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Chapitre 1 : Recension des écrits

1.4. Déclencheur des obsessions

Peu d’études se sont penchées sur les déclencheurs des obsessions dans le TOC. Comme vu plus haut, Rachman et de Silva (1978) ont noté que sept participants souffrants de TOC sur huit rapportent avoir leurs obsessions sans précipitant externe, alors que trois les avaient tout le temps en présente d’un même précipitant (p.ex. un enfant). Une autre étude a trouvé que 21% des participants universitaire rapportaient des intrusions négatives sans précipitant (Edwards & Dickerson, 1987). Freeston et collaborateurs (1991) ont trouvé que les personnes utilisant des stratégies de confrontations face à leurs intrusions (similaires à la neutralisation) avaient moins conscience des déclencheurs de leurs intrusions que les participants utilisant des stratégies d’évitement (similaires aux inquiétudes). Une étude par Langlois et collaborateurs (2000a) a confirmé que les intrusions avaient moins de déclencheurs identifiables que les pensées analogues aux inquiétudes chez une population universitaire, même en contrôlant pour la fréquence des pensées.

Deux études ont examiné l’importance des déclencheurs des symptômes obsessionnels compulsifs de manière expérimentale. La première a examiné l’impact de situations à faible risque de responsabilité, de situations à risques élevés de responsabilité et de situations spécifiques au TOC chez un groupe de personnes souffrant de TOC avec vérification, un groupe de personnes souffrant de phobie sociale et un groupe de participants universitaires et de personnes travaillant dans un hôpital (Foa, Amir, Bogert, Molnar, & Przeworski, 2001). Les résultats montrent que les personnes souffrant de TOC avec vérifications ressentent plus d’urgences de rectifier la situation, plus de détresse lorsque la situation n’est pas rectifiée et plus de responsabilités lorsqu’elle est à faible risque et spécifique au TOC que les groupes contrôles et souffrant de phobie sociale, mais pas lorsque la situation comporte un risque élevé. Les symptômes obsessionnels compulsifs corrélaient fortement avec l’urgence, la détresse et la responsabilité pour le groupe TOC, mais pas pour le groupe phobique sociale et contrôle. Les auteurs concluent que la responsabilité dans le TOC est dépendante du contexte. On peut aussi voir que, lors de la situation à risque élevé, tous les participants montrent des réactions similaires au TOC, alors que dans les autres situations ils diffèrent, ce qui suggère que le TOC se produit, ironiquement, dans des situations qui n’induiraient pas des symptômes obsessionnels compulsifs chez le reste de la population.

La deuxième étude remet en cause la notion qu’il y aurait des obsessions sans déclencheurs (Riskind, Ayers, & Wright, 2007). Les auteurs de l’étude ont demandé à 124 étudiants universitaires en psychologie de remplir des vignettes sur des situations de provocation simulée et devaient choisir des pensées qu’ils pouvaient avoir (agressive, non agressive ou neutre) et la détresse qu’elles causaient. La présence de pensées agressives était prédite par la phobie d’impulsion, par les scénarios de provocation et par l’interaction entre les deux (où les personnes avec une phobie d’impulsion montrent plus de pensées agressives dans les scénarios de provocations), en contrôlant pour l’état anxieux et les traits anxieux. Les effets sont identiques pour les pointages de détresse. Les analyses pour les autres types de pensée ne montrent pas d’effet d’interaction, ce qui indique une spécificité pour les pensées agressives. La détresse aux vignettes était associée aux pensées, principalement aux pensées agressives. Les pensées agressives et la détresse qui leur était associée n’étaient reliées qu’à la peur d’agit sous impulsions. Les auteurs concluent qu’il existe bel et bien des déclencheurs distaux aux

obsessions et que les personnes souffrant de TOC seraient particulièrement promptes à faire des scénarios/fantaisie à propos de provocations (c.-à-d. une situation qui empêche la personne de combler ces besoins comme la sécurité). Ces personnes seraient aussi sensibles à ces provocations et auraient en plus tendance à les interpréter selon les croyances obsessionnelles. Toutefois, si l’on réinterprète les résultats selon la perspective du soi craint, la provocation induit des sentiments de colères chez la personne qui active le soi craint (p.ex. peut-être que je pourrais faire du mal à la personne) et qui induit donc une intrusion agressive causant de la détresse. Toutefois, aucune mesure du soi n’a été incluse dans l’étude.

Finalement, une étude a examiné directement les déclencheurs dans les obsessions (Julien, O'Connor & Aardema, 2009). Les auteurs de l’étude ont recruté des participants souffrant de TOC et des participants contrôles de la communauté. L’III a été utilisé afin de demander aux participants quelles intrusions ils avaient et ils devaient choisir les trois qui causaient le plus de détresse. Les participants suivaient ensuite un court entraînement afin d’être capables de juger du contexte de leurs intrusions, c.-à-d. soit directs, indirects ou absents. Le contexte direct réfère à une intrusion qui se produit avec une preuve justificative de l’environnement (p.ex. la personne a l’intrusion que la porte est mal barrée alors que la porte s’ouvre seule devant la personne). Le contexte indirect réfère à une intrusion qui se produit avec des preuves indirectes de l’environnement (p.ex. la personne a l’intrusion que la porte est mal barrée alors que la personne pense à son ami qui avait mal barré sa porte). Une absence de contexte réfère à une intrusion qui se produit sans preuve de l’environnement (p.ex. la personne a l’intrusion que la porte est mal barrée alors qu’elle se promène au parc en pensant à son chien). Il n’y avait pas de différence quant à l’expérience du contenu des intrusions, mais les participants souffrant de TOC rapportaient avoir plus d’intrusion de contamination, de vérification et de symétrie. Les analyses révèlent que les obsessions des personnes souffrant de TOC se produisent plus souvent dans un contexte indirect (1/2), suivi d’un contexte direct (1/3) et finalement sans contexte (1/6). Pour les participants contrôle de la communauté, le modèle est légèrement inversé : les participants rapportent avoir leurs intrusions dans un contexte direct (3/5), suivi de dans un contexte indirect (1/3) et le reste sans contexte. Les participants souffrant de TOC rapportent seulement plus de détresse dans deux intrusions sur trois et le contexte est différent entre les groupes seulement lors de ces deux intrusions. Puisque le jugement du contexte

provenait des participants, les analyses ont été refaites avec les participants ayant eu un résultat parfait lors de la pratique de jugement du contexte et les résultats étaient identiques. Les intrusions de symétrie étaient plus souvent reliées à un contexte direct que les autres types d’intrusions. La fréquence et le contenu ne seraient pas suffisants pour distinguer entre les obsessions et les intrusions, mais le contexte pourrait arriver à distinguer efficacement ces deux types d’intrusions.

Le lecteur pourrait se demander quelle est l’importance du contexte dans lequel l’intrusion se produit, puisqu’après tout elle se produit. Toutefois, il y a des implications théoriques selon le contexte dans laquelle l’obsession se produit. Si elle se produit avec des preuves directes de l’environnement, elle n’est donc réellement pas différente de l’intrusion et la seule différence entre les deux pensées est l’interprétation qu’on y fait. Si l’obsession se produit sans preuve directe de l’environnement, elle doit provenir d’un déclencheur interne. Ce déclencheur interne serait alors, selon toute vraisemblance, relié à une thématique impliquant la personnalité. La présence d’un contexte direct dans l’intrusion invaliderait l’approche basée sur les inférences et les théories portant sur le soi, alors que la présence d’un contexte indirect les supporterait. La théorie de l’interprétation des pensées ne fait pas de prédiction quant au contexte dans lequel se produisent les pensées et ne pourra pas être remise en question par la présence ou l’absence d’un contexte direct.