• Aucun résultat trouvé

4 Les thérapies ciblées anti-EGFR.

5.2 Utilisation du Cetuximab dans les CE VADS

5.2.1 Association du Cetuximab et de la radiothérapie

5.2.1.1 Données pré-cliniques

L’irradiation d’une population cellulaire produit une cascade d’évènements physique, chimique, biochimique et biologique. Les ions interagissent avec le milieu composé

essentiellement d’eau et produisent des radicaux libres (radiolyse de l’eau) qui sont responsables de la formation d’un grand nombre de lésions de l’ADN : dommages de bases, cassures simples et doubles brins. Puis la cellule active ses mécanismes de réparation de l’ADN, permettant la survie cellulaire en cas de réparation satisfaisante. Si les capacités de réparation sont dépassées, la cellule meurt par mort mitotique ou par apoptose.

En parallèle, l’irradiation va induire au niveau des cellules ciblées une sécrétion autocrine de TGFĮ qui va stimuler les voies de signalisation en aval de l’EGFR. Ce phénomène est impliqué dans le processus de repopulation cellulaire en cours de radiothérapie, favorisant ainsi les échecs thérapeutiques 51,52. Ainsi l’association des anticorps monoclonaux anti-EGFR agit de manière synergique avec les radiations et permet d’augmenter la réponse tumorale à la radiothérapie par le biais de plusieurs mécanismes :

- Une inhibition de la prolifération cellulaire ;

- Un arrêt du cycle cellulaire : l’association des radiations avec le Cetuximab induit

la dérégulation du cycle cellulaire qui permet une diminution du nombre de cellules dans la phase S, qui n’est autre que la phase radiorésistante du cycle cellulaire ;

- L’apoptose radio-induite : le Cetuximab augmente les effets pro-apoptotiques des

radiations sur les cellules tumorales avec perte de clonogénicité, réduction de la prolifération cellulaire et augmentation de la sensibilité des cellules tumorales aux radiations52.

- Une inhibition de la réparation des lésions de l’ADN radio-induites : les

radiations induisent des lésions de l’ADN. Mais ces rayonnements ionisants permettent également une translocation de l’EGFR dans le noyau. Cette concentration d’EGFR nucléaire a été démontrée responsable de l’activation de la DNA-PK (DNA- dependent Protein Kinase), elle-même responsable de l’activation des mécanismes de réparation de l’ADN. L’intérêt de la combinaison des radiations thérapeutiques avec le Cetuximab repose sur le fait que ce dernier empêche la translocation nucléaire de l’EGFR, diminuant ainsi les capacités de réparation de la cellule envers les lésions radio-induites de l’ADN et amenant plus efficacement la mort cellulaire 54.

Figure 14 –Courbes de Kaplan-Meyer comparant la survie globale et le contrôle locorégional entre les bras radiothérapie associé au Cetuximab 55.

5.2.1.2 Efficacité clinique du Cetuximab et de la radiothérapie dans les cancers des VADS localement avancés.

En 2006, la FDA a approuvé grâce à une étude clinique de phase III l’efficacité du Cetuximab en association à la radiothérapie dans le traitement des tumeurs localement avancées des VADS.

L’étude de Bonner et al. 55, est une étude multicentrique et randomisée qui compare la radiothérapie exclusive à la radiothérapie associée au Cetuximab dans le traitement des carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx, de l’hypopharynx ou du larynx, non métastatique de stade III ou IV. L’association montre un bénéfice par rapport à la radiothérapie seule en termes de contrôle locorégional, de taux de survie sans progression et de survie globale (Figure 14). L’association de cet anticorps monoclonal permettait, en outre, une amélioration de 10% du taux de réponse globale au traitement. Aucun bénéfice clinique n’a été démontré chez les patients avec un index de performance de Karnofsky”HWkgés de plus de 65 ans.

En 2010, l’étude complémentaire menée par Bonner et al. 56 (EMR 62 202-006) a permis une actualisation, rapportant les données de survie globale à 5 ans. Elle confirme les résultats initiaux, et fait apparaître que les patients traités par Cetuximab et présentant une toxicité cutanée de grade 2 ou plus (rash cutané) ont une meilleure survie que les patients sans rash ou avec rash de grade 1.

Tableau 3 – Résultats de l’étude de Bonner et al. de phase III comparant Radiothérapie seule (RT) à

l’association Radiothérapie + Cetuximab55,56

Ainsi en 2006, le Cetuximab a obtenu en France l’AMM pour le traitement des patients présentant un carcinome épidermoïde des VADS localement avancé, en association avec la radiothérapie.

Néanmoins, dans cette indication chez les patients inopérables, l’association du Cetuximab à la radiothérapie se place seulement en alternative à la radio-chimiothérapie concomitante à base de sels de platine. Celle-ci reste le Gold Standard conformément à l’étude rétrospective menée par Koutcher et al. 57, en l’absence de résultats disponibles provenant d’une étude de phase III comparant ces deux modalités de traitement.

Notons également ici que, dans ce cadre curatif, plusieurs études ont tenté de mettre en évidence une supériorité de l’association radio-chimiothérapie concomitante à base de sels de platine + Cetuximab, par rapport à la radio-chimiothérapie concomitante conventionnelle. Les résultats en termes de survie globale et de contrôle locorégional semblaient prometteurs, mais ces études ont rapporté une augmentation préoccupante des toxicités dans le bras contenant du Cetuximab, limitant les possibilités de réalisation de telles associations 57-60.

Les résultats de l’essai clinique de phase III RTOG 0522 NCT00265941, comparant radiothérapie/cisplatine versus radiothérapie/cisplatine/cetuximab pour les CE VADS localement avancés, ont été présentés lors du congrès de l’ASCO 2011. Cette étude n’a pas mis en évidence de bénéfice en termes de survie et de réponse au traitement pour le bras recevant la thérapie ciblée. Par contre, il existait une augmentation significative des mucites et des toxicités cutanées dans ce groupe de patients.

RT RT + Cetuximab P

Médiane de contrôle locorégional 14,9 mois 24,4 mois 0,005

Médiane de survie globale 29,3 mois 49 mois 0,03

Taux de réponse globale 64% 74% 0,02

Médiane de survie sans progression 12,4 mois 17,1 mois 0,006

Taux de survie sans progression à 3 ans 31% 42% 0,04