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Chapitre 1 : Recension des écrits

2.4. Discussion

2.4.1. Conclusion

En général, les résultats supportent une considération continue du contexte dans lequel les intrusions se produisent, et en particulier, si elles se produisent avec ou sans preuve directe suggérant leur réalité. Il s’agit d’une lignée de recherche potentiellement prometteuse qui pourrait éclairer la question éternelle des vulnérabilités cognitives au TOC que l’investigation de l’égo-dystonie n’a pas été capable de résoudre (Clark & Inozu, 2014). Par exemple, est-ce que les obsessions sont vécues comme plus spontanées parce qu’elles se produisent sans preuve directe? Est-ce que les pensées se produisant sans preuve directe mènent à une surinterprétation? Les résultats pointent dans cette direction, mais plus de recherche dans cette direction est nécessaire. Aussi, cette étude se base sur un échantillon provenant d’une population universitaire et les résultats doivent être reproduits dans un échantillon de participants souffrant de TOC. De plus, les intrusions autres que répugnantes (c.-à-d. intrusions de contamination ou de vérification) étaient sous-représentées dans cette étude, peut-être due à la composition de l’échantillon, suggérant le besoin d’échantillon plus diversifié et probablement plus large. Aussi, le construit des intrusions se produisant avec ou sans preuve directe requière une plus grande élaboration et d’autres validations. Les résultats montrent une validité convergence avec la confusion inférentielle, mais d’autres mesures pourraient être incluses afin de s’assurer que les intrusions rapportées par les participants ne sont pas classifiées comme se produisant sans preuve directe à cause d’autres variables, telles la culpabilité et/ou la honte qui pourraient mener à une réticence à « admettre » le contexte d’apparition de l’intrusion. Toutefois, les intrusions étaient rapportées anonymement par internet, ce qui permet de croire que la possibilité de l’influence de la culpabilité ou de la honte était minimisée. Certains participants ont admis avoir des fantasmes sur leurs professeurs ou vouloir tuer leur beau-frère, ce qui ne serait normalement pas socialement acceptable lors d’une première conversation avec quelqu’un. Dans la même veine, les résultats auraient pu être influencés par des erreurs dans le rapport des participants (p.ex. ne pas se rappeler du contexte de l’intrusion). Finalement, les résultats suggèrent le besoin

d’identifier les intrusions anxiogènes ou dépressogènes plus précisément afin d’établir si le manque de preuves directes s’applique aussi à ces intrusions. Les résultats actuels ne permettent pas d’établir si le manque de preuves directes s’applique seulement au TOC. Selon l’approche basée sur les inférences, dans le cas du TOC, un manque de preuves directes supportant la validité de l’intrusion s’applique principalement à l’ici et maintenant, alors que les intrusions anxiogènes ont tendance à être orientées vers le futur, mais cette distinction n’a pas été mesurée dans la présente étude.

De futures études investiguant les déterminants contextuels des intrusions normales et anormales pourraient aussi différentiées clairement les déclencheurs et le manque de preuves direct justifiant la présence des intrusions et investiguer la différence entre ces deux construits. Alors que les résultats de certaines recherches ont indiqué que les obsessions dans des échantillons cliniques ont moins de chances de se produire avec des précipitants externes que les intrusions d’échantillon non cliniques (Edwards & Dickerson, 1987) et qu’ils sont considérés comme étant plus spontanés, ce pourrait bien être un phénomène illusoire, un espacement subjectif dans le traitement de l’information, tel que décrit dans le cas du musicien avec des obsessions qui semblaient indépendantes de tout précurseur. Alors que les déclencheurs peuvent être difficiles à identifier lors de la conceptualisation du cas, le faire peut avoir des bénéfices thérapeutiques puisque cela révèle un contexte plus large et montre souvent le manque de justification réaliste pour la pensée. Cela réduit le doute obsessionnel résultant de la décontextualisation et de l’apparition apparemment irrationnelle de la pensée et la ramène dans le domaine du rationnel et du compréhensible, là où il y a un plus grand potentiel de résolution. En fait, être incapable d’identifier un déclencheur pour une pensée en particulier pourrait être une caractéristique du TOC lui-même, potentiellement exacerbé ou même causé par un haut niveau d’absorption dissociative dans l’imagination – un processus qui est relié à la confusion inférentielle (Aardema & Wu, 2011; Paradisis, Aardema & Wu, 2015; Soffer-Dudek, Lassri, Soffer-Dudek & Shahar, 2015). Durant de si hauts niveaux d’absorption, l’attention ne s’attarde pas proprement à la réalité, rendant potentiellement les déclencheurs plus difficiles à identifier et/ou à se remémorer, tout en expliquant aussi l’absence de preuves justifiant la réalité potentielle de l’intrusion. Aussi, les habiletés introspectives et l’accès aux états mentaux pourraient aussi être diminués dans ces moments, exacerbant encore les difficultés

d’identifications des déclencheurs et contribuant à la tendance à arriver à des interprétations fallacieuses des pensées (Aardema et al., 2014; Lazarov, Cohen, Liberman, & Dar, 2015; Lazarov, Dar, Liberman, & Oded, 2012). De tel, le manque de preuves justifiant la réalité potentielle d’une intrusion et l’absence perçue d’un déclencheur pourraient bien être des construits reliés, les deux contribuant à un sens d’irrationalité, de danger et de surinterprétation. En particulier, il pourrait être attendu que les pensées n’ayant pas de justifications et qui se produisent sans raison apparente soient particulièrement susceptible d’inviter des processus cognitifs négatifs, de la surinterprétation et un désir de contrôler les pensées – peut-être même de manière irrésistible.

Finalement, les résultats de cette étude montrent l’importance de considérer à la fois les processus de raisonnement et d’interprétations des pensées dans le traitement du TOC en relation avec la notion que les intrusions pertinentes au TOC se produisent sans preuve directe dans l’ici et maintenant, contrairement aux intrusions non pertinentes au TOC. En effet, le contexte dans lequel se produisait l’intrusion était le meilleur prédicteur de la pertinence au TOC ou non d’une pensée, et ce processus était à la fois relié à la confusion inférentielle et aux croyances obsessionnelles.

Au niveau théorique, l’approche basée sur les inférences explore les déclencheurs et le raisonnement associé avec ces déclencheurs qui mènent à l’expérience d’intrusions sans preuve directe dans l’ici et maintenant. Le traitement proposé par cette approche s’intéresse principalement sur la question de la génération des obsessions à travers un processus de raisonnement, incluant les processus dissociatifs qui pourraient contribuer à l’expérience d’intrusions dans des contextes inappropriés (O'Connor & Aardema, 2012). Les résultats de cette étude sont largement consistants avec une telle approche qui, si appliquée comme traitement, a montré des bénéfices significatifs pour les personnes souffrantes de TOC (Aardema & O'Connor, 2012; Aardema, O'Connor, Delorme, & Audet, 2016; O'Connor et al., 2005), spécifiquement avec ceux présentant une autocritique limitée et des intrusions égo-syntone (Visser et al., 2015). Avec les changements récents du DSM-5, il y a une reconnaissance grandissante qu’une portion significative des intrusions anormales ne sont pas vécu comme égo- dystone (APA, 2013). La présente étude ne fait pas que confirmer cela, mais montre que l’indicateur le plus pertinent d’obsessionalité et des processus cognitifs reliés pourraient être le

contexte dans lequel les intrusions anormales se produisent et, en particulier, si elles se produisent sans preuve directe suggérant leur réalité potentielle dans l’ici et maintenant.