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B La voie des pentoses phosphates : un rôle central dans la régulation redox cellulaire

Chapitre III. Identification de marqueurs moléculaires des réponses de

III. B La voie des pentoses phosphates : un rôle central dans la régulation redox cellulaire

Parmi les voies métaboliques impliquées dans les réponses de défense de L. digitata, la voie des pentoses phosphates semble occuper une place importante. En effet, les gènes codant les deux premières enzymes de la voie et qui en constituent le tronçon limitant, la glucose-6-phosphate deshydrogénase (G6PDH) et la 6-phosphogluconate deshydrogénase (6PGDH), ont été clairement identifiés comme induits lors de la réponse aux oligoguluronates. Un ADNc codant une G6PDH et deux ADNc codant une 6PGDH ont été identifiés dans la banque soustractive, avant d'être à nouveau révélés par l'approche macroarrays. Les expériences de PCR Quantitative montrent la surexpression de la G6PDH à 3 heures, suivi de l'induction de la 6PGDH-2 à 6 heures chez les algues sauvages. La cinétique d'induction des deux gènes peut trouver une cohérence dans l'intervention successive des deux enzymes lors de la synthèse du glucose-6-phosphate.

Les G6PDH et 6PGDH sont des enzymes très conservées au cours de l’évolution et plusieurs isoformes chloroplastiques, cytosoliques et péroxysomales, ont été caractérisées chez différentes espèces végétales (Corpas et coll., 1998, Redinbaugh et Campbell, 1998, Wendt et coll., 2000). A l’encontre des résultats déjà publiés chez L. digitata (Moulin et coll., 1999), indiquant l’existence d’un seul gène codant une 6PGDH, ce travail a permis d’identifier 2 ADNc, 6PGDH-1 et 6PGDH-2, codant deux isoformes différentes. Le séquençage de différents clones représentatifs de ces 2 gènes putatifs a montré i) que l’ADNc

6PGDH-1 correspond à l’ADNc complet identifié auparavant dans la banque de sporophyte de L. digitata, AW400526 (Moulin et coll., 1999) et ii) que la séquence de l’ADNc 6PGDH-2 est distincte, bien qu’elle corresponde essentiellement à la région 3’ non traduite. La surreprésentation de l’ADNc 6PGDH-2 dans les banques correspondant à des états de stress (protoplaste et SSH) et son induction en réponse aux oligoguluronates montrent une régulation différentielle des 2 gènes (Tableau 10).

Tableau 10 : Identification de deux ADNc codant des 6PGDH différentiellement impliquées dans les réponses au stress

6PGDH-1 6PGDH-2

Banques EST clones Nb Représentant clones Nb Représentant

Sporophyte + AW400526 (Sest024) -

Protoplaste 2 CN466563 (Pld1F10) 17 CN467500 (Pld13C09)

SSH 1 7

Induction de l’expression par les GG

Plantules sauvages - +

Plantules de culture + +

Chez les plantes, l’implication des enzymes de la voie des pentoses phosphates dans les interactions hôte-pathogène ou suite à l’élicitation est décrite depuis longtemps, sans pour autant distinguer les différentes isoformes. Il a été cependant montré que les gènes codant les G6PDH cytosolique et chloroplastique sont différentiellement exprimés dans une culture cellulaire de persil après élicitation (Batz et coll., 1998). Une régulation différente par le nitrate des isoformes de 6PGDH chez le maïs a également été mise en évidence (Redinbaugh et Campbell, 1998). Ces études confortent assez bien notre hypothèse de l’existence de deux isoformes de 6PGDH et d’une régulation fine de ces isoformes en fonction des facteurs environnants.

Suite à l’élicitation, une des premières réponses de L. digitata est la production d’un burst oxydant. L’inhibition au moins partielle de ce burst par le DPI suggère qu’une NADPH oxydase est impliquée dans la génération du peroxyde d’hydrogène. L’activation de la voie des pentoses phosphates au niveau transcriptionnel pourrait être ainsi directement liée à la nécessité de produire du NADPH pour alimenter la NADPH oxydase, comme cela a été montré dans le système tabac / cryptogéine. En effet, dans ce système, l’activité de la NADPH oxydase est complètement dépendante de la synthèse de novo de NADPH, via la voie des

pentoses phosphates (Pugin et coll., 1997). Cependant, la cinétique considérée dans cette étude ne permet pas d’infirmer cette hypothèse, dans la mesure où le burst est consécutif à l’élicitation et que l’induction des gènes codant les G6PDH et 6PGDH est observée à partir de 3 heures. Il est cependant possible que ces gènes soient induits plus précocement et n’aient pas pu être mis en évidence par la cinétique étudiée.

Les espèces activées de l’oxygène sont toxiques pour le pathogène, mais également pour la plante, qui doit rapidement les éliminer. Les plantes supérieures possèdent ainsi de nombreux systèmes de détoxication, enzymatiques ou non (Mittler, 2002), qui sont dans bien des cas consommateurs de NADPH. L’induction des gènes de la voie des pentoses phosphates chez L. digitata pourrait être ainsi liée à l’activation des processus de détoxication.

Les EAO endommagent rapidement les différentes structures cellulaires, protéiques, lipidiques et nucléiques (Lamb et Dixon, 1997). Ainsi, il n’est pas rare d’observer au cours de stress biotiques ou abiotiques une diminution de l’activité photosynthétique, en partie due aux effets délétères des EAO. Or chez les plantes, la principale source de NADPH provient de la photosynthèse. Lorsque l’appareil photosynthétique est endommagé, la cellule doit se tourner vers d’autres voies métaboliques pour générer son pouvoir réducteur. Chez les animaux, la voie des pentoses phosphates est la source principale de NADPH, voire unique pour certains types cellulaires. Ainsi, l’extinction du gène codant la G6PDH rend les cellules animales sensibles au H2O2, sans toutefois affecter la synthèse des pentoses phosphates (Pandolfi et

coll., 1995). Chez les plantes, l’expression des transcrits codant les enzymes de la voie des pentoses phosphates a également été décrite en réponse au stress biotique (Fahrendorf et coll., 1995) ou abiotique (Huang et coll., 2003, Nemoto et Sasakuma, 2000), sans que pour autant le lien direct avec le stress oxydant ne soit établi. Récemment, il a été montré que sous certaines conditions expérimentales, des plants de tabac déficients à la fois en APX et CAT sont moins sensibles au stress oxydant que les plantes où un seul des deux gènes a été délété. Ces plants présentent une activité photosynthétique réduite, une nette surexpression de plusieurs gènes codant des enzymes de la voie des pentoses phosphates (transaldolase (TA), transketolase (TK), et ribulose-5-phosphate-isomerase) ainsi que du gène codant la monodehydroascrobate réductase. Les auteurs proposent que l’augmentation de l’activité de la voie des pentoses phosphates permet de produire un supplément de NADPH nécessaire à la régénération de l’acide ascorbique par la monodehydroascrobate réductase. Ainsi, chez ces plants de tabac, la détoxication du peroxyde d’hydrogène pourrait être assurée par un système non enzymatique, l’acide ascorbique.

La surexpression des gènes codant les deux enzymes clés de la voie des pentoses phosphates chez L. digitata suite à l’élicitation par les oligoguluronates vient soutenir l’hypothèse que le premier rôle physiologique de ces enzymes serait de fournir le pouvoir réducteur nécessaire à la détoxication des EAO produites au cours des réponses de défense (Figure 49).

Figure 49 : La voie des pentoses phosphates, un rôle clé dans le métabolisme

La voie des pentoses phosphates est activée au niveau transcriptionnel par les oligoguluronates chez L. digitata. Le NADPH produit pourrait alimenter l’activité de la NADPH oxydase. La voie des pentoses phosphates fournirait également le pouvoir réducteur nécessaire à la détoxication des espèces activées de l’oxygène (EAO) ainsi qu’aux nombreuses réactions d’oxydoréduction des différentes voies métaboliques. Elle conduirait également à la formation de plusieurs précurseurs de voies métaboliques importantes, conduisant à la biosynthèse des acides nucléiques ou de métabolites de défense.

Détoxication EAO VOIE DU SHIKIMATE Chorismate Phenylalanine VOIE DES PHENYLPROPANOIDES BIOSYNTHESE DES ACIDES NUCLEIQUES POUVOIR REDUCTEUR NADP NADPH G6PDH 6PGDH Glucose-6-phosphate 6 phosphogluconolactone 6 phosphogluconate Ribulose-5-phosphate NADP NADPH Erythrose-4-phosphate VOIE DES PENTOSES PHOSPHATES Régulation / Activation de la transcription METABOLITES SECONDAIRES DE DEFENSE Réactions d’oxydoréduction dans les différentes voies métaboliques Activation

Au-delà de son rôle majeur de générateur de NADPH pour la cellule, la voie des pentoses phosphates génère de nombreux intermédiaires clés dans d’autres voies de biosynthèses essentielles (Figure 49). Par exemple, le ribulose-5-phosphate est le précurseur des nucléotides, et en ce sens l’activation de la voie des pentoses phosphates apporterait sa contribution à la régulation de la transcription observée suite à l’élicitation.

Chez les plantes, elle produit également l’erythrose-4-phosphate qui est avec le phosphoenolpyruvate, le précurseur de la voie du shikimate, impliquée dans la biosynthèse des acides aminés aromatiques. La phénylalanine constitue la porte d’entrée de la voie des phénylpropanoïdes, qui génère de nombreux composés impliqués dans les réponses de défenses, comme les phytoalexines, l’acide salicylique ou encore la lignine, impliquée dans le renforcement pariétal (Weaver et Herrmann, 1997).

Pour l’instant aucune EST codant des enzymes impliquées dans la voie du shikimate ou des phénylpropanoïdes n’a été isolée dans les différentes banques de L. digitata. Or dans la très grande majorité des systèmes hôte-pathogène étudiés chez les plantes, l’induction des gènes codant les enzymes principales de ces voies a été mise en évidence (Somssich et Hahlbrock, 1998). Un premier criblage rapide des banques EST de macroalgues a permis d’identifier plusieurs gènes impliqués dans ces deux voies métaboliques chez P. yezoensis et E. siliculosus (Tableau 4, chapitre Introduction), laissant supposer que ces gènes sont également présents chez L. digitata, mais que le faible nombre d’EST ne nous a pas encore permis d’y accéder. La synthèse de composés phénoliques impliquant la voie des phénylpropanoïdes avec une activité phénylalanine ammonia-lyase en réponse à une agression pathogène a d’ailleurs été mise en évidence chez l’algue rouge C. crispus (Bouarab, 2000, Bouarab et coll., 2004). Chez L. digitata, l’accumulation de composés autofluoresents sous UV est observée après élicitation par les oligoguluronates, mais également au site de pénétration de l’endophyte Laminariocolax. Il s’agirait de composés aromatiques, tels que des phlorotannins, qui sont des polyphénols spécifiques des algues brunes (Küpper et coll., 2002). La voie des phénylpropanoïdes est responsable de la synthèse de nombreux composés phénoliques solubles, dont certains ont une activité antimicrobienne (les phytoalexines), mais aussi de composés phénoliques liés à la membrane, jouant un rôle dans le renforcement pariétal. La paroi des algues brunes est d’ailleurs naturellement très riche en polyphénols. Pour l’ensemble des ces raisons, les algues brunes pourraient produire des composés de défense issus de la voie des phénylpropanoïdes.

L’activation préliminaire de la voie des pentoses phosphates chez L. digitata pourrait d’une part servir à alimenter la NADPH oxydase en NADPH afin de permttre la mise en place du burst oxydant. La génération du pouvoir réducteur pourrait d’autre part être nécessaire aux nombreuses réactions d’oxydo-réduction cellulaires, entre autres celles intervenant dans la détoxication des EAO et celles des voies de biosynthèse des composés de défense. Enfin, cette activation de la voie des pentoses phosphates pourrait contribuer à la production des précurseurs indispensables à ces voies de biosynthèse.