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3. Microstructure macrostructure des textes effet oralité

3.2. La voix narrative

82Ibid. p.48.

83 Gerard Genette, op.cit.p.90

La place qu’occupé le «je » dans l’espace narratif, crée une nuance autobiographique dans les œuvres Verre Cassé et Meursault contre-enquête. Ce système suppose au premier abord l’enfermement. Nous aurions même l’occasion de lire un narrateur parlant de lui, un narrateur narcissique. Cela est l’effet du « je » un je imposant grâce à l’attitude de l’oralité. Plus en s’éloigne dans la lecture plus cette instance de la première personne du singulier occupe tout le texte. La mise en scène d’un narrateur personnage central nous entrainerait dans la litote d’étouffement de la polyphonie. Un narrateur qui se dénigre ; or ce qui nous intéresse est son regard tourné vers l’Autre. Un regard loin d’être valorisant, plutôt un regard tranchant. Malgré le « je » référence :

Verre cassé Meursault contre-enquête

« je ne te demande pas de parler, mon brave, tu ne me connais pas bien,

renseigne-toi, est-ce que moi, Verre Cassé, j’ai déjà demandé à quelqu’un ici de me donner le mode d’emploi de sa vie, de me vendre sa vie aux enchères, hein »85

Je ne me prosternerai pas au pied de ton tas d’argile, répété dans le sillage d’Iblis lui-même… Je suis parfois tenté d’y grimper, là où s’accrochent les haut-parleurs, de m’y enfermer à double tour, et d’y vociférer ma plus grande collection d’invectives et de sacrilèges. En listant tous les détails de mon impiété. Crier que je ne prie pas, que je ne fais pas mes ablutions, que je ne jeûne pas, que je n’irai jamais en pèlerinage et que je bois du vin et tant qu’à faire, l’air qui le rend meilleur. Hurler que je suis libre et que Dieu est une question, pas une réponse, et que je veux le rencontrer seul comme à ma naissance ou à ma mort »86.

Nous sommes en présence d’un tournant de relation rhizomatique. En réalité l’effet autobiographique fait parties des procédés de la littérature monde. L’auteur se prend pour le personnage ou le narrateur de ce récit. Nous pourrions vérifier cet effet chez Edouard Glissant, ou chez Patrick Chamoiseau. C’est pourquoi les romans balancent la narration théâtrale, essayiste ou littéraire. Tous les genres s’entrecroisent, il s’agit d’une orgie de voix et de

85 Verre cassé, op.cit. p.19.

focalisation d’un récit en rupture, les personnages ont une souffrance permanente à dire des relations à vivre à tenter comme le prouve notre corpus :

Verre cassé Meursault conte -enquête

« je rencontre souvent la plupart des nouveaux personnages de ce bar, ils sortent de je ne sais où, et les voilà devant moi, les larmes aux yeux, la voix chevrotante, »87 , « ce n’est pas d’un seul cahier dont j’aurais besoin pour les rapporter, il me faudrait plusieurs tomes pour parler de ces rois maudits »88 « et là ces gens en quête de confession sont un peu froissés, eux qui étaient persuadés que leur histoire était la plus extraordinaire de la terre, la plus biscornue, la plus surprenante, la plus rebondissant, ils veulent vous démontrer que celle qu’ils ont à vous raconter est aussi grave et sérieuse que la peine capitale »89

« la patience de supporter

mon monologue prétentieux. D’ailleurs c’est toi qui es venu à moi … aller claironner ta découverte au monde entier » . « J’admire ta patience de pèlerin rusé et je crois que je commence à bien t’aimer ! ». « Tu y comprends quelque chose, toi,

l’universitaire ? », évoque plusieurs fois Camus par « ton héros ». Plus loin, « mon ami, toi qui viens de Paris et « même si tu vis en exil depuis des années » 90.

Verre Cassé raconte le présent et le passé, l’évocation de l’histoire du « crédit à

voyager », puis vient celle du « mec au Pampers », quelques pages plus loin pour entendre

l’imprimeur se raconte. « Robinette » ; pour enchainer sur sa propre histoire et celle de

l’Escargot Entêté. La narration fonctionne d’une manière très simple. Les histoires

s’entremêlent vers la fin du cahier et chacune fera des brides, qui fonctionneraient en complémentarité. Les voix qui façonnent les récits puis plusieurs narrateurs qui se racontent à ce dernier. La narration est ainsi polyphonique chaotique, il s’agit d’une narration créolisée, telles les voix du monde.

87 Verre cassé, op.cit. p.27.

88Ibid. pp.77.

89 Ibid.p.28.

Ce type de narration permet aux personnages d’entrée en relation de faire des incursions dans un récit méconnu et une temporalité chaotique. A chaque fois un personnage efface l’autre pour commencer un autre récit, forcé a terminé un récit ou la parole n’est pas donnée facilement. Le tout forme une apparente. La rupture commence dans l’unité des chapitres, puis dans celle du texte qui ne forme qu’une seule phrase.

Dans Meursault Contre-Enquête, nous sommes en présence d’un narrateur narcissique. « Haroun » est à la fois personnage de l’histoire, narrateur, parfois témoin, parfois acteur. Nous avons du mal à séparer le narrateur des personnages. Nous pourrions dire qu’il est question d’une procédure qui plante le doute. Ce personnage narrateur est une voix « pluriel », à l’instar du monde. Il est seule ces voix et cette polyphonie au moyen du monologue, des cris. Sa voix représente une unité pour la diversité laisse à penser à un texte philosophique oral.