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Chapitre 4 : Le point de vue à la troisième personne

4.4. Le point de vue latéral

Avec le point de vue latéral, « l’univers est représenté de profil » (Ludiciné s.d., p. 5). La lisibilité est simplifiée pour faciliter les déplacements du personnage-joueur (la profondeur de l’environnement n’est pas ou est très peu accessible). Il s’agit d’un point de vue classique dans les œuvres bidimensionnelles, particulièrement dans les jeux de plateforme et les shoot ’em ups.35 Il est aussi employé dans les œuvres en 3D, où les personnages sont créés sous

forme polygonale, mais où les mouvements en profondeur sont limités comme dans LittleBigPlanet (Media Molecule, 2008) et Joe Danger (Hello Games, 2010). Ces jeux sont souvent qualifiés dans le langage populaire comme du « 2. 5D ». La mobilité du point de vue a évolué en passant d’une représentation fixe à une caméra mobile. Cela est bien indiqué dans la typologie. Du côté de la mobilité, les mouvements du point de vue latéral peuvent tout d’abord présenter l’action à travers un défilement (scrolling) linéaire sur un axe (parallèle à l’espace des œuvres), qui dévoilent graduellement l’environnement et l’action virtuels du jeu sous forme horizontale (« side-scrolling ») et parfois, verticale (Egenfeldt-Nielson et al. 2008, p. 119; Kelly

35 Mis à part quelques exceptions (voir par exemple Crawford 1985, p. 20), il est important de noter que le

qualificatif « troisième personne », tout comme la notion de « caméra virtuelle », était très peu employé à l’époque des jeux avec point de vue latéral en deux dimensions. Par exemple, Super Mario Bros. (Nintendo, 1985) était rarement, sinon jamais, considéré comme une œuvre à la troisième personne. La dénomination est devenue courante plus tard, dans les années 1990, avec le développement de la 3D. L’emploi du terme, pouvant être considéré comme anachronique dans l’analyse du point de vue latéral, est ici assumé.

2011). Ce dévoilement du hors-champ peut être généré par le jeu (un « auto-scrolling » [Arsenault et al. 2015, p. 111] qui impose un rythme au joueur) comme dans les shoot ’em ups ou les niveaux à défilement automatique dans Super Mario Bros. 3 (Nintendo, 1988) et Super Mario World (Nintendo, 1991). Il peut aussi être synchronisé (ou connecté pour reprendre le terme employé par Arsenault et al. [2015, p. 110]) avec les déplacements du personnage-joueur pour garder celui-ci visible à l’écran. Par la suite, la caméra peut se déplacer de manière mixte, c’est-à-dire à la fois horizontalement et verticalement (Egenfeldt-Nielsen 2008, p. 119; Kelly 2011). C’est ce qui se produit dans la majorité des jeux vidéo tridimensionnels, où les mouvements latéraux des points de vue sont presque tous multidirectionnels.36 Dans la série de

jeux de combat en 3D Super Smash Bros. (HAL Laboratory et Sora, 1999-2014), la représentation visuelle est limitée par les mouvements des personnages qui ne se font que sur un plan (sans profondeur atteignable) et par l’ancrage du point de vue qui est intersubjectif (Arsenault et al. 2015, p. 110), c’est-à-dire que la caméra, dans un but de fonctionnalité, doit cadrer tous les personnages à l’écran (voir la Figure 11 à la page suivante). Ces restrictions n’empêchent pourtant pas le point de vue de représenter l’univers avec une certaine forme de stylisation et de dynamisme. La caméra virtuelle est en perpétuel mouvement et en constant recadrage (plans larges, plans plus rapprochés) selon la distance des personnages, l’action et les événements à l’écran.37

36 Seulement quelques shoot ’em ups en 3D présentent l’action sous forme d’horizontalité et de verticalité

exclusives.

37 Dans Super Smash Bros. Brawl, un personnage nommé Devil (Devil World [1984]), pouvant être activé par un

trophée, donne même un caractère ludique au point de vue. Chaque fois que celui-ci pointe du doigt dans une direction, la caméra effectue un déplacement vers celle-ci. Les combattants sont obligés de suivre cette visualisation dictée puisque dans Super Smash Bros., sortir du cadre signifie mourir.

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Figure 11. Le point de vue latéral dans Super Smash Bros. Brawl (Sora, 2008) présente tous les personnages sur un même plan. (<http://vignette1.wikia.nocookie.net/ssb/images/b/be/SSBB_Gameplay .jpg/revision/latest?cb=20071222025033>. Consulté le 26 août 2016.)

Finalement, le point de vue latéral peut être immobile, c’est-à-dire qu’il peut présenter l’action à l’intérieur de cadrages fixes, mais perméables (des éléments peuvent entrer et sortir), à l’intérieur desquels évolue l’avatar. Pour des raisons de contraintes technologiques, plusieurs œuvres vidéoludiques datant de plusieurs décennies ont opté pour cette façon limitée de représenter le monde sans défilement. Donkey Kong (Nintendo, 1981) est un exemple bien connu.38 Plus tard, d’autres jeux de plateforme bidimensionnels comme Prince of Persia

(Brøderbund, 1989), Another World (Delphine Software, 1991) et Flashback (Delphine Software, 1992) opteront pour ce genre de visualisation. Les pointe-et-clique offraient

38 Il est cependant pertinent de préciser que le point de vue latéral immobile n’est pas employé dans Donkey Kong

strictement pour des raisons de contraintes technologiques. À l’époque de sa sortie sur arcade, l’écran était incliné vers l’arrière pour recréer l’effet des jeux de table physique comme le pinball. Bien évidemment, l’action dans ceux-ci se déroule entièrement sur une même surface et Donkey Kong, héritier de cette tradition dans un sens large, représente lui aussi les événements de manière contenue.

également ce type de plans dans des univers 2D pré-rendus. C’est le cas des œuvres développées par Lucasfilm/LucasArts dans les années 1980 et 1990 comme Maniac Mansion (1987), The Secret of Monkey Island (1990), Day of the Tentacle (1993) et Sam and Max Hit The Road (1993), où le joueur doit contrôler un personnage au sein de points de vue fixes, mais changeants lorsque le protagoniste en question sort du cadre pour arriver dans un autre environnement.39

Les recherches pour ce mémoire n’ont pas permis de repérer des œuvres tridimensionnelles incorporant le point de vue latéral immobile de manière constante.