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1.5.1 Présentation des études réalisées

Les premières recherches visant à améliorer l’adhésion entre l’acier et le caoutchouc en utili-sant les propriétés d’un dépôt plasma semblent avoir été entreprises par des chercheurs de la Lord Corporation, qui déposèrent un brevet en 1983 sur une méthode permettant de lier des élastomères au métal en déposant sur ce dernier une couche mince à partir de précurseurs ap-partenant à la famille des thioéthers cycliques [113]. Ils réalisèrent leurs dépôts à basse pres-sion en décharge luminescente générée dans des gaz nobles par une alimentation radiofré-quence ou micro-ondes. Selon les inventeurs, la couche mince déposée par ce procédé offre en plus une protection au substrat métallique contre la corrosion.

Il faut ensuite attendre le milieu des années 1990 pour trouver de plus amples recherches de ce type avec les études menées par Tsai et al. [114], qui parvinrent à égaler les niveaux d’adhésion obtenus avec le laiton en réalisant des couches minces de polymère plasma de 75 nm d’épaisseur à partir d’acétylène (Figure 1-15 a) dans l’argon sur des substrats plans en acier polis mécaniquement. Ces dépôts furent également réalisés à basse pression mais cette fois-ci en post-décharge, en injectant les précurseurs en aval du plasma pour conserver des groupes acétyléniques dans la couche mince. Le substrat fut d’abord exposé 10 min au plasma d’argon seul pour graver la surface avant de déposer la couche. L’interface d’adhésion entre l’acier et le caoutchouc étant particulièrement délicate à analyser en raison de sa faible épais-seur et de la complexité même du caoutchouc, les auteurs simulèrent la vulcanisation en in-troduisant les substrats en acier revêtus du dépôt plasma dans une solution liquide de squalène contenant différents agents de vulcanisation comme l’oxyde de zinc, le noir de carbone, le soufre, l’acide stéarique, les sels de cobalt et un accélérateur de type DCBS. Ils purent ainsi mettre en évidence certains éléments susceptibles de participer aux mécanismes d’adhésion entre l’acier revêtu et le caoutchouc, comme la diffusion de soufre à travers la couche mince, menant à la conversion d’oxyde de fer en sulfure de fer à l’interface couche mince / substrat, et la formation de perthiomercaptides et de sulfures mixtes de zinc et de cobalt à l’interface entre le squalène et la couche de polymère plasma pouvant induire des réticulations entre les molécules de caoutchouc et le film mince.

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Figure 1-15 : Représentation de Lewis des molécules d’acétylène (a), de butadiène (b), et de thiophène (c).

Le même groupe publia par la suite des résultats complémentaires à cette étude [115, 116, 117, 118, 119]. Ils développèrent ainsi leur théorie sur la réticulation se produisant entre la couche mince et le squalène pendant la vulcanisation, expliquant selon eux le fort lien caout-chouc / métal [115, 118]. Celle-ci débuterait par la réaction entre l’oxyde de zinc et les sels de cobalt avec l’acide stéarique pour donner naissance à des stéarates de zinc et de cobalt qui réagiraient ensuite avec l’accélérateur DCBS pour former des complexes capables d’interagir avec le squalène et le polymère plasma et d’induire leur réticulation. Ils évoquèrent également la détection d’acétylures métalliques à l’interface acier / couche mince qui pourraient partici-per à la création de liens entre le métal et le dépôt plasma [115, 116, 117]. Ils étudièrent éga-lement l’effet de la préparation de surface du substrat, du gaz de dilution et de la pression de travail [116, 119], pour aboutir aux conclusions que le substrat doit être le plus propre pos-sible avant de déposer la couche mince et que cette couche doit conserver le plus de groupes acétyléniques et oléfiniques possibles pour obtenir un maximum d’adhésion. Cette dernière condition proscrit donc l’utilisation d’oxygène comme gaz de dilution, qui a tendance à oxy-der les insaturations. L’étude du maintien de l’adhésion dans des conditions hostiles fut éga-lement réalisée [116], et le lien caoutchouc / acier revêtu montra une résistance similaire au procédé de revêtement laitonné dans des conditions humides, mais par contre inférieure dans un environnement salin.

Les seules études rapportées dans la littérature concernant l’amélioration de l’adhésion entre du caoutchouc et des fils d’acier par un traitement plasma sont les travaux de Kang et al. [120]. Ces auteurs réalisèrent des couches minces à partir d’acétylène ou de butadiène (Figure 1-15 b) sur des fils d’acier zingué de 350 µm de diamètre. Très peu de renseignements furent donnés sur le dispositif expérimental utilisé pour réaliser ces couches. Le plasma fut généré par une alimentation radiofréquence à basse pression. Les paramètres étudiés furent la puis-sance injectée dans la décharge, le temps de traitement et la pression dans l’enceinte de dépôt. Les influences d’une gravure préalable par plasma d’argon et de l’utilisation d’un gaz de dilu-tion furent également étudiées. Les épaisseurs optimales des couches furent mesurées à 45 nm lorsque le butadiène était utilisé comme précurseur et à 95 nm pour l’acétylène. Les auteurs conclurent à la nécessité d’une gravure plasma préalable et aux bénéfices apportés par l’utilisation d’un gaz de dilution. Ils purent ainsi s’approcher de très près des niveaux

a) b)

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d’adhésion obtenus avec des fils d’acier laitonnés de même diamètre dans le cas d’un dépôt d’acétylène dilué dans l’argon. Excepté le besoin de conserver des insaturations dans la couche, les auteurs ne proposèrent aucun mécanisme d’adhésion dans cet article.

Les dernières études rapportées sur ce sujet datent de 2006 avec les travaux de Delattre et al. [121], qui réalisèrent des couches minces à partir de thiophène (Figure 1-15 c) sur des subs-trats plans en acier polis mécaniquement. La molécule de thiophène fut choisie en tant que précurseur car elle contient à la fois du soufre et des insaturations nécessaires à la vulcanisa-tion. Par ailleurs, le thiophène étant moins réactif et inflammable que l’acétylène, il serait moins dangereux dans le cas d’une utilisation industrielle. En plus du polissage mécanique, d’autres préparations du substrat furent testées, comme la gravure humide alcaline ou acide ou la gravure sèche par plasma dans différents gaz. L’argon fut utilisé comme gaz de dilution pour transporter le thiophène dans un réacteur tubulaire ou une décharge radiofréquence fut générée pour réaliser le dépôt. Les différents paramètres étudiés pour l’optimisation de la couche furent la pression dans le réacteur, la puissance injectée dans la décharge, le flux d’argon et le débit de thiophène. La meilleure adhésion fut obtenue pour une gravure acide suivie d’une gravure argon / hydrogène et un film de 5 nm d’épaisseur. Dans ces conditions, les niveaux atteints égalèrent les valeurs d’adhésion obtenues dans le cas d’un revêtement laitonné. Selon les auteurs, la préparation doit principalement servir à supprimer la couche d’oxyde en surface du substrat et à activer cette surface avant de déposer la couche mince. La couche doit quant à elle être suffisamment mince pour éviter un surplus de soufre qui dégrade fortement les propriétés mécaniques du caoutchouc. Pour expliquer la forte adhésion obser-vée, les auteurs proposèrent la formation simultanée de sulfure de fer sur la surface du subs-trat et de réticulations entre la couche et le caoutchouc pour conduire à une unique et forte interface d’adhésion.

1.5.2 Bilan final de l’état de l’art

Dans cette dernière partie introductive, nous avons vu que les propriétés des plasmas pou-vaient également être utilisées dans le but de déposer une couche mince organique qui soit capable de faire adhérer l’acier au caoutchouc. Tous les procédés de dépôt utilisés sont cepen-dant des procédés basse pression qui nécessitent des installations de pompage contraignantes en vue d’une application industrielle à grande échelle. De plus, lorsque l’enceinte de dépôt est bien décrite dans ces articles, il s’agit généralement d’une configuration de post-décharge, donc bénéficiant de faibles cinétiques de dépôt qui peuvent également constituer un obstacle au développement industriel du procédé. Nous apporterons donc sur ce point une première amélioration puisque nous déposerons nos couches minces à la pression atmosphérique direc-tement dans la décharge et nous verrons que nous atteignons des cinétiques de dépôt relative-ment élevées par rapport aux cinétiques généralerelative-ment décrites dans la littérature, y compris lorsque ces cinétiques sont mesurées dans des configurations semblables à la nôtre.

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La principale information qui ressort de ces études est qu’il est possible de trouver des procé-dés alternatifs au revêtement laitonné qui soient capables de générer un lien au moins aussi fort que les liens qui se forment entre le laiton et le caoutchouc, avec une résistance au vieil-lissement équivalente et ce, sans nécessairement avoir recours à l’élément cobalt. Néanmoins, la compréhension des mécanismes d’adhésion impliqués demeure encore très fragmentaire et parfois contradictoire. En effet, selon les sources, les mécanismes d’adhésion à l’œuvre peu-vent impliquer soit une interface unique caoutchouc / substrat, soit la mise en place de deux interfaces distinctes caoutchouc / couche mince et couche mince / substrat. Il est donc égale-ment possible que selon le précurseur utilisé, les mécanismes impliqués soient de différentes natures et qu’on ne puisse pas définir un unique mécanisme semblable à tous les procédés plasma. Il semble cependant que la couche déposée doive être capable de former un réseau réticulé avec le caoutchouc et que la présence d’insaturations soit indispensable dans la couche mince.

Un autre critère qui ressort de ces études est la nécessité de déposer une couche d’une seur critique pour obtenir la meilleure adhésion possible. D’une part, le fait d’avoir une épais-seur minimale pourrait s’interpréter soit par la nécessité de créer une structure suffisamment développée à l’interface pour qu’un lien solide s’établisse, soit par la nécessité d’apporter suffisamment de réactifs pour permettre le bon déroulement des processus responsables de la formation de l’interphase d’adhésion. D’autre part, le fait d’avoir une épaisseur maximale pourrait s’interpréter comme le besoin d’éviter la formation d’une couche fragile qui pourrait constituer une zone de faible cohésion. Une épaisseur critique peut aussi permettre de réguler la diffusion des espèces à travers la couche, pour mener à des structures d’épaisseur optimisée à la surface du substrat, comme nous l’avons vu dans le paragraphe 1.2.3.

Nous finirons par mettre l’accent sur la nécessité de préparer soigneusement la surface du substrat avant de procéder au dépôt de la couche mince. Il faut en effet se débarrasser de la couche de résidus organiques qui pourrait polluer la surface et entraver la formation de l’interphase d’adhésion, et généralement minimiser la couche d’oxyde natif qui se crée sur la surface au contact de l’atmosphère, les couches d’oxyde trop épaisses possédant généralement de faibles propriétés mécaniques.

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2 Méthodologie

Ce second chapitre a pour but de décrire les conditions de travail dans lesquelles seront réali-sées les expériences menées dans les chapitres suivants. Dans un premier temps, nous décri-rons les matériaux utilisés. Nous présentedécri-rons ensuite le dispositif expérimental mis au point pour traiter le substrat que nous aurons choisi. Nous terminerons par présenter les différentes techniques et méthodes employées pour caractériser la décharge, l’état de surface du substrat, les couches minces déposées et l’adhésion du substrat au caoutchouc.