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Partie III. Résultats des analyses paléoparasitologiques

III.1 Taxons identifiés par les lectures microscopiques

III.2.5 Serteya II

Sur un total de quinze échantillons analysés, treize se sont avérés positifs à la présence d’œufs de parasites intestinaux, avec un total de quatre taxons identifiés au genre et un à l’espèce.

Parmi les échantillons analysés, trois ont été prélevés dans la couche d’habitat lors de la campagne de fouilles de 2014, et douze (dix coprolithes et deux doublons) correspondent à des coprolithes prélevés en 2015.

Comparé aux autres sites étudiés, l’analyse des sédiments prélevés dans la couche d’habitat n’a pas donné un nombre de taxons aussi important malgré l’excellente conservation des éléments organiques. Quatre taxons ont été recensés : Diphyllobothrium, deux morphotypes de

Capillaria et des œufs de la classe des trématodes. Diphyllobothrium, présent dans les trois

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Capillaria, retrouvés dans les échantillons P2 et P3, ne se rapportent à aucune espèce décrite

chez l’homme. Leur origine est donc probablement animale, sans confirmation toutefois. Malheureusement, seulement trois échantillons ont pu être prélevés sur cette surface de 16 m² au cours de la campagne 2014. Il n’est alors pas possible d’apporter d’informations plus précises quant à l’origine biologique des parasites, ou encore sur une éventuelle gestion des déchets fécaux. Nous pouvons simplement attester de la présence de mammifères piscivores sur le secteur.

Le caractère exceptionnel du site de Serteya II, outre l’excellente conservation des vestiges archéologiques, réside dans la quantité très importante de coprolithes récoltés, que ce soit au cours des campagnes de fouille 2014, 2015 ou 2018 (Figure 46).

Figure 46 : Photo de coprolithe récolté sur le site de Serteya II (campagne de fouille 2015, cliché : Y. Maigrot).

Un total de dix coprolithes a été étudié pour l’instant. Le but de l’analyse paléoparasitologique des coprolithes est de déterminer leur origine. En effet, au cours des fouilles, un enclos destiné a priori à l’élevage de sangliers a pu être mise au jour. Les coprolithes ont été prélevés au sein de cette structure, avec l’idée d’une origine porcine. Provenant d’une même structure, leur origine biologique est donc supposée commune. Sur les dix coprolithes analysés, quatre taxons ont pu être identifiés et un seul a montré des résultats négatifs (C8). Aucun taxon recensé n’est parasite obligatoire d’un hôte particulier. Néanmoins, l’assemblage parasitaire peut nous aiguiller si l’origine biologique des coprolithes :

 Diphyllobothrium est le taxon le plus abondant avec des concentrations pouvant atteindre les 5000 œufs ou plus. Le polyparasitisme (présence de plusieurs vers qui

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cohabitent au sein d’un même organisme hôte) est fréquent pour ce taxon ce qui pourrait expliquer les concentrations exceptionnelles en œufs. Il est très souvent observé chez le chien, mais de manière beaucoup plus exceptionnelle chez le porc (notamment l’espèce

D. latum) (Euzéby, 2008 ; Taylor et al., 2007) ;

 Dioctophyma renale est un parasite de canidés, avec quelques cas sporadiques chez le porc, le cheval, le chat et l’homme (Taylor et al., 2007). De par son cycle biologique, ce parasite est majoritairement présent sur les terrains humides. L’hôte définitif s’infeste après ingestion de poissons contaminés crus ou mal cuits, principalement de la famille des cyprinidés et siluridés, ou amphibiens du genre Rana, ou directement par ingestion d’un ver aquatique oligochète qui correspond au premier hôte intermédiaire du parasite. Néanmoins, ce parasite rare en contexte archéologique, n’est présent que dans quatre coprolithes avec un seul œuf pour chaque ;

 Dicrocoelium a déjà été observé occasionnellement chez le sanglier (Euzéby, 2008 ; Taylor et al., 2007), mais jamais chez le chien. Néanmoins, les œufs de Dicrocoelium peuvent être présents dans les selles et marquent alors une pseudoparasitose via la consommation d’abats de moutons infestés ;

 55 œufs de trématodes ont été comptés. Les dimensions moyennes des œufs (113,5 x 79,9 µm) peuvent aussi correspondre à l’espèce Alaria alata, seule espèce représentante du genre en Europe de l’est et prédominant chez le chien (Taylor et al., 2007). L’hôte définitif s’infeste par ingestion de grenouilles ou têtards contaminés. S’ils correspondent au genre Fasciola, parasite de ruminants, le porc peut être parasité. Cependant, le développement chez le porc est incomplet ne permettant pas la production et donc la présence d’œufs dans les selles (Euzéby, 2008). De plus, aucun cas de fasciolose chez le chien n’est recensé dans la littérature. Des œufs d’A. alata ont préalablement été observés sur un site Néolithique de Zamostye dans la région de Moscou (Savinetsky & Khrustalev, 2013). Cette référence appuie l’identification des œufs de trématodes dans ce sens.

Les parasites présents iraient donc vers une origine canine. De plus, au cours des lectures microscopiques des coprolithes, très peu de pollen ont pu être observés, ce qui indique généralement une origine carnivore (comm. pers. E. Gauthier).

L’origine biologique des parasites est plus aisée à définir lorsqu’ils sont identifiés au sein de coprolithes. Leur taille moyenne varie entre 3,6 et 6,6 cm de long pour 1,4 à 2,4 cm de large, avec des masses comprises entre 1,5 à 6 g. Au cours de la phase d’extraction des œufs, le

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contenu macroscopique des coprolithes a été examiné. Le contenu identifié dans les refus de tamis au cours de la phase de tamisage est homogène, avec de très nombreux fragments d’écailles, d’arêtes et vertèbres de poissons ainsi que des esquilles d’os. Ce contenu ainsi que les tailles des coprolithes tendent à leurs attribuer une origine de mammifères carnivores (Chame, 2003). Les assemblages parasitaires qu’ils contiennent, notamment Diphyllobothrium et Dioctophyma, indiquent dans ce cas une origine canine et marque donc une consommation de poisson cru. Dioctophyma est rare en contexte archéologique avec seulement deux mentions en Suisse, sur les sites de Zug-Riedmatt et d’Arbon-Bleiche 3 (Le Bailly et al., 2003). Néanmoins, c’est la deuxième fois qu’il est mis en évidence en Russie sur les sites néolithiques de Zamostye 1 et 2, à proximité de Moscou, également dans des coprolithes (Savinetsky & Khrustalev, 2013). La présence d’œufs de Dicrocoelium peut quant à elle être le marqueur d’une consommation d’abats d’ovins crus infestés et la possibilité de la présence d’A. alata n’est pas à exclure.

En définitive, afin de discriminer l’origine biologique des coprolithes (humains ou canins), une méthode subsiste sans avoir recours à l’analyse ADN, l’étude des acides biliaires. Par exemple, les coprostanols ne sont présents que chez l’homme et le porc. Comme l’origine porcine a été exclue via le spectre parasitaire identifié dans les coprolithes, s’ils contiennent des coprostanols nous pouvons affirmer qu’il s’agit de coprolithes d’homme ; s’ils n’en contiennent pas et que le cholestérol est dominant, l’origine est canine (Bull et al., 2002).

Sur ce type de matériel, cette approche biomoléculaire combinée à l’étude paléoparasitologique permettra de discriminer l’origine des coprolithes, sans avoir à faire face au problème de la dégradation de l’ADN ancien.

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