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Chapitre 2- « De toute ancienneté et de manière accoustumée »: l'instrumentalisation

2.2. Le quorum de sept conseillers pour entériner une décision

2.2.1. Le vote majoritaire

À partir du moment où Charles IX rompt l'équilibre confessionnel au consulat lyonnais en nommant quatre protestants pour huit catholiques aux élections de décembre 1564, ces derniers tirent aussitôt avantage de leur nombre pour soumettre les disputes qui divisent le corps de ville « à la pluralité des voix », et ainsi s'assurer que la résolution de ces querelles tourne à leur avantage293. Pourtant, le vote majoritaire n'est nullement explicité

dans le règlement des premières disputes, n'apparaissant pour la première fois dans les registres qu'à la séance du 22 mai 1565294. Pierre Sève, Léonard Prunaz, Antoine Perrin et François Cousin – tous conseillers réformés – contestent alors la cession temporaire du collège de la Trinité aux jésuites295, décidée à leur insu par les consuls catholiques, et protestent de la légitimité de cette décision. Ces derniers leur répondent ce qui suit:

293 Ils ne bouleversent pas le fonctionnement du consulat, dans la mesure où le vote majoritaire était un

principe déjà établi (Watson, « The Lyon City Council », p. 31)

294 On dénombre pourtant six séances où éclatèrent des querelles avant cette date: les 1er, 6, 8 et 22 février

1565, le 8 mars 1565 et le 10 avril 1565. (A.M.L. BB085 fos. 11-15, séances du 1er, 6 et 8 février 1565, A.M.L. BB084, fos. 2, 10, 25, séances du 22 février, 8 mars et 10 avril 1565).

295 Les jésuites, ou Compagnie de Jésus, sont un ordre religieux relevant de l'Église catholique romaine,

fondés par Ignace de Loyola durant les années 1530 et officiellement reconnus par le pape en 1540. Ils se donnent pour mission de propager la foi catholique et de guider les âmes vers une vie en conformité avec la doctrine chrétienne. Prônant une obéissance stricte à la volonté du pape, ils se posent comme des ardents

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[...] que ilz nont rien constitué ou estably de nouveau en ce que concerne le college et erudition de la jeunesse de ceste ville. Bien est vray que sur la requete et remonstrances a eulx faictes par les bourgeois catholicques et aultres habitans de ceste ville que monseigneur larchevesque de Lyon et le clerge suyvans les lettres de la royne avoyent estably en ceste ville ung college de Jesuistes pour servir de semynaire a la jeunesse cognoissans tel propoz sainct et catholicque institution conforme a la voleunte du roy qui veult que la jeunesse de son royaulme soit instituee en la religion catholicque jusques a ce quelle sera en age de discretion. Ilz estans legitimemens assemblez et en nombre de sept et non en particulliers. Ont presté leur consentemens a telle institution que ne le pouvans honnestemens reffuser en nestans besoing den avoir ladviz desds Sève, Pournaz, Perrin et Cousin puys que dailleurs ilz estoient en nombre souffizans [...]296

L'argumentation des catholiques repose ainsi sur une variété de facteurs. Notons dans un premier temps leur désir de préciser « qu'ils n'ont rien établi de nouveau », témoin de la place importante accordée aux usages ancestraux dans la rhétorique consulaire. Ils appuient également la validité de leur décision sur le fait qu'elle répond à la volonté des habitants de la ville et à celle de la couronne, mais la source de légitimité explicitement avancée dans ce contexte est le fait qu'ils se soient assemblés au nombre de sept, rendant inutile l'avis des consuls réformés297. Le vote majoritaire devient donc l'outil grâce auquel les conseillers catholiques peuvent progressivement brimer les intérêts protestants, en camouflant le tout derrière le désir d'obéir au roi et de répondre aux besoins des citoyens de la ville. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas propre à Lyon, ni même à la France: étudiant le cas du comté suisse d'Appenzell, Olivier Christin a notamment évoqué comment les

opposants à la réforme protestante dès le début des années 1550, qu'ils combattent un peu partout en Europe par le biais de l'éducation, de la prédication ou par l'appui à des tribunaux ecclésiastiques châtiant les hérétiques (John W. O'Malley, « Jesuits », in Hans J. Hillebrand, The Oxford Encyclopedia of the

Reformation, Oxford: Oxford University Press, 1996

http://www.oxfordreference.com.acces.bibl.ulaval.ca/view/10.1093/acref/9780195064933.001.0001/acref- 9780195064933-e-0726?rskey=1522JD&result=726, consulté le 16 juin 2016). Les premiers jésuites arrivent à Lyon en 1563. Leur principal représentant, le père Edmond Auger, se fait alors rapidement reconnaître par l'aide qu'il apporte à la ville durant la peste de 1564 et par l'efficacité de ses prédications, grâce auxquelles il réussit à reconvertir nombre de réformés à la religion catholique. (Watson, « The Lyon City Council », p. 233).

296 A.M.L. BB084, fo. 41, séance du 22 mai 1565.

297 Les réformés n'ayant pas été conviés à la séance où les conseillers catholiques se sont assemblés pour

décider de céder le collège de la Trinité aux jésuites, la légitimité de la décision se pose. Il sera question plus loin de la manière dont les consuls huguenots répondent aux arguments de leurs confrères catholiques (voir

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catholiques, qui y deviennent majoritaires dans les années 1560, parviennent en une vingtaine d'années à ôter tout droit à la minorité protestante, en accordant aux ressorts paroissiaux le droit de choisir leur confession et de contraindre les habitants sous leur juridiction à y adhérer, ou à émigrer298. Plus près de Lyon, comme à Valence, les réformés présentent une requête au conseil de ville en 1561, demandant le droit de célébrer publiquement leur culte. La demande est aussitôt rejetée par la majorité – catholique – des conseillers, en dépit de l'appui de certains notables huguenots299. La multiplication de ces exemples conduit ainsi plusieurs historiens à affirmer que l'application stricte du principe de majorité est habituellement nuisible à la coexistence300: elle confère à la confession

majoritaire un outil efficace – et légitime – pour limiter les droits de la minorité, voire l'exclure entièrement. L'examen des rares villes où sont signés des pactes d'amitié entre huguenots et catholiques de 1563 à 1567 – Caen, Montélimar, Saint-Laurent-des-Arbres – offre un contre-exemple évocateur: ces accords sont le fruit d'un consensus qui se veut le plus large possible entre les habitants de chaque confession, d'un dialogue qui cherche justement à pallier « la brutalité de la décision majoritaire » et à reconnaître une identité civique qui prend le dessus sur les appartenances religieuses301.

Devant une telle situation au consulat lyonnais, il serait permis de croire que les conseillers réformés protestent dès le départ contre cette situation. Pourtant, ces contestations ne sont formellement mentionnées dans les registres qu'à partir de la fin de l'année 1565 (en dépit, il est vrai, d'une documentation très lacunaire concernant les

298 Christin, La paix, p. 136-138.

299 Nicolas Danjaume, « La ville et la guerre: Valence pendant la première guerre de Religion », Mémoire de

master, Grenoble, Université Pierre Mendès France (Grenoble II), 2009, p. 95-96.

300 Notamment Yves Krumenacker (« La coexistence confessionnelle aux XVIIe-XVIIIe siècles. Quelques

problèmes de méthode » dans Boisson, La coexistence confessionnelle à l'épreuve, p. 111) et Olivier Christin (La paix, p. 145). Philip Benedict pousse l'idée un peu plus loin en laissant entendre que c'est l'équilibre des forces entre catholiques et réformés dans une communauté donnée qui serait à l'origine des conflits dans la majorité des cas: alors que Denis Crouzet explique la diminution de la violence religieuse populaire après la Saint-Barthélémy par une culpabilité ressentie devant l'horreur du massacre, Benedict soutient plutôt qu'elle est liée au fait qu'à ce moment, la balance des pouvoirs locaux entre les catholiques et les réformés au sein de différentes villes a laissé place à une mainmise étroite de l'une ou de l'autre confession sur la politique locale, minimisant de ce fait la menace que pouvait représenter l'autre religion (Benedict, « Un roi, une loi, deux fois », dans Grell, Tolerance and Intolerance, p. 86).

301 Christin, La paix, p. 124. Les pactes d'amitié sont des accords visant à préserver la paix, l'union et la

cohésion des habitants – catholiques comme protestants – d'une localité afin de mieux se défendre devant les menaces extérieures engendrées par le conflit.

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élections de 1564302). Le 13 décembre 1565, le consulat est donc réuni afin de procéder à l'élection des maîtres des métiers pour l'année à venir:

[...] se sont levez lesds Pierre Seve, Pournaz, Perrin et Cousyn lesquelz par la voix dud. Pournaz ont remonstre que suyvant leurs precedentes remonstrances verballes precedemment faictes il seroi requis et necessaire pour procedder a lad. eslection et nommination desds. terrier et maitres des mestiers de faire que le nombre fust esgal tant de lune que de laultre religion a ce que la prochaine eslection des conseillers deppendant de lad. esgallite les affaires publics soient regiz et administrez plus facillement et en meilleur amytie et fraternite estant le nombre desds conseillers esgal [...]303

En spécifiant que les conseillers réformés formulent leur protestation « suyvant leurs precedentes remonstrances verballes precedemment faictes », Léonard Prunaz nous apprend que les consuls réformés n'en sont pas à leurs premières oppositions concernant leur représentation au conseil de ville304. L'élection des maîtres des métiers constitue cependant un moment particulièrement propice à l'expression de leurs doléances, étant donné qu'elle précède de quelques jours seulement la nomination des nouveaux consuls. La rhétorique qu'il emploie, en faisant référence au fait que l'équité confessionnelle serait garante d'une meilleure amitié et fraternité entre les conseillers, témoigne du glissement

302 Guillaume Paradin fait notamment état de nombreuses oppositions à l'ordonnance royale à propos des

élections de 1564. Tout en restant évasif sur l'identité des protestataires, il spécifie qu'elles touchent surtout au fait qu'en nommant lui-même les conseillers pour l'année à venir, le roi contrevient aux anciens privilèges de la ville. (Guillaume Paradin, Mémoires de l'histoire de Lyon, par Guillaume Paradin de Cuyseaulx, doyen de

Beaujeu. Avec une table des choses memorables contenues en ce présent livre, Lyon, Imprimerie de Antoine

Gryphius, 1573, p. 383-384).

303 A.M.L. BB084, fo. 161, séance du 13 décembre 1565.

304 Elle est en cela évocatrice du silence des registres concernant certaines querelles consulaires. En faisant

référence aux « remontrances verballes precedemment faictes », il laisse entendre que les conseillers réformés n'en sont pas à leurs premières revendications à l'égard de leur représentation au consulat, des revendications que le secrétaire du corps de ville, Jean Ravot, n'a pas jugé bon de consigner. Ce phénomène semble d'ailleurs assez récurrent, si l'on en croit les propos du conseiller protestant Mercurin de Ruvillas, lors d'une séance tenue le 14 septembre 1567, soit à la veille de la seconde période conflictuelle. Ce jour-là, une assemblée de notables est convoquée afin de discuter de la cession complète du collège de la Trinité aux jésuites. Mercurin de Ruvillas affirme alors son opposition à cette mesure, « pour le doubte quil a que ses successeurs ne satisfassent si bien a leur debvoir que led. sr Emond [Auger] a [illisible] de faire et pour aultres raisons quil baillera plus amplement par escript et la ou lon vouldroit passer oultre sans avoir esgard a son dire [...]304 »

(A.M.L. BB086(2), fo. 101, séance du 14 septembre 1567). Les conseillers protestants acquièrent rapidement l'habitude de consigner à l'écrit leurs doléances concernant d'une dispute consulaire, peut-être par méfiance à l'égard du secrétaire, dont la partialité en faveur des catholiques apparait assez clairement dans les délibérations, en désignant notamment les conseillers huguenots par la formulation « ceulx de la religion prétendue réformée ».

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observé par Olivier Christin dans la lutte religieuse: les magistrats veulent s'inscrire en conformité avec la volonté du roi de voir ses sujets vivre en harmonie, l'édit de paix étant alors la principale source de légitimité305. La réponse donnée par les consuls catholiques est

sans équivoque à cet égard, lorsqu'ils affirment que la remontrance des réformés « tend a division et parcialite et quil nest icy question daulcune religion ne distinction ou acceptation de personne a aultre ains quilz doivent tous unanimement et ensemblement procedder a leslection et nomination desds. terriers et maitres des mestiers selon dieu et conscrire a la maniere accoustumee comme ont faict leurs predecesseurs [...]306 ». Ils défendent ainsi les mêmes valeurs d'amitié et d'union que leurs confrères protestants, mais pour les accuser de vouloir intégrer la dimension – voire la dissension – religieuse dans un corps qui doit dorénavant être entièrement sécularisé. Jérémie Foa observe un phénomène similaire dans les plaintes adressées aux commissaires royaux un peu partout en France, dans lesquelles « la sédition prend [...] le relais de l'hérésie comme crime haïssable. Du coup, les sujets ont tendance à transformer les gestes religieux en agression politique. C'est le trouble à l'ordre public et non la menace pesant sur l'ordre céleste qu'on dénonce.307 »

L'assimilation étroite de l'ordre politique et des anciens usages ne se limite pas à un simple procédé rhétorique auquel les conseillers catholiques lyonnais ont recours dans les disputes consulaires. Les deux éléments apparaissent couramment comme indissociables et s'intègrent souvent dans la politique de pacification déployée par le pouvoir royal. Mark Konnert, en outre, attribue en partie la relative tranquillité qui continue à régner à l'intérieur des murs de la cité de Châlons-sur-Marne pendant les premiers troubles à la nature coutumière du conseil de la ville308. À Senlis, l'avocat du roi Nicolas Barthélémy rétablit la tradition qui avait cours sous François 1er de nommer deux gens de justice (un procureur et un avocat) aux charges échevinales de la ville. Ces derniers – dont plusieurs furent accusés d'hérésie en 1562 – avaient délaissé ces offices après l'application de l'édit de Fontainebleau

305 Christin, La paix, p. 68-69.

306 A.M.L. BB084, fo. 161, séance du 13 décembre 1565. 307 Foa, Le tombeau de la paix, p. 148.

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de 1540309 et avaient été remplacés par des catholiques fervents, marchands pour la plupart. En imposant le retour des officiers de justice et en l'inscrivant en conformité avec la coutume, Nicolas Barthélémy souhaite sans doute modérer l'intransigeance religieuse de l'échevinage et protéger la minorité protestante qui vit dans la ville, mais cette mesure témoigne également de la volonté royale de contrôler plus étroitement les cités du royaume310.

À Lyon, les élections de 1566 voient justement le rappel de l'importance que les consuls accordent à la préservation des traditions du corps de ville devant l'ingérence royale et des doléances formulées par les conseillers réformés à propos de leur représentation. Le procureur Claude de Rubys présente alors une requête au lieutenant-gouverneur de Lyon, le président René de Birague, demandant à ce que les consuls ne soient plus nommés par le roi comme cela était le cas depuis 1563, mais que les élections aient lieu selon leur forme habituelle:

maitre Claude de Rubis advocat et procureur general de lad. ville et communaulte a remonstre ausds. srs conseillers et consulat suyvant leur commandement il auroit cy devant presenté requeste a monseigneur le president de birague gouverneur et lieutenant general pour sa magesté en ce pays en absence de monseigneur le duc de Nemours tendant aux fins quil pleust aud. sr gouverneur leur permectre de procedder a lad. nomination sellon la forme proposee par led. Salla et a la maniere observée de toute ancienneté par leurs predecesseurs sur laquelle led. sr gouverneur auroit respondu que le vouloir et intention de Sa magesté estoit que lad. eslection se fasse encores pour ceste annee et sans le tenir en consequence pour les annees ensuyvantes a la maniere quelle a este faicte ces deux dernieres annees passées assavoir a raison quilz soient huict catholicques et quatre de la religion pretendue reformee 311

Le refus du lieutenant-gouverneur s'accompagne d'un élément important aux yeux du corps de ville: le fait que sa décision n'ait pas de conséquences pour les années futures.

309 L'édit de Fontainebleau de 1540 confirme la prérogative des tribunaux laïcs (baillages, sénéchaussées et

Parlements) de juger les cas d'hérésie, dorénavant définie comme un « crime de lèse-majesté divine et humaine, sédition du peuple et perturbation de l'État et du repos public. » (Jouanna, La France, p. 319).

310 Amalou, Une concorde urbaine, p. 272-273.

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L'idée est donc de rassurer les consuls qui s'inquiètent de voir une pratique initialement considérée comme exceptionnelle – soit la nomination des conseillers par le roi – s'enraciner au fil des années, au point qu'elle puisse acquérir force de loi: perspective d'autant plus inacceptable qu'elle contrevient directement aux privilèges octroyés à la cité312. Toutefois, le but des consuls catholiques ne se limite pas à la simple défense des anciens statuts de Lyon: derrière cette demande au roi se trouve la volonté d'expulser entièrement les réformés du corps de ville, maintenant que les catholiques ont repris pied dans la cité et qu’ils s’estiment avantagés par le rapport de force313. C'est pourquoi en dépit du refus du roi à ce que les élections reprennent leur ancienne forme pour cette année, les catholiques demandent néanmoins à ce qu'aucun protestant ne soit nommé à la tête de la ville314, en précisant qu'ils s'en remettent à la couronne et qu'ils obéiront à sa volonté « avec protestation touteffoys que ne soit sans prejudice des us statutz et coustumes tel cas accoustume de toute anciennete estre obtenue par leurs predecesseurs ausquelles ilz nentendent en rien derroger et sans quil puysse estre tire en consequence par cy apres [...]315 ». Pour leur part, les conseillers réformés répondent qu'« ilz ne consentiront que aulcune nomination se fasse synon quon leur accorde quilz soient pareil nombre deschevyns de leur religion comme de la religion catholicque [...]316 ». Ils sont ensuite sévèrement blâmés par leurs confrères catholiques, qui leur rappellent qu'il ne leur appartient pas de vouloir changer ou d'interpeller les ordonnances de la couronne; d'autant plus que les protestants ne peuvent appuyer leur requête sur une source de légitimité, contrairement à ce qu'ont fait les catholiques en plaidant la défense des anciens usages de la ville. Les appels des protestants sont également faits en vain: les catholiques passent outre et font parvenir leur liste de candidats à la couronne, qui choisit encore cette année-là huit catholiques pour quatre réformés.

312 De Rubys, Les privilèges, p. 2.

313 Notons également que depuis 1566, les conseillers plus modérés qui étaient jusqu'alors à la tête du corps de

ville ont cédé leur place à des échevins beaucoup plus intransigeants, tant du côté catholique que réformé. Ce phénomène serait attribuable à une désaffectation des anciennes familles consulaires, découragées par la détresse financière et les responsabilités de plus en plus lourdes associées à la charge de conseiller. L'ancienne aristocratie marchande qui dominait jusqu'alors le consulat est donc progressivement remplacée par des officiers royaux. Tendance qui s'accentuera dans les prochaines décennies (Gascon, Grand commerce et vie

urbaine, p. 510).

314 A.M. L. BB086, fo. 99, séance du 19 décembre 1566. 315 A.M. L. BB086, fo. 97, séance du 19 décembre 1566. 316 A.M. L. BB086, fo. 97, séance du 19 décembre 1566.

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La protection des coutumes est donc encore ici une manière de servir les intérêts de la majorité catholique, tout en plaidant la défense de ceux du corps de ville. Il s'agit ainsi d'exclure implicitement les réformés du conseil, sans contrevenir pour autant aux sources de la légalité et de la légitimité, que ce soit la législation royale ou les anciens usages de la commune. Paradoxalement, c'est justement l'intégration de minorités religieuses au sein de conseils municipaux qui a permis de voir émerger cette discussion autour des ressources légitimes du champ politique local. En balisant la lutte confessionnelle à l'intérieur du cadre de la loi, du respect des institutions locales et des règles qui les régissent, les commissaires royaux ont contribué à déconfessionnaliser – du moins partiellement – le politique, tout en renforçant d'autres formes sécularisées de légitimation, au premier chef le nombre et le bien commun317. Dans ce contexte, la nature confessionnelle des protestations des consuls réformés – qui s'en tiennent à requérir un nombre égal de protestants et de catholiques au