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Chapitre 2 : Introduction de la typologie de l’ocularisation vidéoludique

2.5. Présentation de la typologie

Comme c’est le cas au cinéma, les points de vue en jeu vidéo sont d’une importance capitale, car ils renferment des composantes esthétiques considérables, indéniables et surtout spécifiques. Cela dit, il ne faut pas pour autant mettre de côté l’aspect fonctionnel de la caméra virtuelle, autre facette importante de la typologie de l’ocularisation. Au-delà de considérations expressives, l’interaction permise par le jeu vidéo fait aussi en sorte que les points de vue doivent être réfléchis en fonction de la jouabilité et de la fonctionnalité. Pour reprendre l’exemple du contrôle du point de vue dans les jeux tridimensionnels de la section précédente, cet élément de design n’est pas seulement esthétique. Il permet au joueur de faire certaines actions. Par exemple, dans un jeu de plateforme en trois dimensions, bien orienter la caméra permet souvent de réussir un saut. Le contrôle du point de vue offre également au joueur une meilleure compréhension de l’espace. Il peut ainsi mieux assimiler un environnement qu’il vient de découvrir. Il peut s’orienter, cibler les éléments importants et se faire une idée générale des lieux. En jeu vidéo, il est important de trouver un juste milieu entre l’esthétique et la fonctionnalité des points de vue. Ces deux éléments seront remobilisés durant la présentation de la typologie de l’ocularisation vidéoludique, mais il était important de les aborder, surtout en rapport avec le contrôle de la caméra. Cette mainmise sur la représentation est disponible à la première personne, à la troisième personne et dans le point de vue non ancré. Ainsi, d’avoir abordé cette composante évitera les redites dans les prochains chapitres.

La typologie de l’ocularisation présentée sous peu tient compte de l’interactivité explicite, de l’aspect expressif et de l’évolution technologique du médium. Elle sert à développer des outils d’analyse théoriques pour comprendre les points de vue. De plus, comme le souligne

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Ernest Adams, le choix d’un modèle de caméra est important lors de l’élaboration du game design : « To define the camera model, you will make a number of design decisions about how you want the player to view the game world, what the camera focuses on, and the camera behaves » (2010, p. 215). La typologie est alors pertinente dans un but analytique, mais peut aussi avoir son utilité dans la création vidéoludique. À terme, elle permet de cibler les différentes expériences ainsi que les caractéristiques esthétiques et fonctionnelles offertes par chacun des points de vue abordés. Finalement, la typologie qui sera présentée n’a pas la prétention d’être parfaite. Plusieurs zones grises existent comme il sera mentionné dans les prochains chapitres. Certaines œuvres présentent des points de vue hybrides, à la limite de deux types. Cependant, cette typologie reste tout de même un outil d’analyse pertinent et efficace.

Comme le démontre la Figure 24 de l’annexe 3, quatre aspects importants ont été pris en compte dans l’élaboration de la typologie de l’ocularisation vidéoludique. Dans l’ordre, l’ancrage, le positionnement, la mobilité et le contrôle permettent de différencier chacun des points de vue. La première division de cette typologie correspond à l’ancrage (« anchor ») : « The anchor is the object or subject that is targeted by the frame and fixes the position of the point of view » (Arsenault et al. 2015, p. 110). Ce terme signifie la fixation ou non d’un point de vue sur un ou des avatars ou toute autre forme d’objet. S’il y a ancrage, il est dit qu’un point de vue est ancré (portion gauche de la typologie). S’il n’y en a pas, il est positionné18 (non ancré)

(portion droite du schéma).19 Commençons par la première catégorie. Le point de vue ancré est

18 L’emploi du terme « positionné » pour caractériser le point de vue non ancré provient du cours « Jeu vidéo et

cinéma » (JEU 1003) donné par Carl Therrien à l’Université de Montréal.

19 Dans Avatars of Story (2006), Marie-Laure Ryan met plutôt de l’avant les concepts de mode interne (lorsque le

joueur se projette à l’intérieur du monde virtuel en s’identifiant avec un avatar) et de mode externe (quand la présence de l’utilisateur est située à l’extérieur de l’espace diégétique) (p. 123).

rattaché à un ou des avatars ou objets. Lorsqu’il correspond au regard du personnage, il s’agit de la première personne (portion de gauche). Lorsqu’il se situe à l’extérieur de l’avatar, il s’agit de la troisième personne (portion centrale) (Ludiciné s.d., p. 5). Selon Joe Bryce et Jason Rutter, cette distinction offre différentes relations entre le personnage et le joueur, ce dernier pouvant ne jamais ou rarement avoir accès à l’apparence physique de son avatar (première personne) ou au contraire, avoir en permanence un œil sur celui-ci (troisième personne) (2002, p. 71-72). Cela dit, comme le font remarquer Egenfeldt-Nielsen, Heide Smith et Pajares Tosca, avec les succès encore aujourd’hui de jeux autant à la première qu’à la troisième personne, il est difficile de clairement déterminer quel point de vue est le plus efficace : « What is more surprising is that video games seem to work equally well in both the first- and third-person perspective » (2008, p. 107). Chacun a plutôt ses qualités et ses capacités propres.20 Les trois prochains chapitres

aborderont spécifiquement la typologie de l’ocularisation vidéoludique. Dans l’ordre, la première personne (chapitre 3), la troisième personne (chapitre 4) et le point de vue positionné (non ancré) (chapitre 5) seront étudiés.

20 Pour une analyse détaillée des avantages et des désavantages du point de vue à la première personne par rapport