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Chapitre III. Identification de marqueurs moléculaires des réponses de

II. B Phénomène de potentialisation

L’ensemble de ces résultats, physiologiques et transcriptomiques, montre que les plantules sauvages et de culture n’ont pas la même capacité à répondre au stress biotique mimé par l’élicitation par les oligoguluronates.

Au contraire des plantules de culture, qui semblent avoir des difficultés à faire face au stress oxydant, les plantules sauvages sont capables d’éliminer rapidement le peroxyde d’hydrogène émis au cours du burst oxydant. Le peroxyde d’hydrogène peut donc dans un premier temps jouer son rôle de messager et induire des cascades de signalisation cellulaire sans affecter l’intégrité cellulaire (Doke et coll., 1996, Laloi et coll., 2004b, Levine et coll., 1994, Orozco-Cardenas et coll., 2001). Les algues de culture se montrent quant à elles incapables d’activer les mécanismes de détoxication et le peroxyde d’hydrogène produit s’accumule à de fortes concentrations, devenant toxique pour l’algue. Au niveau transcriptionnel, les algues sauvages s’avèrent aussi avoir une réponse plus efficace que les algues de culture, dans la mesure où l’induction des gènes de défense est plus rapide et plus intense. Elle est aussi moins coûteuse en énergie, puisqu’elle pourrait nécessiter un moindre nombre de gènes et que les inductions sont de courtes durées. L’ensemble de ces observations

n’est pas sans rappeler un certain nombre d’aspects du phénomène de potentialisation décrit chez les plantes supérieures.

La potentialisation, correspondant à un état d’alerte, “ priming ” en anglais, décrit une augmentation de la résistance d’une plante à de nombreux agents pathogènes, qui est directement liée à l’augmentation de sa capacité à activer ses réponses de défense. L’état de potentialisation peut être induit par des agents nécrotiques et est alors dénommé Resistance Systémique Acquise, SAR en anglais. Il peut aussi être déterminé par colonisation racinaire de bactéries non pathogènes et dans ce cas, il est dénommé Résistance Sytémique Induite, ISR en anglais. L’état de potentialisation peut également être activé par l’exposition à de nombreuses molécules naturelles, comme l’acide salicylique, ou synthétiques, comme l’acide dichloroisonicotinique (INA) ou le benzothiadiazole (BTH), qui sont tous les deux des analogues de l’acide salicylique. Les réponses de défense qui sont activées incluent entre autres la réponse hypersensible, dite HR en anglais, le renforcement pariétal, le burst oxydant et l’expression de nombreux gènes de défense (Conrath et coll., 2002) (Figure 45). L’état de potentialisation se traduit par une activation plus forte et/ou plus rapide des réponses de défense lors d’une deuxième confrontation avec un agent pathogène et non par la mise en place de nouvelles réponses (Conrath et coll., 2006).

Figure 45 : Phénomène de potentialisation chez les plantes supérieures

Chez les plantes, le traitement avec l’acide salicylique (SA), l’acide β-aminobutyrique (BABA), l’acide dichloronicotinique (INA) ou le benzothiadiazole (BTH) prépare les cellules à réagir plus rapidement et plus efficacement à des agressions pathogènes ultérieures. Les cellules ainsi mise en état de veille sont également mieux protégées contre les stress abiotiques tels que le broutage ou les stress osmotique et thermique. A) Mise en état d’alerte, ‘Priming’ B) Exposition secondaire à un stress biotique ou abiotique C) Potentialisation des réponses. Figure adaptée de Conrath et coll., (2002).

Eliciteur Pathogène Stress Osmotique Température Blessure Pathogène BABA, SA, INA, BTH, Rhizobacterie

Potentialisation des réponses de défense

Induction des gènes de défense Synthèse de composés antimicrobiens

Renforcement pariétal Burst oxydant A B C ETAT de VEILLE ‘ Priming ’ B

Chez les plantules sauvages de L. digitata, on retrouve cette induction plus forte et plus rapide des réponses de défense, avec une augmentation de la capacité à gérer le burst oxydant et une régulation plus rapide et plus intense des gènes de défense identifiés. Par ailleurs, l’état de potentialisation chez les plantes supérieures fait état d’un renforcement pariétal, qui sert de barrière physique aux invasions pathogènes (Bradley et coll., 1992). Bien que celui n’ait pas été quantifié, nous avons pu systématiquement constater que la paroi des algues de culture était beaucoup plus fine et plus facile à casser lors des étapes de broyage nécessaires à l’extraction des ARNs. L’ensemble de ces observations suggère fortement l’existence d’un état de potentialisation des algues sauvages par rapport aux algues de culture. L’existence de cette différence d’état entre les deux types d’algues, bien qu’il n’ait jamais été montré aussi clairement, n’a en fait rien de surprenant. Les algues sauvages sont récoltées au sein de populations naturelles soumises à la variation de nombreux facteurs abiotiques du fait de leur environnement marin (salinité, luminosité, immersion/émersion …). Elles sont également soumises à la pression d’agents pathogènes, de bactéries alginolytiques et de nombreux brouteurs. Ainsi, les plantules sauvages au contraire des plantules de culture sont continuellement confrontées à de nombreux stress biotiques et abiotiques. Elles ont dû acquérir une sorte d’état de potentialisation afin de mieux survivre dans un environnement, bien plus hostile que le milieu contrôlé des ballons de culture.

Toutefois, les plantules sauvages considérées dans cette étude sont de petite taille, relativement jeunes, non épiphytées et indemnes de blessures visibles. Elles ont été relativement moins soumises aux nombreux stress biotiques et abiotiques que leurs consœurs plus âgées, au pied desquelles elles ont été récoltées. Les plantes adultes émettent par ailleurs des quantités importantes de COHV qui pourraient être les acteurs de la signalisation conduisant à la mise en place d’un état d’alerte chez les plantules plus jeunes. Une telle communication chimique par des composés volatils est décrite chez les plantes.

Suite à une blessure ou à une agression par un herbivore, les plantes émettent des composés organiques volatils (COV). Certains ont un pouvoir attractant pour des prédateurs ou des parasites naturels de leur agresseur et permettent ainsi à la plante de s’en débarrasser (Pare et Tumlinson, 1999). D’autres ont le rôle d’alerter les plantes voisines et d’augmenter leur résistance à une éventuelle agression (Baldwin et Schultz, 1983). Certaines études montrent que la résistance à la maladie induite par les COV entre plantes voisines est réalisée via un phénomène de priming. Par exemple, chez le maïs, l’état de potentialisation induit par les COV se traduit par une augmentation de l’expression des gènes de défense corrélée à une

diminution de l’appétence pour la chenille et par une production accrue de terpènes et aromatiques volatils corrélée à l’attractivité du parasite de la chenille (Engelberth et coll., 2004).

La comparaison plantules de culture-plantules sauvages a montré de nettes différences dans la mise en place du burst oxydant et dans la régulation du transcriptome suite à l’élicitation. Un phénomène de potentialisation des réponses de défense pourrait exister chez les plantules sauvages et les COV, dont une grande quantité de composés halogénés, pourraient être les acteurs de la communication chimique assurant cette mise en état d’alerte. L’avantage d’utiliser des plantules de culture afin de maîtriser au mieux l’état physiologique des algues, de minimiser l’influence des facteurs extérieurs et de standardiser les expériences, a vu son intérêt quelque peu réduit. Dans l’objectif d’étudier les interactions hôte-pathogène dans un contexte écologique ou physiologique, il sera préférable à l’avenir de travailler avec des plantules sauvage récoltées dans des populations naturelles.

III. Ce qu’indique la régulation des gènes sur les voies