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Chapitre 1 : Recension des écrits

1.3. Égo-dystonie et implication de la définition de soi dans le TOC

1.3.3. Vulnérabilité de soi

Doron et collaborateurs se sont inspirés des thèmes de soi afin d’expliquer l’implication du soi dans le TOC, mais ils ont poussé l’analyse un peu plus loin et ils ont cherché à identifier les vulnérabilités du soi qui seraient reliées au TOC. Dans une revue de la littérature scientifique sur les conceptions de soi dans le TOC, Doron et Kyrios (2005) ont remarqué qu’il n’y avait pas de conception définie de soi et du monde pour expliquer le TOC, alors que de telles conceptions sont fondamentales à la théorie cognitive comportementale de Beck (1976). Bien qu’une implication du soi dans le TOC soit plus qu’une simple hypothèse, il est nécessaire de prendre en compte quels domaines du soi pourraient être pertinent à la personne souffrant de TOC. Ces domaines sensibles seraient une manifestation de la nature contextuelle du TOC, par exemple, certaines personnes se sentant sécures dans leur relation, mais se voient comme fortement incompétente au travail. Les pensées intrusives reliées à ces domaines sensibles seraient plus à même d’être interprétées de manière dysfonctionnelle et de mener au TOC (Doron & Kyrios, 2005).

Une première investigation des domaines de sensibilité a été effectuée chez 188 participants non cliniques de la communauté (Doron, Kyrios, & Moulding, 2007). L’étude séparait trois domaines de sensibilité (à la moralité, au travail et au sport) selon deux groupes (compétence faible ou compétence élevée). Les personnes ayant un sentiment de compétence faible dans un domaine étaient classifiées comme ayant une sensibilité dans ce domaine. L’étude a contrôlé pour l’évaluation de soi en général afin de mesurer spécifiquement la sensibilité dans certains domaines plutôt qu’une faible estime de soi. Les compulsions de vérification et la contamination étaient prédites par une sensibilité à la moralité et à la compétence au travail et

les obsessions ayant pour thème de faire du mal aux autres étaient reliées à la sensibilité à la compétence au travail.

Une réplication de cette étude a été effectuée auprès de 30 participants souffrant de TOC, 20 participants souffrant de troubles anxieux et 32 participants contrôles de la communauté (Doron, Moulding, Kyrios, & Nedeljkovic, 2008). L’étude mesurait la sensibilité dans les domaines de moralité, de la compétence au travail et de l’acceptation sociale. Les participants montrant une plus forte sensibilité dans le domaine de la moralité montraient aussi plus de symptômes obsessionnels compulsifs, plus de compulsion de vérification, plus d’obsessions répugnantes et plus d’obsession/compulsion de contamination, même en contrôlant pour la dépression, sauf pour les compulsions de vérification. Les personnes rapportant une plus grande sensibilité dans le domaine de la moralité montrent aussi une plus grande quantité de croyances obsessionnelles, notamment la surestimation du danger et la responsabilité, et l’importance des pensées et le besoin de contrôler les pensées. En contrôlant pour les symptômes dépressifs, la surestimation du danger et la responsabilité distinguent encore le groupe sensible à la moralité du groupe non sensible à la moralité. Lors d’une comparaison entre les groupes cliniques, les personnes souffrant de TOC montrent une plus grande sensibilité à la moralité et à la compétence en emploi que les participants contrôle de la communauté, mais il n’y avait pas de différence entre les participants souffrant de TOC et les participants souffrant d’un trouble anxieux. La sensibilité à la moralité et, dans une moindre mesure, la sensibilité à la compétence en emploi sont de bons prédicteurs des symptômes obsessionnels compulsifs, mais ne sont pas de bon prédicteur différentiel avec les troubles anxieux.

Une série d’expérimentations effectuée par Doron et collaborateur (2012) a validé l’utilisation d’une tâche expérimentale pour induire une sensibilité dans un domaine identitaire. Cette tâche demande aux participants de réorganiser des lignes et des boîtes montrant une courbe normale d’un domaine identitaire (p.ex. la moralité). Les participants devaient aussi placer une flèche à un endroit de la courbe indiquant qu’ils avaient un résultat faible à ce domaine identitaire (p.ex. votre pointage de moralité est au 17e percentile). Cet exercice devait induire

un sentiment de faible compétence dans le domaine identitaire et donc induire une sensibilité dans ce domaine. Lors de la première expérimentation, 43 étudiants universitaires ont utilisé la tâche pour le domaine de moralité ou pour le domaine de compétence sportive. Les participants

dans la condition de moralité montrent plus d’inquiétude de contamination que les participants dans la condition de compétence sportive (Doron, Sar-El, & Mikulincer, 2012). Toutefois, il n’y avait pas de contrôle avec une condition de moralité et de compétence sportive positive. Une deuxième expérimentation a été effectuée auprès de 150 participants de la communauté pour combler cette lacune. La condition faible moralité a obtenu le résultat le plus élevé (comparativement à la condition moralité élevée, faible compétence sportive et compétence sportive élevée) à l’échelle de contamination en contrôlant pour la compétence à l’ordinateur, l’estime de soi, l’anxiété, la dépression et le stress (Doron et al., 2012). Toutefois, il est possible que l’induction d’une sensibilité dans un domaine identitaire soit reliée à la tâche et non à l’application de la tâche sur soi. Une troisième expérimentation a donc été effectuée auprès de 86 participants de la communauté pour comparer la condition de faible moralité appliquée à soi ou appliquer à une autre personne. Les participants dans la condition reliée à soi rapportaient plus de comportements de contaminations en contrôlant pour la compétence à l’ordinateur, l’estime de soi, l’anxiété, la dépression et le stress ou en contrôlant pour les affects, qui n’étaient pas reliés aux comportements de contamination (Doron et al., 2012). Il peut être conclu que cette tâche expérimentale est valide et qu’elle induit effectivement une vulnérabilité de soi qui est relié à des symptômes obsessionnels compulsifs plus élevés. De plus, les symptômes induits sont différents de ceux de la tâche, ce qui rajoute de la validité à l’étude puisque les symptômes induits ne proviennent pas directement des consignes de la tâche (ce qui aurait été le cas si l’on avait trouvé une augmentation des intrusions répugnantes).

La tâche d’induction de vulnérabilité de soi a été utilisée lors d’une étude subséquente en induisant, soit une moralité négative ou positive ou une compétence sportive négative ou positive (Abramovitch, Doron, Sar-El, & Altenburger, 2013). Les auteurs de l’étude ont recruté 124 participants contrôle et a trouvé que les participants chez qui on induit une vulnérabilité à la moralité présentaient plus de croyances obsessionnelles. Les participants chez qui on a manipulé la perception de moralité (soit positivement ou négativement) ont un résultat plus élevé au total de l’OBQ-44, à l’importance et au besoin de contrôle des pensées, et à la responsabilité et la surestimation du danger que les participants chez qui on a manipulé la perception de compétence sportive. Les participants dans la condition faible moralité montrent un pointage plus élevé au total de l’OBQ-44 et à l’importance et au besoin de contrôler ses

pensées que les groupes moralité élevée et compétence sportive négative. Cette étude montre un lien entre la tâche d’induction de vulnérabilité de soi et les domaines de croyances obsessionnelles. Cela suggère que l’activation d’une vulnérabilité de soi amènerait des interprétations dysfonctionnelles des pensées, ce qui amènerait des symptômes obsessionnels compulsifs.