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2 Des résultats à prendre avec circonspection

2.2 Voies alternatives de l’immunité et résistances au cetuximab

L’efficacité du cetuximab en monothérapie suggère l’importance de la stimulation du système immunitaire dans ces conditions. En effet, compte-tenu des différentes voies cytotoxiques de l’immunité, de l’organisation tumorale, la compétition avec les ligands naturels, l’augmentation de l’internalisation et la dégradation de l’EGFR ou le blocage des voies de signalisation intra-cellulaires, ne permettent pas d’expliquer une lyse des cellules tumorales suffisante pour aboutir à une réponse complète, voir partielle.

2.2.1 Les anticorps humains anti-chimériques (HACA)

Le développement d’anticorps humains anti-chimériques (HACA) est un effet de classe des anticorps monoclonaux chimériques. Malgré des données limitées sur l’apparition d’HACAs, globalement des titres mesurables d’HACAs ont été notés chez 3,4% des patients étudiés, avec des taux d’incidence de 0 à 9,6% dans les études effectuées dans l’indication ciblée 114-115.

On ne dispose pas à ce jour de données concluantes sur l’effet neutralisant des HACAs sur le cetuximab. L’apparition d’HACA n’était pas corrélée avec la survenue de réaction d’hypersensibilité ou de tout autre effet indésirable du cetuximab.

2.2.2 Implication des différentes voies cytotoxiques de l’immunité

Trois voies conduisant à la lyse des cellules tumorales peuvent être mises en jeu par le système immunitaire, après fixation de l’anticorps thérapeutique sur l’EGFR (figure 12) :

x L’ADCC est dépendante du génotype des gènes FCGR2A et FCGR3A, d’une part par la mise en jeu des récepteurs correspondants, mais également par la variation de cytotoxicité des cellules effectrices immunes 110,111.

x A l’inverse, la CDC est activée par interaction directe de C1q avec CH2 d’un anticorps, et n’est pas sensible aux génotypes FCGR2A et FCGR3A. De nombreux facteurs tumoraux peuvent aboutir à la résistance contre ce système de l’immunité116.

x La CDCC est activée par C3b, généré par la cascade protéolytique du système CDC, et qui interagit avec le récepteur C3bR (= CR1 – Complement receptor de type I) des macrophages et des cellules NK. Elle est ainsi sous la dépendance, à la fois de polymorphisme impliquant le FCGR3A puisque les macrophages et les NK sont les effecteurs de cette voie, mais également sous la dépendance de l’activation du système CDC. Par ailleurs, le C3bR est spécifique de cette voie. Bien qu’il existe des polymorphismes de ce récepteur, ceux-ci n’ont pas été impliqués dans la variation de réponses aux anticorps monoclonaux thérapeutiques 117.

L’activation préférentielle des différentes voies cytotoxiques est fonction de la nature tumorale 116. L’implication du système CDC est accessoire pour les CE VADS puisque des études expérimentales in vitro et in vivo préliminaires, menées sur différents types tumoraux, n’ont pas permis de mettre en évidence son activation par le cetuximab 97, 119-121.

La voie de l’ADCC est principalement mise en jeu. La réponse clinique doit donc être corrélée au génotype du patient, si ce mécanisme d’action est important dans l’efficacité clinique de cette thérapie ciblée.

2.2.3 Résistances au cetuximab

Les thérapies ciblées ont énormément amélioré la prise en charge des patients atteints de cancer par rapport aux thérapies conventionnelles : elles apportent des réponses partielles ou des stabilités mais certains patients n’en perçoivent aucun bénéfice quand la molécule est utilisée en monothérapie, et développent même des résistances à ces traitements. En effet, malgré la surexpression de l’EGFR et son importance dans la pathogénicité des cancers des VADS, les inhibiteurs de l’EGFR ont un effet limité en monothérapie dans ce type de cancer. Les altérations de l’EGFR, et l’activation constitutive des voies de signalisation en aval comme PI3K/AKT, JAK/STAT et Ras/Raf/MAPK par des mécanismes indépendants tels que des mutations activatrices expliqueraient la survie tumorale malgré l’inhibition de l’EGFR 21.

Ainsi plusieurs mécanismes de résistance ont pu intervenir lors de cette étude afin de nuancer nos résultats, mais n’empêchant pas pour autant l’interprétation de ces derniers si l’on considère une répartition équitable de ces résistances au sein des différents groupes de polymorphisme.

Mais à terme, le but sera donc de prédire ces résistances, ou encore même de les contourner.

2.3

Immunodépression

La différence entre les résultats très prometteurs obtenus in vitro et ceux plus nuancés in vivo, repose également sur l’existence fréquente d’une immunodépression associée. Celle- ci peut être multifactorielle, favorisée par l’altération de l’état général, une chimiothérapie ou bien une radiothérapie associée. Elle aboutit à la limitation des possibilités de recrutement des cellules effectrices, ainsi qu’à la dysfonction des NK.

La cellule NK, est un acteur majeur du système immunitaire dans la surveillance contre le cancer, notamment par son action liée au système ADCC. On peut même dire que l’activité des cellules NK est un facteur pronostic de survie, chez les patients atteint de cancer des VADS122. Ainsi, nous comprenons alors que l’immunodépression importante au cours du traitement par cetuximab puisse interagir avec l’ADCC, indépendamment du polymorphisme

des gènes étudiés. Elle peut constituer un biais important pour l’interprétation des résultats, si elle n’est pas prise en considération.

De ce fait, nous avons su démontrer dans cette étude une variation inter-individuelle de la fonction NK, avec 62,5% de cas de dysfonction qualitative et/ou quantitative chez les patients atteint de cancer des VADS. Pourtant, nous avons obtenu seulement 40,7% de stabilité tumorale. Ainsi, on confirme bien ce biais important de nos résultats sur le polymorphisme des gènes FCGR2A et FCGR3A causé par l’immunodépression des patients en pré-thérapeutique et du dysfonctionnement NK.