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IV. Deux caractéristiques des fruits de bananier : la réponse à l’éthylène et le

2. La voie de l’éthylène

a) Le contrôle de la biosynthèse de l’éthylène

La première étape de la biosynthèse de l’éthylène consiste à synthétiser du SAdénosylméthionine (SAdoMet) via le cycle de Yang. Ce SAdoMet va être transformé en acide 1 -aminocyclopropane-1-carboxylique (ACC) par l’ACC synthase (ACS) puis oxydé en éthylène par l’ACC oxydase (ACO) (Yang & Hoffman, 1984). Le contrôle de la biosynthèse de l’éthylène est réalisé par ces deux enzymes clefs codées par des familles multigéniques chez les plantes supérieures (Zarembinski & Theologis 1994). Chez les plantes, deux systèmes de régulation de la biosynthèse de l’éthylène ont été identifiés (McMurchie et al., 1972). Le système 1 est fonctionnel au cours de la croissance végétative des plantes, auto-inhibé par l’éthylène et responsable de la production basale de l’éthylène dans tous les tissus dont les fruits non mûrs. A l’inverse, le système 2 n’est fonctionnel qu’au cours de la maturation des fruits climactériques et de la sénescence des pétales. Ce système est positivement contrôlé par l’éthylène et nécessite l’induction des gènes ACS et ACO (Oetiker & Yang, 1995; Lelièvre et

al., 1997; Nakatsuka et al., 1998; Bleecker & Kende, 2000; Inaba et al., 2007). Chez la

Figure 13. Modèle simplifié de la voie de signalisation de l’éthylène chez A. thaliana

Cu2+, cation de cuivre ; ER, réticulum endoplasmique ; ETR1, ETR2, ERS1, ERS2 et EIN4, récepteurs de l’éthylène ; RAN1, responsive-to-antagonist 1 ; RTE1, reverse-to-ethylene sensitivity 1 ; CTR1, constitutive triple response 1 ; EIN2, ethylene insensitive 2 ; EIN3, ethylene insensitive 3 ; EIL1, EIN3-like 1 ; EBS, site de liaison des EIN3/EIN3-like sur l’ADN ; EBF, EIN3-binding F-box ; ERF1, ethylene response factor 1 ; SCF, Skp, Cullin, F-box complexe (Zhao & Guo, 2011).

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d’acquisition de l’aptitude à mûrir où le système 2 se met en place (Barry et al., 2000). La transition entre les deux systèmes de régulation est causée par un changement de sensibilité des fruits à l’éthylène suite à l’exposition continue des fruits au système 1. Cependant, les fruits peuvent initier le système 2 sans cet effet cumulatif du système 1 chez la tomate (Yokotani et al., 2009).

b) La voie de signalisation de l’éthylène

Chez la majorité des plantes, l’éthylène induit une réponse morphologique appelée la « triple réponse » caractérisée par i) une courbure exagérée du crocher apical, ii) un grossissement de l’hypocotyle et iii) une inhibition de l’élongation de l’hypocotyle et de la racine (Guzman & Ecker, 1990). La caractérisation des gènes mutés chez les mutants insensibles ou partiellement insensibles à l’éthylène (pas de « triple réponse » ou réponse incomplète) et de mutants présentant de manière constitutive cette réponse sans application d’éthylène (en particulier chez A. thaliana et la tomate) a permis d’identifier les gènes impliqués dans la voie de signalisation de l’éthylène (Figure 13).

Chez A. thaliana, l’éthylène est perçu par une famille de cinq récepteurs correspondant à des protéines membranaires (revue par Shakeel et al., 2013). En condition normale (niveau d’éthylène habituellement faible), les récepteurs de l’éthylène agissent comme régulateurs négatifs de la signalisation en activant un régulateur négatif, une protéine kinase CTR1 (constitutive triple response 1), à travers une interaction physique directe à la fois chez A.

thaliana (Kieber et al., 1993) et chez la tomate (Leclercq et al., 2002). Cette répresssion de la

voie est levée lors de la liaison de l’éthylène aux récepteurs. La protéine RAN1 (response-to-antagonist 1) est essentielle pour la formation des récepteurs d’éthylène (Binder et al., 2010) et la protéine RTE1 (reversion-to-ethylene sensitivity 1) est impliquée dans la fonction d’au moins un récepteur chez A. thaliana nommé ETR1 (ethylene response 1) (Resnick et al., 2008).

En présence d’éthylène, les récepteurs inactivent CTR1 permettant l’activation de la voie de signalisation. La protéine EIN2 (ethylene insensitive 2), une protéine liée au réticulum endoplasmique (Alonso et al., 1999), va alors libérer son domaine C-terminal qui va migrer vers le noyau de la cellule (Qiao et al., 2012; Wen et al., 2012). Ce domaine va alors pouvoir activer directement ou indirectement les facteurs de transcription de type EIN3 (ethylene insensitive 3)/EIL (EIN3-like) qui initient les réponses transcriptionnelles de l’éthylène (Chao

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à des éléments spécifiques dans les régions promotrices des gènes codant les facteurs de réponses à l’éthylène (ERF). Les ERF appartiennent à une sous-famille de la superfamille des facteurs de transcription APETALA2/ethylene-responsive element binding proteins (AP2/EREBP). Ces ERF sont à l’origine de l’induction des réponses éthyléniques en se liant aux boîtes GCC (GCCGCC) contenues dans les promoteurs de nombreux gènes cibles de l’éthylène (Ohme-Takagi & Shinshi, 1995). Une régulation additionnelle se déroule au niveau post-transcriptionnel faisant intervenir les protéines EBF (EIN3-binding F-box). Les protéines EBF sont des composants des complexes SCF (Skp, Cullin, F-box containing) impliqués dans la dégradation des protéines via le système du protéasome. Les EBF interagissent physiquement avec les protéines EIL et régulent leur taux de dégradation (Guo & Ecker, 2003; Potuschak et al., 2003; Gagne et al., 2004). Chez A. thaliana, le riz et la tomate, deux EBF fonctionnelles ont été identifiées (Binder et al., 2007; Rzewuski & Sauter, 2008; Yang et

al., 2010).

c) La voie de l’éthylène chez le bananier

Les fruits des bananiers sont caractérisés par un faible contenu d’ACC lors des stades pré-climactériques puis une augmentation rapide de ce contenu après le pic de production endogène d’éthylène suivi d’un déclin graduel et continu au cours de la maturation des fruits (Yang & Hoffman, 1984; Liu et al., 1999). Les bananes sont aussi caractérisées par une augmentation progressive de l’activité de l’enzyme ACO au cours des phases pré-climactériques puis une augmentation soudaine et une chute de celle-ci corrélée avec le pic de production de l’éthylène endogène (Liu et al., 1999). Dans le cas d’une maturation induite par un traitement éthylénique exogène, le contenu en ACC va augmenter dans les fruits entre 2 et 4 jours après le traitement et soit va rester élevé jusqu’à ce que les fruits soient complètement mûrs (Liu et al., 1999), soit va rapidement chuter après son pic (Pathak et al., 2003). L’activité ACO augmente rapidement et fortement juste après le traitement mais diminue très rapidement par la suite pour revenir à son niveau basal. Si l’activité ACO est détectable (à faible niveau) dans les bananes pré-climactériques, l’activité ACS n’est pas détectable dans la pulpe des bananes non mûres. Cette activité est détectée après l’induction de la maturation par un traitement éthylène exogène (Pathak et al., 2003). Des études sur des accessions triploïdes (AAA) du sous-groupe ‘Cavendish’ ont permis l’identification de gènes de bananiers impliqués dans la voie de l’éthylène. Deux gènes ACO et quatre gènes ACS ont été identifiés par amplification d’ADN complémentaires (Liu et al., 1999; Pathak et al., 2003; Huang et al.,

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2006; Inaba et al., 2007; Choudhury et al., 2008) dont MaACS1 caractérisé potentiellement comme spécifique des fruits et dont l’expression est fortement corrélée avec la production endogène d’éthylène par les fruits. Une partie des gènes impliqués dans la voie de signalisation de l’éthylène chez le bananier a aussi été identifiée. Concernant la perception de l’éthylène, trois gènes codant pour les récepteurs (ERS) ont été clonés (Yan et al., 2011). Un gène CTR1-like (Hu et al., 2012), cinq gènes EIL (Mbéguié-A-Mbéguié et al., 2008), deux gènes EBF (Chen et al., 2011; Kuang et al., 2013) et 15 gènes ERF (Xiao et al., 2013) impliqués dans la transduction du signal ont aussi été identifiés. Ces données moléculaires sont encore parcellaires et aucune approche globale à l’échelle du génome ne pouvait être réalisée. Les données de séquence du génome du bananier et de séquençages profonds de transcriptomes de fruits représentent une ressource biologique importante afin d’identifier l’ensemble des composantes moléculaires de la voie de l’éthylène chez le bananier ainsi que les bases moléculaires du processus de maturation des fruits en lien avec la réponse à l’éthylène.