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Vous voulez dire un mot sur le GP, ses évolutions, est ce que vous avez tous les outils qu’il vous faut pour relever tous vos challenges dans les biotechs ?

Marc Daumas

Oui vous avez vu que pour nous, les biotechnologies constituent un nouvel axe de développement particulièrement important.

Pour revenir sur l’aspect digital, l’analyse des procédés, l’analyse in process, l’utilisation des données…

Nous accumulons énormément de données que nous utilisons relativement peu.

Un autre aspect qui se rattache également au GP, concerne la modélisation, le contrôle des procédés. Il faut reconnaitre que nous sommes encore aujourd’hui dans beaucoup de procédés sur du « release testing », de l’analyse à libération : on fabrique un produit, on l’analyse pour voir si le produit est bon...

Nous sommes actuellement dans une phase de réflexion approfondie, même sur des procédés anciens, vers une forme de contrôle prédictif afin de mieux maîtriser nos procédés pendant qu’on les opère pour obtenir toujours le bon produit. Cette démarche est d’ailleurs encouragée par les autorités de santé.

Le traitement de données industrielles est donc un des aspects important de la digitalisation de l’entreprise pour la pharmacie

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DEBAT

Question 1 : Christian Jallut, Université Claude Bernard, Lyon

On s’attache à ce que le GP ne disparaisse pas. Mais il faut dire que parfois c’est difficile car les étudiants renâclent un peu (j’enseigne dans la thermo). Si vous pouvez nous aider en validant notre discours, vous serez les bienvenus.

Réponse : la meilleure façon d’intéresser les étudiants à cette discipline, c’est d’inviter des industriels avec des cas concrets qui vont montrer à quoi sert le GP. Sinon ils préfèrent écouter les balivernes qu’on leur raconte qui sont plus sexy.

Question 2 : Jean-Marc Le Lann, INP de Toulouse

J’ai la faiblesse de penser que ce qu’on appelle la digitalisation aujourd’hui va apporter la même révolution qu’a apportée à son époque la modélisation/simulation qui, dieu sait il y a 30 ans, avait énormément de sceptiques et notamment dans le domaine du Génie Chimique. Je ne sais même pas aujourd’hui si on peut imaginer à travers la digitalisation et les avatars qu’elle va offrir ce qu’on pourra faire. Je trouve que dans le GP, on est toujours un peu trop en retrait par rapport à ce qu’on peut voir dans d’autres industries. J’espère que vous me contredirez.

Réponse 1 – Philippe Ricoux

La digitalisation, je connais bien. Aujourd’hui avec le renouveau de l’intelligence artificielle, qui renait grâce au HPC, grâce au calcul, si on peut traiter des masses de données, c’est parce qu’on a des calculateurs qui permettent de le faire. Et bientôt on aura des ordinateurs quantiques qui pourront traiter encore plus de données. La problématique que nous avons dans l’industrie, c’est que les objets, que nous avons, sont des objets thermodynamiques qui sont tous liés entre eux par le PVT. Il y a donc des contraintes partout. Aujourd’hui, ce qui se développe en termes d’intelligence artificielle, c’est sans contrainte. Vous avez des données individuelles, très peu connectées les unes avec les autres, pérennes ou pas. Nous avons des problématiques qui sont assez différentes. Oui il faut qu’on s’en inspire, oui il faut changer et oui ça va changer sur plusieurs thèmes. Déjà on est en train de travailler sur ces données massives, on a mis des capteurs un peu partout, on ne sait pas bien les utiliser, ce qui veut dire que même si on a des outils qui commencent à les regarder, les exploiter correctement, on va quand même pouvoir se mettre le pied à l’étrier. Et je pense qu’on a un vrai problème de streaming : comment aller chercher ces données ? Traitement local ? On a un vrai problème de tuyaux à un certain moment. Pour le génie chimique, c’est intéressant parce qu’on est en train de développer des « mems », c’est-à-dire des micro-capteurs et dans quelques temps, on aura des nano capteurs. Cela veut dire qu’on va pouvoir mettre des milliards de capteurs dans un lit fluidisé et connaitre exactement ce qu’il se passe en espace et en temps et on n’aura plus besoin pratiquement de modélisation de la réaction. On va créer la réaction elle-même, on va retrouver la physique. Jusqu’à présent, on « intuite » que la physique est de tel ou tel type. Pareil pour nos réserves dans le sous-sol, lorsqu’on sera capable de placer des capteurs fiables un peu partout, on saura le PVT local et on saura s’il y a possibilité de faire un écoulement ou pas, avec quelle viscosité, de quelle saturation. C’est ça la révolution. C’est comment le GP va s’adapter à ça. Au lieu de mettre des équations, on va avoir des données qui elles-mêmes vont fabriquer des équations ; et en nombre

177 tel que vous allez pouvoir évaluer vos risques, vos incertitudes de manières beaucoup plus précises que ce qu’on a aujourd’hui. La révolution est entre la liaison des données qu’on va avoir et les contraintes physiques qui régissent le monde. Lorsqu’on sera capable d’avoir ce couplage entre la donnée et l’équation, le génie chimique aura un boulevard devant lui.

Réponse 2 – Laurent Baseilhac

Au niveau des enseignements, il faut aussi qu’on prépare les ingénieurs en GP à être plus offensifs. Les moteurs de l’innovation appartiennent au GP. Pour développer l’innovation dans nos procédés, les hommes du GP ont un rôle technique à jouer mais la réussite passe aussi par la force de conviction de leaders d’opinion et d’influenceurs qu’ils doivent également devenir. On ne doit pas se contenter d’enseigner de manière statique les fondamentaux du GP ; si à l’évidence il faut conserver ces enseignements qui sont importants, il faut également aller plus loin et former des étudiants offensifs capables de porter leurs convictions en matière d’innovations techniques, de se confronter à des structures d’entreprises qui peuvent se révéler souvent assez rigides ; reconnaissons-le, nous nous battons tous les jours pour défendre l’intérêt des innovations technologiques. Souvent les blocages observés ne sont pas liés à des incertitudes techniques mais plutôt à un conservatisme et une difficulté à faire évoluer les mentalités. En France, la prise de risque n’est pas facilement assumée ce qui ralentit la pénétration des innovations dans les procédés. Il faut prendre en compte cette dimension dans l’enseignement et il n’y a pas d’évidence dans le domaine ; toutes les idées sont bonnes à prendre. Sans doute faut-il insister sur les perspectives (compétitivité/pérennité), montrer les potentialités (performance) et apprendre aux étudiants, sur un projet d’innovation, à transformer une analyse de risque en une évaluation risques versus bénéfices ; enfin apprendre à défendre un projet, comprendre les impacts du lobbying, expérimenter la conduite du changement… bref des techniques destinées à faire adhérer aux innovations.

Réponse 3 – Xuan Meyer

Je fais un cours d’intensification des procédés à l’Ensiacet et je demande à des étudiants d’étudier différents systèmes sur la bibliographie et il y en a un hier qui me dit « j’ai lu, c’est intéressant mais ils avancent un argument pour la non diffusion de cette technologie dans l’industrie franchement je trouve ça banal et je ne comprends pas. Il y a juste écrit « ça ne s’implante pas car les industriels ne veulent pas y aller » ». Et je lui ai dit « oui c’est le point clé effectivement. Vous êtes nos vecteurs pour transférer ces technologies vers l’industrie. Les gens que vous allez rencontrer n’en ont pas forcément la connaissance. Nous sommes là pour vous former à ces technologies et vous êtes là pour les défendre et il faudra résister au conservatisme industriel qui vous dira « non ça on ne connait pas on va prendre des risques et donc on fera pas » ». Le problème n’est pas technologique, il est là.

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