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Une voiture omniprésente dans la mobilité quotidienne de 63 personnes sur 66 : une situation

II. LA MOBILITE, UNE QUESTION SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE

1. Une voiture omniprésente dans la mobilité quotidienne de 63 personnes sur 66 : une situation

enquêtés

1. 1.

Une voiture omniprésente

Pour 63 des 66103 personnes de notre panel, « la voiture » est considérée comme le mode de déplacement utilisé majoritairement. Pour reprendre la typologie développée par Anaïs ROCCI (2007)104, nous pouvons en première approche distinguer deux groupes d’individus au sein de notre panel, caractérisés par leurs pratiques de mobilité :

- 63 personnes peuvent être considérées comme des conducteurs exclusifs, « qui utilisent leur

voiture pour tous leurs déplacements ou presque, et notamment leurs déplacements quotidiens »105.

- 3 personnes peuvent être considérées comme des multimodaux, « qui utilisent la voiture parmi

d’autres modes de transport »106.

Nous reviendrons ultérieurement sur ces individus multimodaux, et les raisons qui les poussent à adopter des comportements de mobilité alternatifs.

Nous nous intéressons pour le moment aux individus exclusifs, qui utilisent leur voiture… :

- pour réaliser la majorité de leurs déplacements quotidiens, tous motifs confondus : travail, achats, services, loisirs, etc. ;

- aussi bien pour les trajets courts (au sein de l’intercommunalité) que pour les trajets moyenne distance (vers l’agglomération tourangelle)107. Seule exception notable : les trajets très courts, intra-communaux, sont parfois effectués à pied ou à vélo par certains interviewés ; nous y reviendrons ultérieurement.

- essentiellement de manière autosoliste, ou avec leurs enfants.

Nous rejoignons les conclusions d’A. ROCCI, qui notait que les exclusifs ne peuvent pas être

caractérisés par des critères sociodémographiques : on trouve parmi les exclusifs de notre panel des

individus différents en termes de générations, de situations familiale et professionnelle, de localisations résidentielles et de distance à l’emploi, de vulnérabilité par rapport à la mobilité.

103L’analyse des pratiques a été réalisée à partir des 37 entretiens semi-directifs au cours desquels nous avons interrogé 43 personnes, et concerne au total un panel de 66 personnes (cf. Tableau).

104ROCCI A. (2007) 105 ROCCI A. (2007), p. 25 106 ROCCI A. (2007), p. 27

107 Nous nous intéressons uniquement aux déplacements « locaux » de courte et moyenne distance : « La mobilité locale est

définie comme l’ensemble des déplacements que les individus réalisent dans un rayon de 80 kilomètres autour de leur domicile

Le nombre de véhicules par ménage met également en évidence la suprématie de la voiture : on compte au total 65 voitures108, pour un panel de 66 adultes « conducteurs »109, soit un taux de motorisation

moyen de 98%. Nous sommes donc au-dessus de la moyenne française, qui était en 2008 de 75% dans

les espaces « ruraux isolés » et « pôles ruraux et leur couronne »110. Plus précisément, on dénombre parmi le panel :

- 2 couples avec 3 voitures (taux de motorisation > 100%)

- 32 ménages avec 1 voiture par adulte (taux de motorisation = 100%) - 3 couples avec 1 seule voiture (taux de motorisation < 100%)

1. 2.

Entre choix assumé, fait accepté et contrainte subie

Cette omniprésence de la voiture dans la mobilité quotidienne est vécue différemment par les enquêtés Exclusifs :

- un choix assumé : la voiture garantit une liberté de mouvement et permet d’assurer une organisation choisie. Là où ils habitent, les enquêtés reconnaissent être dépendants à la voiture : néanmoins, cette dépendance est maîtrisée, n’est pas subie ou vécue comme une contrainte.

« MH. Alors globalement est-ce que vous avez l’impression de subir votre mobilité, et d’être

vraiment tout le temps sous la contrainte […], est-ce que vous vous sentez dépendant de la

voiture, ou est-ce que vous avez l’impression de rester maître de vos déplacements ? Octave. Alors maître de mes déplacements, de nos déplacements et de notre manière de nous déplacer… pas complétement parce qu’on est quand même contraints à l’automobile quelque part, mais d’un autre côté, aujourd’hui, en termes de… encore une fois de souplesse, d’adaptabilité et également en termes financiers, ça reste… pour moi ça reste très positif. Parce que… oui on est à la campagne, oui on a à se déplacer tous les jours, oui c’est long, oui éventuellement c’est cher, mais d’un autre côté, quand je regarde mes relevés de taxe d’habitation ou de trucs comme ça, y a pas photo par rapport à habiter en milieu urbain avec tout ce qui peut arriver derrière ! Donc c’est pas totalement… c’est pas totalement confortable, mais… à tout prendre, moi c’est une situation qui me satisfait pour l’instant. »111 « MH. Alors quel est votre sentiment par rapport à cette mobilité ? Est-ce que vous vous sentez contraints, obligés de faire des déplacements, dépendants de la voiture etc. ? Jean. Non non bah moi je… enfin moi ça m’a jamais paru lourd… je préfère habiter à la campagne, donc c’est un choix de vie, et ça me pose pas problème.

MH. Et est-ce que vous vous sentez dépendant de la voiture ? […] Jean. Non c’est pas une dépendance, c’est un outil la voiture […] ! »112

108 Les voitures utilisées par les enfants-conducteurs des ménages n’ont pas été comptabilisées, puisque sont hors échantillon. 109 Toutes les personnes interrogées étaient détenteurs du permis de conduire : c’était l’un de nos critères de sélection. 110 Centre d’Analyse Stratégique (2012), p.20

111 Entretien n°14, Homme, Novembre 2012 112 Entretien n°16, Homme, Mars 2013

Les enquêtés qui assument parfaitement l’omniprésence de la voiture ne sont pas pour autant fermés aux questions d’altermobilité : on retrouve parmi eux des ménages en quête de solutions alternatives.

- un fait accepté : utiliser la voiture est une habitude, et les enquêtés l’acceptent, parfois avec fatalisme ; certains enquêtés mentionnent également une « absence de choix » : ils la regrettent mais « doivent faire avec ».

« MH. OK. Est-ce que vous avez l’impression de subir votre mobilité ? D’être contrainte par votre mobilité ?

Sidonie. Bah j’en ai plus conscience en fait. Parce que c’est tellement devenu une habitude, […] c’est vrai que pris dedans, je me sens pas forcément si dépendante quoi en fait ! Alors, on le sent, si ! Quand on dit, ah le mercredi c’est terrible avec tous les trucs…

MH. Et est-ce que ça vous fait suer ? Est-ce que vous la subissez cette dépendance ? Sidonie. Bah… d’un côté je peux dire que je la subis mais en même temps, voilà je veux bosser, le boulot est plus loin, y a pas de transport collectif qui correspond à ce que j’ai besoin, donc j’y vais comme ça et puis voilà ! Je fais avec quoi ! Même si c’est pas forcément… l’idéal ! »113

« MH. Votre sentiment général par rapport à la mobilité, est-ce que vous avez l’impression de subir complètement cette mobilité, ou est-ce que vous avez l’impression de la maîtriser quand même ? Est-ce que vous vous sentez dépendante de votre voiture ? Ou est-ce que c’est pas une contrainte ?

Marie-Frédérique. Bah de toute façon, pareil hein j’ai pas le choix ! C’est pas une contrainte hein, parce que c’est machinal ! C’est je prends ma voiture parce que faut que je prenne ma voiture ! Pour que mes enfants soient scolarisés et aillent à leurs cours hein ! Donc… c’est comme ça ! (rires) »114

« Pascaline. Je me pose pas la question ! Y a des jours où ça me gonfle, et y a d’autres jours où… on est plutôt… enfin voilà ! On subit quoi ! On a pas le choix ! De toute façon faut prendre la voiture pour aller bosser, donc voilà ! Ça empiète sur le temps, c’est clair… mais on a pas le choix, on subit ! Je me pose pas la question ! »115

Ces enquêtés « fatalistes » sont surreprésentés chez les mères de familles de notre panel, qui doivent assumer la majorité des déplacements liés à l’accompagnement des enfants et ont l’impression de servir de taxi.

- une contrainte subie : enfin, quelques interviewés « souffrent » réellement de la dépendance

à l’automobile, et la ressentent comme une contrainte.

« MH. De façon globale, par rapport à la mobilité, est-ce que vous avez l’impression de

subir votre mobilité, donc d’être obligé de prendre votre voiture, ou est-ce que finalement vous avez quand même l’impression de la maîtriser, et pour vous, vous vivez pas ça comme

une contrainte ?

113 Entretien n°29, Femme, Janvier 2013 114 Entretien n°36, Femme, Novembre 2012

Fabien. … c’est la question d’actualité. Je… pour être très honnête je pense que je suis en train de basculer vers la contrainte. »116

« MH. Quel est votre sentiment par rapport à cette mobilité, est-ce que vous avez

l’impression de la subir, ou de la maîtriser ? Est-ce que pour vous c’est une contrainte, ou…

est-ce que vous vous sentez dépendante ?

Laure. Aujourd’hui je le ressens vraiment comme une contrainte et je la subis. Je serais beaucoup plus… enfin j’appréciais… je fais la comparaison avec ce que j’ai pu vivre par le passé, j’appréciais vraiment de me rendre en fait au travail à vélo, je trouvais ça vraiment confortable.

MH. Et du coup est-ce que vous vous sentez vraiment dépendante de la voiture ? Laure. Ah bah complètement oui ! »117

2. Budget-mobilité et renchérissement des carburants : quel impact