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1.2 L’adhésion caoutchouc / laiton

1.2.4 Le rôle des additifs

La dézincification peut également supprimer la présence de zinc de l’alliage laitonné, laissant une masse de cuivre poreux de très faible résistance mécanique à proximité immédiate de l’interphase [6]. Dans cette région, le cuivre se trouve fortement activé et peut conduire à une croissance excessive des dendrites de sulfure de cuivre [39]. Par ailleurs, il a été montré que le vieillissement pouvait également induire des modifications de la stœchiométrie et de la cris-tallinité du sulfure de cuivre, notamment une transformation du CuxS en Cu2S non liant [40] ou une transition d’un état amorphe vers un état cristallin plus fragile [41].

1.2.4 Le rôle des additifs

Les remarques faites au cours des paragraphes précédents laissent entrevoir la nécessité de décaler temporellement certains processus afin d’établir et de maintenir un lien durable entre laiton et caoutchouc, comme par exemple le fait de retarder la réticulation du caoutchouc pour permettre la croissance d’une quantité suffisante de sulfure de cuivre dans les premiers ins-tants de la vulcanisation, ou encore de ralentir les diffusions ioniques qui mènent à une fragi-lisation de l’interface au cours du temps. Pour parvenir à cette fin, différents composés sont ajoutés à la formulation du caoutchouc. Cette partie a pour but de décrire l’action et le mode de fonctionnement de certains de ces additifs que nous pourrons rencontrer au cours de notre étude. Le rôle d’autres adjuvants entrant dans la composition de la gomme, comme l’acide stéarique [12, 14, 42], des accélérateurs de type sulfénamide [14, 43], des résines [44, 45, 46], ou des esters d’acide borique [47], est également décrit en Annexe B.

1.2.4.1 Les sels de cobalt

Les sels de cobalt sont incontestablement les additifs qui remplissent au mieux l’ensemble des fonctions citées plus haut. En effet, les propriétés du cobalt permettent de conférer des attri-buts remarquables aux différentes couches de l’interphase. Il a été montré qu’en présence de ces additifs, des ions cobalt sont incorporés à la couche d’oxyde de zinc très tôt dans le pro-cessus de vulcanisation, lorsque la température est encore modérée, donc bien avant que ne débute la sulfuration du laiton [6, 7, 12]. Or, différents états de valence sont possibles pour le cobalt, qui transfère assez facilement des électrons entre ses états d’oxydation Co2+ et Co3+. Pour des semi-conducteurs de type N tels que l’oxyde de zinc, la présence d’ions trivalents en position substitutionnelle introduit un excès de charges positives, qui est compensé par une diminution de la concentration de cations interstitiels Zn2+ et une augmentation de la concen-tration d’électrons dans la bande de conduction [6, 48]. Ainsi, à travers la couche d’oxyde de zinc, la conductivité électrique augmente, mais les vitesses de diffusion du zinc diminuent, celui-ci migrant essentiellement par diffusion interstitielle. La cinétique d’oxydation s’en trouve ainsi réduite et la couche de ZnO résultante est plus fine qu’en l’absence de cobalt [6]. En revanche, la diffusion du cuivre provenant des inclusions n’est que très peu affectée, les ions cuivre ne migrant pas par diffusion interstitielle dans la couche d’oxyde de zinc, mais principalement le long des joints de grain [12]. L’introduction de cobalt au sein du ZnO a

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donc pour effet d’altérer les cinétiques de diffusion relatives des ions cuivre et zinc pour favo-riser la croissance de CuxS plutôt que de ZnS dans les premiers instants de la vulcanisation (Figure 1-6). En outre, le cobalt se retrouve également intégré dans les différentes couches de sulfures qui se développent à l’interphase. Plus particulièrement, le cobalt a pour effet de ré-duire considérablement la densité de lacunes dans la couche de sulfure de cuivre et donc la migration des espèces à travers cette couche pendant le processus de vieillissement. Il a éga-lement été observé que le cobalt inhibait la croissance cristalline des dendrites de CuxS pour mener plutôt à une couche plus fine et plus amorphe, réduisant les probabilités de fissures et de rupture de l’adhésion à l’interface [49].

Figure 1-6 : Représentation simplifiée des effets du cobalt sur l'adhésion caoutchouc / laiton. Figure extraite de [12].

Le cobalt a donc une double action. D’une part, il accélère l’édification de la couche de sul-fure de cuivre dans les premiers instants de la vulcanisation, permettant ainsi d’obtenir de meilleurs niveaux d’adhésion, et d’autre part, il ralentit la croissance des différentes couches de l’interphase au cours du vieillissement, préservant un lien durable entre le caoutchouc et le laiton. Au regard des mécanismes décrits, il apparaît donc évident que la performance d’un sel de cobalt dépend de son aptitude à libérer des ions cobalt très tôt dans le processus de vulcani-sation. Outre cela, l’anion laissé derrière doit de préférence avoir des propriétés d’inhibiteur de corrosion. Les boroacylates de cobalt sont ainsi les complexes qui remplissent au mieux cette fonction, alors que les stéarates de cobalt, dont l’anion est corrosif, dégradent le caout-chouc et affecte les propriétés d’adhésion au cours du temps [50, 51].

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L’introduction de cobalt dans la gomme doit cependant se faire avec parcimonie. D’une part, l’effet du cobalt est bien moins avantageux pour les propriétés du caoutchouc dont il détruit l’intégrité en oxydant ses doubles liaisons C = C [6]. Et d’autre part, à forte concentration et en présence d’humidité, une fine couche de cobalt métallique se forme en surface du laiton [12]. Cette couche de cobalt métallique est une surface très réactive pour les réactions de ré-duction cathodique de l’oxygène (Figure 1-5). Dans ces conditions, la dézincification est con-sidérablement accélérée et l’intégrité de l’interface est détruite (Figure 1-6). Néanmoins, cette remarque nous permet d’expliquer pourquoi il est possible de faire adhérer un caoutchouc naturel contenant une haute teneur en cobalt à une simple couche de zinc. Il faut pour cela considérer la même réaction de corrosion initiale. Néanmoins, dans ce cas, un mélange de sulfures de zinc et de cobalt ZnS et CoxSy d’épaisseur et de porosité suffisantes pour adhérer fermement à la gomme se crée en surface du zinc. Ce mécanisme explique également pour-quoi la présence d’une faible teneur en eau est requise, afin d’assister la réaction cathodique.

1.2.4.2 L’oxyde de zinc

De l’oxyde de zinc est également présent dans la formulation de la gomme. En quantité abon-dante, cet additif permet d’augmenter la stabilité de l’adhésion. On suspecte que la diffusion d’ions zinc en provenance du laiton est ralentie par le fait qu’elle entre en compétition avec la diffusion des ions zinc en provenance du caoutchouc, et donc certains processus comme la dézincification sont retardés. Pour bien visualiser l’action de cet additif sur la formation de l’interphase, Fulton et al. [52, 53] ont utilisé de l’oxyde de zinc composé de zinc appauvri en isotope 64Zn, dont ils ont retracé l’évolution par spectrométrie de masse d’ions secondaires (SIMS). Ils ont ainsi pu déterminer que le zinc de la couche de ZnS provenait en grande partie de l’additif, tandis que le zinc de la couche de ZnO tirait exclusivement son origine du revê-tement laitonné. Par ailleurs, cet adjuvant joue également un rôle essentiel dans le mécanisme de sulfuration en catalysant l’action des accélérateurs qui est décrite en Annexe B.2.

1.2.4.3 Le chlore

Le chlore n’est pas à proprement parler un additif couramment utilisé dans la formulation de la gomme et seulement de très rares études font mention des effets bénéfiques sur l’adhésion de certains additifs contenant cet élément. Cependant le chlore sera l’un des acteurs princi-paux de notre étude. Il est donc particulièrement intéressant d’avoir un aperçu du rôle que peut avoir cet élément dans les mécanismes d’adhésion entre le caoutchouc et le laiton.

Dans un premier temps, l’introduction d’une petite quantité de chlorotriazine (TZ) à la gomme a montré la potentialité d’accroître sensiblement la force et la stabilité de l’adhésion en régulant la croissance de la couche d’oxyde de zinc à l’interface [54]. Plus précisément, il a été montré que l’utilisation de TZ engendre une accélération de la formation de sulfure de zinc et une conversion de ZnO en ZnS. Ainsi, la croissance excessive d’oxyde de zinc est-elle évitée et l’adhésion améliorée. En revanche, une trop grande quantité de chlorotriazine peut éliminer complètement la présence d’oxyde de zinc à l’interface et entraîner ainsi une