• Aucun résultat trouvé

3. Une identité -monde

3.2. Le système monde dans la construction de la toile textuelle des deux romans . 115

3.3.2. La polyphonie

Lorsque nous parlons du « tout-monde », nous parlons du métissage, de l’hybridation, mais aussi de la polyphonie, ces caractéristiques rentre dans la construction romanesque et les stratégies narratives d’Alain Mabanckou et de Kamel Daoud, notamment dans les ouvres Verre

Cassé et Meursault, Contre-enquête. La polyphonie change le narrateur classique omniprésent

par plusieurs narrateurs. Il s’agit d’une autre manière d’exprimer la diversité paradoxale de leur milieu.

La polyphonie dans ces récits francophones procède par l’intrusion d’un intertexte isolé de la narration principale et qui fonctionne simultanément à la narration, afin de mettre en exergue la complexité existante entre : le conteur, la parole et son contenu. Cet intertexte établit une idée rétrospective des porte-paroles, élevé par l’évocation de l’éparpillée dans le texte principal du conteur par les autres personnages. Verre Cassé raconte d’abord sa relation avec le propriétaire du bistro « L’escargot entait », et l’histoire du bar « le crédit à voyagé », plus loin « le mec au Pampers », pis « l’imprimeur » relatent leurs histoires, plus loin c’est le conteur écrivain Verre Cassé reprend la narration principale. Dans « Meursault, Conte enquêté », nous somme pas en mesure de dire qu’l existe plusieurs narrateur, il en existe qu’un seule Haroun le frère de Moussa, qui relate les histoires de sa famille de deux façons différentes : la narration et le monologue.

Verre cassé Meursault contre-enquête

« le type aux Pampers semblait ce jour-là chercher ses mots, puis il a soudain retrouvé sa verve, a continué son récit sans s’assurer que je le suivais, « tu vois donc, Verre Cassé, ma femme osait m’interdire de sortir, je te

Les pièces de cette maison ont toujours été très sombres, elles sont si mal éclairées quelles semblent abriter une veillée funèbre. J’y vais tous les trois mois pour m’assoupir et regarder ma mère pendant une heure ou deux.

dis que c’est pas elle qui pouvait me commander comme ça, c’est moi en plus qui payais tout à la maison, et c’est elle qui se permettait de faire la loi, tu as déjà vu ça où dans ce monde qui s’effondre, hein, jamais vu, je te dis, et c’est elle qui m’empêchait d’aller me faire quelques gâteries légitimes chez les petites bien chaudes du quartier Rex, tu vois le problème, et moi je devais faire quoi pendant que le gourou travaillait ma femme dans les hautes montagnes de Loango »306.

« type, je veux dire L’Imprimeur, il me cherchait pour me parler depuis le premier jour où il avait mis ses pieds plats au Crédit a voyagé, il avait vraiment envie de parler, de me parler à moi, pas à une autre personne, et il criait alors « je veux parler, je veux te parler, c’est toi qu’on appelle Verre Cassé ici, hein, je veux te parler, j’ai beaucoup de choses à te dire, laisse-moi me mettre à ta table et commander une bouteille »307,p27. « je suis un nouveau ici, je m’appelle Holden », et j secoue la tête, je me dis qu’autrefois je me serais intéresse à ce type, il allait se livrer, il allait me raconter le mode d’emploi de sa vie de merde, de ses déboires avec soi monde à lui, »308.

Après, il ne se passe rien. Je bois un café noir, je reprends la route puis le chemin d’un bar et j’attends de nouveau »309

« J’ai vécu comme une sorte de fantôme observant les vivants s’agiter dans un bocal. J’ai connu les vertiges de l’homme qui possède un secret bouleversant et je me suis promené ainsi, avec une sorte de monologue sans fin dans ma tête. Il y a bien eu des moments où j’ai eu une envie terrible de hurler au monde que j’étais le frère de Moussa et que nous étions, M’ma et moi, les seuls véritables héros de cette histoire devenue célèbre, mais qui nous aurait crus ? Qui ? Quelles preuves pouvions-nous avancer ? Deux initiales et un roman sans prénom ? Le pire, c’est quand les meutes de chiens de lune ont commencé à se battre et se déchirer pour savoir si ton héros avait ma nationalité ou celle de ses voisins d’immeuble. La belle blague ! Dans le tas, personne ne s’est demandé quelle était »310

306 Verre cassé, op.cit. p.21

307 Ibid. p.27.

308 Verre cassé, op.cit. p.94.

309 Meursault contre-enquête, op.cit. p.43.

La polyphonie malgré l’absence de plusieurs narrateurs dans le texte de Kamel Daoud est assurée par la figure du conteur et le monologue pis en charge par Haroun. Cette figure continue, à travers les souvenirs des personnages qui parsèment le récit à ressasser les infimes détails. Les porte-paroles conscients de la complication de la tâche, établissent un certain équilibre entre le fait d’écrire et celui de témoigner. Nous constatons le même effet avec Verre Cassé. L’enjeu de ces personnages narrateurs est d’être chacun d’eux une copie unique, aucun d’eux ne veut être la copie de l’autre et marquer l’infériorité de cet l’autre.

Pour établir cet équilibre, qui unit deux unités totalement différentes au niveau de sémantique et rhétorique à savoir : l’oral et l’écrit, aussi la combinaison de plusieurs voix. Les narrateurs recommandent la composition du récit en nombreux fragments à savoir : la farce et l’ironie, le dialogue, la philosophie, la réflexion, le collage, etc. Marque ainsi l’éclatement des genres.

Verre Cassé Meursault contre-enquête

« d’abord y avait le gars aux Pampers, il m’avait pris la tête avec l’éternelle histoire de sa femme qui avait changé la serrure à 5 heures du matin, et pendant que moi je compatissais en bonne foi du charbonnier ou même du sympathique chien d’Ulysse, il avait osé s’attaquer à la mémoire de ma mère au point qu’on s’était bagarrés, au point que j’avais

ressenti une vipère au poing, et puis y a eu aussi L’Imprimeur même si les choses ne s’étaient pas gâtées comme avec le type aux Pampers, mais L’Imprimeur était quand même provocateur avec son Paris-Match, et

voilà qu’aujourd’hui, comme un

enchaînement de petits malheurs, y a ce type au visage bouffi qui vient paraît-il

« C’est une scène immuable contre laquelle je bute comme une mouche sur une vitre. Impossible d’y pénétrer. Je ne peux y poser le pied pour courir sur le sable et changer l’ordre des choses. Ce que j’éprouve quand je vois et revois cette scène ? La même chose que lorsque j’avais sept ans. De la curiosité, de l’excitation, l’envie de traverser ou de suivre le faux lapin blanc. De la tristesse, car je ne distingue pas nettement le visage de Moussa. De la colère aussi. Et l’envie de pleurer, toujours. Les sentiments vieillissent lentement, moins vite que la peau » 312

d’Amérique, qui prétend se prénommer Holden, qui se préoccupe du sort des canards en hiver, qui me traite de dépassé, de vieillard et qui me demande de consacrer mon dernier automne de patriarche à lire à mes petits-fils les aventures de Mondo, les contes d’Amadou Koumba, sait-il que je n’ai pas de petits-fils, le sait-il vraiment, donc les gens sont sur les nerfs comme si je leur avais fait du mal, et voilà à présent Robinette qui s’y met à son tour, c’est quoi cette malédiction, je lui dis avec tac »311.

Le narrateur du récit polyphonique partage les narrations avec les autres personnages principaux ou secondaires. Il raconte leurs récit à la premières personne, le narrateur principale peut à un moment du récit perdre le fil et l’enchainement des évènements. Nous remarquons que cette tradition perd sa fonctionnalité avec les deux narrateurs Haroun et Verre Cassé, car tous les deux respectent l’enchainent des évènements de manière angoissante, cela est lié au recours à l’oralité. Ce procédé a pour but principale repeindre la réalité et ou franchir les limites entre réalité et fiction. Adapté une écriture éclatée ne voudrait pas dire utiliser tous les genres et les registres linguistique de façons aléatoire. Le pari serait de les conditionnés au fil des évènements pour retracer les effets du métissage et de la créolisation, emmener le lecteur à penser la littérature du « tout –monde », mais d’abord, il faudrait faire perdre à ce dernier son équilibre, le faire passer d’un genre à un autres, plus loin le faire lire et entendre les genres s’entremêlent se chocs, comme c’est le cas pour l’oralité dans le réalisme balzacien.

Il provient de cette condition que le narrateur introduit des monologues ou des passages étrangers par rapport à l’œuvre qu’il raconte. Nous y trouvions un fréquent retour en arrière ou les jaillissements du futur sont présents, aussi l’emboitement des récits et la mise en abyme.

La polyphonie dans ces récits francophone ne se limite pas à l’intrusion de plusieurs personnages, à l’instar des précurseurs tels que B. Diop dans l’intellectuel délirant du temps du tamago, et Chaidanna de Sony Labou Tansi…, etc. La polyphonie existerait dans le mélange

voulu des niveaux de langue. La fable la farce, le mythe, la légende…, etc. les auteurs écrivent dans le registre le plus soutenu qu’il soi, au plus familier. Le récit est aussi marqué par la dérive et le détour, dès lors que nous y trouvons la parabole, la farce, l’allégorie, qui constituent l’une des contenances à nul autre second des œuvres en question.

La polyphonie fait partie d’un conjointement poétique en relation rihzomatique, qui permettrait d’évoquer le monde autrement, un monde de dérision, de métissage, du diversel et de créolisation.