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4.2 Compréhension de l’adhésion

4.2.2 Bilan des connaissances

4.2.2.4 Vulcanisation et formation de l ’interphase d’adhésion

À l’issue du dépôt plasma, le système est mis en contact avec la gomme caoutchouc qui con-tient déjà tous les ingrédients nécessaires à la vulcanisation (Figure 4-38).

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Parmi ces ingrédients, on trouve principalement le polyisoprène (C5H8)n, le noir de carbone NC, et des additifs comme l’oxyde de zinc ZnO, des accélérateurs de type (di)cyclohexyle benzothiazole sulfénamide CBS et DCBS et du soufre sous différentes formes, comme par exemple le cyclo-octasoufre S8. Des bulles de gaz peuvent également être présentes au sein de la gomme. L’ensemble est ensuite placé dans une presse chauffée à 155 °C (428 K) qui ap-plique une pression de 200 bars entre le fil d’acier et le caoutchouc, de manière à amorcer le processus de vulcanisation (Figure 4-39).

Figure 4-39 : Illustration des mécanismes de diffusion se produisant au cours de la vulcanisation.

La vulcanisation est le siège de nombreuses réactions chimiques qui sont stimulées par les mécanismes de diffusion accélérés par l’élévation de température. Des ions zinc migrent du revêtement électrolytique vers la couche mince. Des espèces gazeuses comme le chlorure d’hydrogène HCl et des ions chlore migrent de la couche mince à la fois vers le substrat et vers la gomme, avec semble-t-il une préférence pour le substrat (cf. Figure 4-25). Au sein de la gomme, les accélérateurs CBS et DCBS se dissocient (cf. Figure 4-30 et Figure 4-31) et leurs fragments migrent ensuite à travers la couche mince jusqu’au substrat. Cette dernière migration est accompagnée de la diffusion d’autres espèces, comme par exemple des ions soufre.

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L’une des premières réactions à se produire est probablement la conversion de l’oxyde de zinc, présent à la surface du substrat, en une structure de type ZnwOxHyClz, sous l’action des espèces chlorées de la couche et de l’élévation de température. Cette conversion se produit sur toute la surface du fil d’acier. Néanmoins, les structures ZnwOxHyClz se développent plus ra-pidement au niveau des lignes de tréfilage (cf. Figure 4-18), où elles croissent en îlots, dont la structure est poreuse et granuleuse, probablement en raison d’une énergie de surface plus im-portante ou de la présence de microfissures qui augmentent localement les cinétiques de diffu-sion (Figure 4-40). Les îlots formés ont un diamètre compris entre 500 nm et 1 µm, pour une épaisseur comprise entre 150 et 200 nm (cf. Figure 4-23). Le fait de détecter toujours de l’oxyde de zinc à la surface du revêtement zingué dans le cas des échantillons présentant une bonne adhésion au caoutchouc (cf. Figure 4-26 et Figure 4-27) montre que le ZnO n’est pas totalement converti en ZnwOxHyClz, ou au moins pas sur l’intégralité de la surface du fil.

Figure 4-40 : Illustration des premières étapes de formation de l’interphase d’adhésion.

Le terme ZnwOxHyClz peut rassembler différentes espèces comme le zinc métallique, l’oxyde de zinc ZnO, l’hydroxyde de zinc Zn(OH)2, le chlorure de zinc ZnCl2, l’oxychlorure de zinc Zn2OCl2, l’hydroxychlorure de zinc Zn(OH)Cl, et la simonkolléite Zn5(OH)8Cl2. D’après les lois de la thermodynamique, l’un de ces produits doit être majoritaire dans des conditions de température et de pression données. Néanmoins, ces conditions évoluent fortement entre le moment du dépôt plasma, le temps nécessaire à l’enrobage dans la gomme, la durée de la vul-canisation et le temps de refroidissement du système à l’air ambiant. Il est donc très probable que l’espèce majoritaire évolue au cours de ces différentes étapes.

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Nous avons déduit, à partir de la Figure 3-30, qu’au moins l’une des espèces créées est le chlorure de zinc ZnCl2, probablement à partir d’une réaction du type :

ZnO + 2 HCl → ZnCl2 + H2O,

qui produit également de l’eau, sous forme de vapeur à 155 °C. Le chlorure de zinc étant une substance très hygroscopique, il peut absorber cette eau pour former d’autres produits, comme l’hydroxychlorure de zinc et la simonkolléite, d’après des réactions du type :

ZnCl2 + H2O → Zn(OH)Cl + HCl 2 Zn(OH)Cl + 3 ZnO + 3 H2O → Zn5(OH)8Cl2.

On rencontre trop peu de données dans les tables de thermodynamique sur les composés Zn(OH)Cl et Zn5(OH)8Cl2pour déterminer l’espèce la plus stable dans des conditions de tem-pérature et de pression données. Néanmoins, des études ont montré que la simonkolléite pou-vait se déshydrater sous l’effet de l’élévation de température pour former d’abord du Zn(OH)Cl, puis du ZnCl2 [143, 144, 145]. On peut donc supposer que la réaction inverse est possible lorsque le système refroidit à l’issue de la vulcanisation en présence d’humidité, avec l’hydrolyse du chlorure de zinc.

Par ailleurs, à partir des Figure 4-23 et Figure 4-24 et en sachant que l’oxyde de zinc n’est pas totalement converti, on peut penser qu’un volume important de ZnwOxHyClz est produit à par-tir d’une faible quantité de ZnO, et donc que le produit formé possède un volume molaire beaucoup plus important que le ZnO. Ce raisonnement pourrait donc constituer un indice de la formation de simonkolléite, dont le volume molaire est près de 11 fois supérieur à celui de l’oxyde de zinc (cf. Tableau 4-5), une fois que le système a atteint l’équilibre à l’issue de la vulcanisation.

Espèce chimique Masse molaire (g/mol) Masse volumique (g/cm3) Volume molaire (cm3/mol)

Zn métal 65,41 7,13 9,17 ZnO 81,38 5,60 14,53 Zn(OH)2 99,39 3,05 32,59 ZnCl2 136,29 2,90 47,00 Zn(OH)Cl 117,86 ? ? Zn5(OH)8Cl2 533,87 3,30 161,78

Tableau 4-5 : Valeurs du volume molaire de différents dérivés du zinc, calculées à partir de la masse molaire et de la masse volumique de ces dérivés trouvées dans la littérature.

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Parallèlement à la conversion du ZnO, les fragments soufrés des accélérateurs CBS et DCBS diffusent à travers la couche mince et viennent s’adsorber à la surface du substrat (cf. Figure 4-27 et Figure 4-29), probablement sur du zinc métallique ayant diffusé à la surface, ou libéré lors de la conversion du ZnO (1 Zn pour 1 O) en Zn5(OH)8Cl2 (5 Zn pour 8 O) (Figure 4-40). Il en résulte la formation de ZnS à la surface du substrat (Figure 4-41), qui suit la topographie de surface du fil d’acier (Figure 4-32). Une incertitude demeure néanmoins sur les positions respectives des couches de ZnS et de ZnwOxHyClz. En effet, on peut observer Figure 4-27 que l’ion CsZnCl+, caractéristique de la couche de ZnwOxHyClz, est détecté un peu avant l’ion Cs2ZnS+, caractéristique de la couche de ZnS. Ce comportement peut s’expliquer si l’on con-sidère que l’interface entre ZnS et ZnwOxHyClz est rugueuse en raison de la structure colon-naire de ce dernier composé, comme l’illustre la Figure 4-41. L’extrême surface du substrat serait ainsi composée à la fois de ZnwOxHyClz et de ZnS.

Figure 4-41 : Illustration de l’interphase d’adhésion à l’issue de la vulcanisation.

Voilà donc l’état du système tel que nous pouvons le décrire à l’issue de la vulcanisation, en nous appuyant sur les analyses que nous avons présentées jusqu’ici. Dans la dernière partie de ce chapitre, qui fera office de conclusion, nous allons maintenant discuter les origines pos-sibles de l’adhésion qui s’opère entre le fil d’acier zingué revêtu du dépôt plasma et le caout-chouc, à partir des éléments dont nous disposons.

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