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Partie III. Résultats des analyses paléoparasitologiques

III.1 Taxons identifiés par les lectures microscopiques

III.2.6 Passel

Les 32 échantillons analysés couvrent 16 structures sur les 18 qui forment les trois fossés extérieurs à la palissade. C’est la première fois qu’une enceinte néolithique est analysée par la paléoparasitologie et la richesse taxonomique y est très importante, avec un ensemble de neuf taxons parasitaires humains et animaux (Tableau 7).

Au sein des prélèvements effectués, c’est le genre Trichuris qui est le plus représenté. Leur taille peut correspondre à l’espèce de l’homme, T. trichiura. Ils marquent donc la présence de matière fécale humaine dans les fossés (Figure 47).

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Tableau 7 : Nombre d’œufs de parasites comptés dans les différentes structures identifiées sur le site de Passel. (Nb ech : nombre d’échantillons analysés par structure).

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Figure 47 : Localisation des échantillons prélevés sur le site de Passel et concentrations en œufs de Trichuris. La taille des diagrammes est proportionnelle aux concentrations log-transformées en œufs de Trichuris. Les

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Un unique œuf d’Ascaris a été retrouvé dans la structure ST359, ne permettant pas définir son origine biologique (Figure 48).

L’élément remarquable sur ce site est la présence en nombre important d’embryophores de

Taenia/Echinococcus, notamment dans la structure 335 (Figure 48). De telles proportions sont

rares dans les échantillons archéologiques et pourraient indiquer une quantité importante de matière fécale d’origine humaine ou animale. Cette structure contient également les seuls œufs de Diphyllobothrium retrouvés sur le site. L’association parasitaire au sein de cette structure et le nombre important d’œufs de Trichuris, Taenia /Echinococcus et Diphyllobothrium, va dans le sens d’une origine humaine et/ou canine de la pollution fécale. Cette structure a fait l’objet d’une analyse de l’ADN parasitaire ancien, tout comme le site de La Draga, afin d’essayer d’identifier les espèces présentes. Malheureusement, cette analyse s’est avérée infructueuse (Côté, 2015 ; Côté et al., 2016), ne permettant pas de confirmer le diagnostic de l’origine biologique des embryophores.

Les premières données archéozoologiques démontrent l’importance des animaux domestiques sur le site (96% du nombre de restes), avec les bovins (65,2%), les porcs (24,4%) et les caprinés (3,1%) (Hachem et al., 2017). À noter la quantité importante d’ossements de chien, souvent en connexion anatomique, à hauteur de 2,9% du nombre de reste.

Trois œufs appartenant au genre Paramphistomum ont été découverts dans trois structures distinctes. Ce faible nombre est assez étonnant au regard de la place du bovin dans l’alimentation carnée des habitants.

Dans les structures 278 et 359, trois œufs du genre Dicrocoelium ont été retrouvés (Figure 48). Un nombre relativement important (14 œufs) de Capillaria, morphotypes ponctué et réticulé confondus, ont pu être comptés, notamment dans les structures constituant le fossé médian.

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Figure 48 : Localisation des échantillons prélevés sur le site de Passel et concentrations en œufs de parasite. La taille des diagrammes est proportionnelle aux concentrations log-transformées en œufs de parasite (sans

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La structure 755 présente un caractère particulier avec la découverte de deux œufs de

Macracanthorhynchus et un de Cyclophyllidea, probablement du genre Hymenolepis

(Weinland, 1858) (Figure 48), en faisant la plus ancienne mention de ce taxon en France (Figure 49). La taille de cet embryophore (66,5 µm de long / 56,4 µm de large) permet de l’attribuer à l’espèce H. diminuta (Makarikov and Tkach, 2013 ; Nozais et al., 1996), parasite de muridés et occasionnellement de l’homme. Le cycle biologique de ce parasite peut être monoxène (infestation par ingestion direct des œufs par géophagie ou auto-infestation) ou hétéroxène (infestation par consommation de l’hôte intermédiaire, un insecte coprophage) (Nozais et al., 1996). Chez l’homme, cette taeniase est le plus souvent asymptomatique. Cette structure contient un nombre important d’œuf de Trichuris attribué à l’homme, ce qui est cohérent avec l’identification. Néanmoins, un diagnostic plus abouti ne peut être établi en raison de la rareté de ce parasite sur le site.

Figure 49 : Photos d’un œuf du genre Hymenolepis retrouvé dans l’échantillon P31 sur le site de Passel (66.5 µm x 56.4 µm). A : vue de coupe ; B : détail de la coque avec vue sur les crochets de l’embryon.

L’étude paléoparasitologique effectuée sur le site de Passel confirme la présence de matière fécale et/ou de déchets de boucherie dans les fossés de l’enceinte, ainsi que l’excellente conservation induite par l’ambiance humide du site. Elle ne permet néanmoins pas d’identifier plus précisément tous les taxons ou de définir leurs origines biologiques. La nature des dépôts et les phases d’utilisations des fossés, sans pouvoir établir une chronologie précise, ne permet pas d’affiner les interprétations. Les fossés au sud de l’enceinte semblent plus riches en embryophores de Taenia/Echinococcus ; Macracanthorhynchus est présent à l’ouest.

L’enceinte néolithique de Passel, dont la taille estimée couvre environ 3,5 hectares, figure dans la catégorie des petites enceintes. Elle présente malgré tout un ensemble faunique très

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important, très fortement dominé par les animaux domestiques avec les bovins en première place. La majorité des restes osseux sont concentrés dans le premier fossé, surtout aux extrémités des structures, ce qui pourrait suggérer des voies de passage, notamment dans la partie nord entre les structures 20 et 205. L’étude des âges d’abattage ainsi que des traces de découpe démontrent que les animaux, domestiques ou sauvages, étaient principalement exploités pour la ressource carnée. Les parties anatomiques relevées évoquent un abattage et un traitement sur place des carcasses, avec le rejet des déchets de boucherie dans les fossés (Figure 50). Malheureusement, l’étude de la faune du site de Passel est encore partielle et seul le premier fossé a été étudié.

Figure 50 : Localisation des restes fauniques retrouvés dans le premier fossé du site de Passel (étude en cours, réalisée par L. Hachem, L. Bedault et C. Leduc Inrap (d'après Hachem et al., 2017)).

1 : bucrane de bovinés ; 2 : cheville osseuse de bovinés ; 3 : scapulas de bovinés ; 4 : crânes et mandibules de suinés ; e : squelettes de porcs ; f : squelettes de chiens.

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Dans le premier fossé, les concentrations d’ossements ne coïncident pas avec celles en restes parasitaires (Hachem et al., 2017). Des os brulés ont été retrouvés mais ne font pas majorité et leur analyse va dans le sens d’un traitement post-rejet plutôt qu’une véritable cuisson. Ce traitement a très probablement entrainé la destruction de potentiels marqueurs parasitaires présents dans les viscères des animaux, ce qui expliquerait les faibles concentrations observées au niveau des zones de rejet de faune. L’excellent état de conservation des os non brulés ainsi que les rares traces de leur consommation par des canidés vont dans le sens d’un enfouissement rapide.

Les restes osseux de l’enceinte de Passel montrent une forte portée symbolique, avec un grand nombre de bucranes, chevilles osseuses, ainsi que des massacres de cerf sur pieux de bois retrouvés au cours de la fouille.

La comparaison des répartitions des marqueurs parasitaires et des restes osseux ne montre aucune tendance. Les fossés qui ceinturent la palissade semblent avoir été dédiés à une zone dépotoir avec mélange de rejets domestiques et de boucherie qui présentent une forte portée symbolique.

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121 Synthèse

L’analyse paléoparasitologique de ces six sites a permis de mettre en évidence des taxons encore inédits pour la période Néolithique en Europe, Macracanthorhynchus, Echinostoma et

Hymenolepis.

Plusieurs méthodes d’analyse des résultats ont été tentées, tout d’abord la micromorphométrie, qui a permis de distinguer plusieurs espèces de Trichuris, voire de les déterminer. L’analyse spatiale, avec les méthodes d’interpolation des données, a permis de modéliser les répartitions des restes parasitaires, à mettre en lien avec la gestion des déchets, la présence du bétail ou encore l’organisation sociale des villages. Cette approche, encore non exploitée en paléoparasitologie, offre un potentiel important pour la visualisation de la pollution des sites et les modalités de contamination des habitants et des animaux.

Dans la partie suivante, nous allons développer ces modalités et les mettre en lien avec l’ensemble des données disponibles pour la période néolithique.

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