénombrés sont concentrés dans la partie orientale du secteur. Cette répartition peut indiquer un hôte définitif différent, probablement le porc.

Diphyllobothrium, parasite des mammifères piscivores tels que l’homme ou le chien, est

principalement retrouvé dans la partie orientale du secteur.

L’œuf unique de Taenia/Echinococcus est également présent sur cette partie du site, ainsi que le seul résidu du genre Dicrocoelium.

La concentration de parasites liés au mode de consommation de viande et de poisson peut indiquer une zone pour les déchets de boucherie et de pêche. La présence de bovins sur le secteur est attestée par les œufs de Fasciola et de Paramphistomum, qui ne présentent aucune tendance de répartition particulière.

La couche SE5 (3670 cal. BC) correspond à un dépôt de craie lacustre. Peu d’œufs ont été comptés dans cette couche, ce qui est en partie dû à un biais de représentation dans l’échantillonnage. En effet, cette couche est celle qui est la moins échantillonnée pour l’analyse paléoparasitologique (Figure 42). De plus, la nature des sédiments indique une période de haut niveau du lac, qui peut alors correspondre à une phase d’abandon du site.

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Figure 42 : Carte de localisation des échantillons prélevés dans la couche 5 du site de Weyregg II et diagramme de concentrations log-transformées des œufs de parasites. La taille des diagrammes est proportionnelle au

nombre d’œufs total comptés pour chaque échantillon.

Trichuris est faiblement représenté mais est réparti sur toute la zone. Seuls quelques restes

de Fasciola et de Paramphistomum ont été identifiés. La présence d’œufs dans cette couche pourrait s’expliquer par de la percolation au travers de la couche SE4 provoquant un dépôt de restes de parasites dans la couche SE5. Par rapport à la couche SE4, Diphyllobothrium se trouve en plus grande quantité. Ce phénomène ne peut donc pas s’expliquer uniquement par la percolation et certains mammifères piscivores étaient certainement présents autour de ce secteur.

La présence d’œufs peut aussi être due à une contamination exogène de la couche, par exemple par les battements de l’eau sur la rive du lac, mais il est également très probable qu’elle soit due à la présence d’animaux sauvages venus s’abreuver sur les rives. Pour le moment, il n’est pas possible de définir si l’activité a cessé sur ce secteur, ou si les habitants l’ont déplacé spatialement, peut-être en raison d’une hausse du niveau des eaux du lac (Pohl, 2016). Des analyses sédimentaires sont nécessaires afin de définir si les couches sont bien en place et si la part du battement des eaux du lac est négligeable.

La couche SE6 correspond à la plus ancienne couche culturelle (3750 cal. BC). À l’instar des autres niveaux archéologiques, la diversité parasitaire est importante avec sept taxons recensés mais en faible quantité. Aucune zone de concentration ne se dessine (Figure 43).

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Figure 43 : Carte de localisation des échantillons prélevés dans la couche 6 du site de Weyregg II et diagramme de concentrations log-transformées des œufs de parasites. La taille des diagrammes est proportionnelle au

nombre d’œufs total comptés pour chaque échantillon.

De manière générale, les conditions taphonomiques ne semblent pas idéales pour une bonne conservation des œufs. La biodiversité est importante mais ne permet pas d’apporter plus d’indications sur un éventuel changement de comportement, comme des changements de régime alimentaire par exemple. De même, la répartition des échantillons et leurs contenus ne permettent pas de mettre en évidence une gestion des déchets particulière.

Un fait intéressant a tout de même été remarqué sur le site de Weyregg II, les variations de taille des œufs de Trichuris. Au cours des lectures des échantillons au microscope, certains œufs sont apparus plus longs que les œufs de T. trichiura standards. En effet, lorsque l’on compare la taille de ces œufs de Trichuris à ceux d’un autre site (pour cet exemple, les œufs de Trichuris du site de Zug-Riedmatt), deux populations se dessinent largement (Figure 44).

Il est très net que les œufs de Trichuris provenant du site de Weyregg II peuvent être affiliés à deux espèces distinctes. Afin de déterminer lesquelles, les dimensions les plus fréquemment retrouvées dans la littérature de plusieurs espèces de Trichuris ont été compilées (Dufour, 2015) et comparées à celles des œufs de Weyregg II (Figure 45). D’après ce graphique, les plus petits œufs peuvent aisément être affiliés à T. trichiura, parasite de l’homme, tandis que les plus grands peuvent être attribués à deux espèces, T. ovis ou T. discolor, respectivement parasite des ovins/caprins et des bovins (Euzéby, 2008). Ces parasitoses viennent donc confirmer la présence de ruminants sur le site de Weyregg II. Nous ne pouvons cependant pas définir s’il s’agit d’animaux sauvages ou domestiques.

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Figure 44 : Taille des œufs de Trichuris identifiés sur les sites de Weyregg II et Zug-Riedmatt (les unités des axes sont en µm).

En contexte archéologique, les œufs de ces deux espèces ont rarement été mis en évidence en raison de leurs très faibles proportions par rapport aux œufs de Trichuris « classiques », comme nous pouvons le voir dans le Tableau 5. Une analyse ADN devrait confirmer leur identification.

Figure 45 : Mesures des œufs des espèces de Trichuris les plus communes comparées aux mesures des œufs de Trichuris identifiés sur le site de Weyregg II. La mention « restreint » indique les dimensions minimales et

maximales précisées dans la littérature (d'après Dufour, 2015).

24 26 28 30 32 34 36 38 40 47 52 57 62 67 72 Weyregg Zug-Riedmatt 20 25 30 35 40 45 45 55 65 75 85 95 T. trichiura T. ovis T. muris T. discolor Weyregg T. vulpis "restreint" T. suis "restreint"

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L’agriculture développée par le groupe de Mondsee semble rudimentaire et les populations devaient subvenir à leurs besoins en viande par une activité de chasse importante (Ruttkay et al., 2004). Ceci est attesté par la forte part d’animaux sauvages dans l’assemblage faunique et le nombre important de pointes de flèche mises au jour sur le site. De plus, la topographie du terrain, qui présente une forte pente, suggère que les terres arables n’étaient pas à proximité immédiate du site (Pohl, 2016). Sur Weyregg II, bien que les prélèvements aient été effectués en plein cœur du village, le faible nombre d’œufs retrouvés peut s’expliquer par plusieurs phénomènes : des conditions taphonomiques non propices à une conservation optimale des marqueurs parasitaires, une agriculture et un élevage modérés qui aura eu pour conséquence d’éviter une trop forte propagation des parasitoses au sein des populations humaines et animales. Un élevage moins conséquent signifie moins de contact avec d’autres organismes potentiellement porteurs de parasitoses transmissibles. De plus, si l’agriculture est moins développée, il est probable qu’une moindre quantité de matière fécale était utilisée afin d’amender les terres, limitant ainsi le développement de parasitoses à cycle direct telles que l’ascaridiose et la trichocéphalose.

De manière générale, la population était atteinte de parasitoses. Néanmoins la contamination des habitants et des animaux présents a pu être limitée grâce à une activité de chasse plus présente que l’élevage et l’agriculture, tous deux importants vecteurs de parasitoses.

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