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IV. Deux caractéristiques des fruits de bananier : la réponse à l’éthylène et le

3. Le métabolisme de l’amidon

a) Généralités sur l’amidon

L’amidon est un polysaccharide composé de deux homopolymères (amylose et amylopectine) constitués de chaînes de molécules de D-Glucose liées entre elles par des liaisons glycosidiques alpha 1,4 et alpha 1,6. L’amylose est légèrement ramifiée avec de courtes branches et ses chaînes forment des simples hélices, alors que l’amylopectine (aussi appelée isoamylose) est une molécule très ramifiée avec de longues branches par l’intermédiaire des liaisons glycosidiques alpha 1,6 formant une structure en doubles hélices (Zeeman et al., 2010). L’amylose est synthétisée à l’intérieur de la matrice formée par l’amylopectine et l’association des différents polymères forme une structure appelée granule d’amidon qui est très dense et stable (Denyer et al., 2001). L’amidon est vital pour l’alimentation humaine (50% des calories journalières) mais aussi en termes industriels pour ses nombreuses applications dans l’industrie du papier, du textile et pharmaceutique (Streb & Zeeman, 2012). L’amidon est le principal polysaccharide de stockage et joue un rôle crucial chez les plantes. Il est produit dans les chloroplastes des feuilles par la photosynthèse puis est dégradé au cours de la nuit pour la respiration des feuilles ainsi que pour sa conversion en

Figure 14. Modèle simplifié du métabolisme de l’amidon dans les feuilles d’A. thaliana

La synthèse de l’amidon se déroule durant les phases diurnes tandis que la dégradation et la conversion en sucres se passent au cours des phases nocturnes. Fru6P, fructose-6-phosphate ; Glc6P, glucose-6-phosphate ; Glc1P, glucose-1-phosphate ; ADPGlc, ADPGlucose ; Mal, maltose ; Glc, glucose ; PGI, phosphoglucose isomerase ; PGM, phosphoglucose mutase ; AGPase, ADPGlc pyrophosphorylase ; GBSS, granule-bound starch synthase ; SS, soluble starch synthase ; SBE, starch branching enzyme ; DBE, debranching enzyme ; ISA, isoamylase ; GWD, alpha-glucan water dikinase ; PWD, phosphoglucan water dikinase ; SEX4 et LSF2, phosphoglucan phosphatases ; AMY, alpha-amylase ; BAM, béta-alpha-amylase ; DPE, disproportionating enzyme ; PHS, starch phosphorylase ; ATP, adénosine triphosphate ; AMP, adénosine monophosphate ; Pi, phosphate inorganique ; CO2, dioxyde de carbone (Stitt & Zeeman, 2012).

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saccharose qui est exporté dans le reste de la plante (Zeeman et al., 2007b). Dans les organes non-photosynthétiques, le saccharose peut être converti en amidon pour un stockage à long terme, souvent à un niveau important, dans des plastes spécialisés nommés amyloplastes (comme dans les grains de céréales et des légumineuses, les fruits des bananiers ou les tubercules des pommes de terre). Cet amidon de stockage est alors remobilisé lors des phases de développement de la plante telle que la germination (Fincher, 1989).

b) La biosynthèse de l’amidon

La synthèse d’amidon requiert l’action coordonnée d’un complexe enzymatique. Chez les plantes supérieures, le substrat pour la biosynthèse d’amylose et d’amylopectine est l’adénosine diphosphoglucose (ADP-glucose). Cet ADP-glucose provient de la réaction enzymatique catalysée par la glucose-1-phosphate adenylyltransferase (aussi appelée ADP-glucose pyrophosphorylase ou AGPase ; EC 2.7.7.27) qui utilise l’adénosine triphosphate (ATP) et l’alpha-D-glucose-1-phosphate (α-D-glucose-1P) comme substrats. Toutes les étapes jusqu’à la synthèse du glucose-1P sont réversibles et l’entrée irréversible dans la synthèse d’amidon est l’étape catalysée par l’AGPase qui représente donc l’étape limitante pour la synthèse d’amidon (Figure 14; Nakamura, 2002; Zeeman et al., 2010). Les AGPases sont des enzymes hétérotétramériques composées de deux petites sous-unités (fonctions catalytiques) et deux grandes sous-unités (fonctions régulatrices) encodées par une petite famille multigénique avec des sous-unités tissus-spécifiques chez A. thaliana (Lin et al., 1988a,b; Crevillén et al., 2003; Ventriglia et al., 2008). Les grandes sous-unités sont codées par quatre gènes chez A. thaliana dont deux peuvent coder pour des sous-unités catalytiques en l’absence de petites sous-unités fonctionelles (Ventriglia et al., 2008).

La biosynthèse de l’amylopectine (70 à 80% de l’amidon des plantes) implique la coordination des activités de plusieurs enzymes dont les starch synthases solubles (SS ; EC 2.4.1.21), les starch branching enzymes (SBE ; EC 2.4.1.18) et les starch debranching enzymes (DBE ; EC 3.2.1.68 3.2.1.41) (Figure 14). Les starch synthases ont été divisées en cinq sous-classes à partir de leurs séquences en acides aminés, dont quatre sous-classes de SS (SS1, SS2, SS3 et SS4) et une classe de granule-bound starch synthases (GBSS) (Patron & Keeling, 2005; Leterrier et al., 2008). Les SS catalysent les transferts de glucose à partir de l’ADP-glucose aux extrémités des chaînes de glucoses via des liaisons alpha 1,4 (Recondo & Leloir, 1961; Delvallé et al., 2005; Szydlowski et al., 2009). Des études sur des mutants d’A.

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d’amidon suggèrent que chaque type de SS prolonge préférentiellement les chaînes de molécules de glucose en fonction de leur taille (lire pour revue Streb & Zeeman, 2012). Les branching enzymes (SBE et DBE, les DBE incluent les isoamylases (ISA), Figure 14) sont des glucanotransférases (EC 2.4.1.18) qui créent des points de ramifications via des liaisons alpha 1,6 (Streb & Zeeman, 2012).

La synthèse d’amylose (représentant environ 20 à 30% de l’amidon des plantes) est linéaire et est principalement catalysée par les GBSS aussi appelées WAXY (Tsai, 1974). Chez A. thaliana, la pomme de terre, le maïs, le blé et le riz, un gène (nommé WAXY ou

GBSS1) a été identifié pour être impliqué dans la synthèse d’amylose (Klösgen et al., 1986;

Leij et al., 1991; Hirano & Sano, 1991; Vrinten & Nakamura, 2000; Szydlowski et al., 2011). A l’inverse des SS qui sont essentiellement localisées dans le stroma des chloroplastes, les GBSS sont spécifiquement localisées dans les granules et sont impliquées spécifiquement dans la synthèse d’amylose (Denyer et al., 2001; Szydlowski et al., 2011).

c) La dégradation de l’amidon

Si la biosynthèse de l’amidon est conservée au sein des plantes supérieures, la dégradation de celui-ci peut être différente en fonction des espèces mais aussi entre les organes d’une même plante (Smith et al., 2005). Actuellement, deux modèles différents du métabolisme de l’amidon ont été décrits dans la littérature, un au cours de la germination des graines de céréales et l’autre au cours de la mobilisation de l’amidon stocké dans les feuilles pendant les périodes nocturnes (Zeeman et al., 2007a).

La dégradation de l’amidon débute avec des étapes de phosphorylations et déphosophorylations. Les alpha-glucan water dikinases (GWD ; EC 2.7.9.4) et phosphoglucan water dikinases (PWD ; EC 2.7.9.5) phosphorylent les résidus de glucose de l’amylopectine (Lorberth et al., 1998; Viksø-Nielsen et al., 2001; Yu et al., 2001; Mikkelsen et al., 2004, 2005; Baunsgaard et al., 2005) alors que les phosphoglucan phosphatases (EC 3.1.3.-) déphosphorylent ces mêmes résidus (Kötting et al., 2009; Comparot-Moss et al., 2010; Santelia et al., 2011). Ces étapes préliminaires sont essentielles afin de solubiliser la surface des granules permettant l’accès des hydrolases aux chaînes de glucoses (Zeeman et al., 2010). L’hydrolyse de ces chaînes est catalysée principalement par les béta-amylases (BAM ; EC 3.2.1.2) qui sont des exo-amylases agissant exclusivement sur les chaînes de glucose liées en alpha 1,4 en libérant du béta-maltose à partir de l’amylose et de l’amylopectine. L’hydrolyse de l’amylopectine par les BAM est stoppée lorsque le système enzymatique rencontre un

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point de ramification car les BAM sont incapables de couper les liaisons alpha 1,6. Chez A.

thaliana, certaines BAM n’auraient pas d’activité enzymatique comme BAM4 qui est

cependant nécessaire pour la dégradation de l’amidon (Fulton et al., 2008). Une des explications avancées est que BAM4 faciliterait la dégradation de l’amidon en se liant à l’amylopectine et à l’amylose et en intéragissant avec d’autres enzymes de dégradation de l’amidon (Li et al., 2009a). Les alpha-amylases (AMY ; EC 3.2.1.1) sont des endo-amylases, essentiellement trouvées dans les tissus de réserve, qui agissent sur les liaisons glycosidiques alpha 1,4 de l’amidon (Beck & Ziegler, 1989; Fincher, 1989). Chez A. thaliana, trois gènes codant des AMY ont été identifiés dans le génome mais un seul (AMY3) code pour une protéine impliquée dans la dégradation des polysaccharides dans les plastes laissant suspecter que les AMY ne jouent pas un rôle prédominant dans la dégradation de l’amidon contenu dans les feuilles d’A. thaliana (Yu et al., 2005b). Au contraire de chez A. thaliana, cette famille joue un rôle important dans la dégradation de l’amidon contenu dans les grains des céréales (Sun & Henson, 1991). En plus des amylases, d’autres enzymes sont impliquées dans la dégradation de l’amidon telles que les DBE qui sont importantes et nécessaires pour la dégradation complète de l’amylopectine en résidus de glucose chez A. thaliana (Streb & Zeeman, 2012 et Figure 14). La dégradation de l’amidon nécessite aussi l’action des disproportionating enzymes (DPE ; EC 2.4.1.25) qui sont des 4-alpha-glucanotransferases identifiées en premier chez la pomme de terre (Takaha et al., 1993; Lloyd et al., 2004) et des starch phosphorylases (SP ou alpha-glucan phosphorylase ; EC 2.4.1.1). Le rôle potentiel des SP dans la synthèse d’amidon est toujours débattu et fait l’objet de nombreux travaux (pour revue voir Tiwari & Kumar, 2012).

d) Le métabolisme de l’amidon chez les bananiers

Les bananes représentent un modèle intéressant pour étudier ce métabolisme car ces fruits accumulent une grande quantité d’amidon au cours de leur développment qui est converti en sucres (surtout du saccharose) au cours de la maturation à travers un processus enzymatique complexe, coordonné et efficace impliquant au moins les activités de sucrose synthases, de sucrose phosphate synthases, d’alpha-amylases, de béta-amylases, de starch phosphorylases, d’invertase acides et neutres dans un laps de temps de moins d’une semaine (Cordenunsi & Lajolo, 1995; Purgatto et al., 2002; da Mota et al., 2002; Vieira et al., 2006; do Nascimento et

al., 2006; Fils-Lycaon et al., 2011). Actuellement, plusieurs gènes codant pour des enzymes

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starch synthases (une GBSS et une SS) et aussi des invertases (deux invertases pariétales et une invertase cytoplasmique) ont été identifiés comme exprimés dans la pulpe des bananes mais ces données sont parcellaires et la contribution de chaque membre n’a pas été établie (Garcia & Lajolo, 1988; Clendennen & May, 1997; Medina-Suarez et al., 1997; da Mota et

al., 2002; Bierhals et al., 2004; Vieira et al., 2006; Mainardi et al., 2006; Fils-Lycaon et al.,

2011). Les bananes desserts sont consommées mûres alors que les bananes à cuire sont consommées à divers stades de maturité. La principale différence entre les deux catégories correspond à la quantité d’amidon converti ou non en sucres au cours de la maturation. Lorsqu’elles sont mûres, les bananes à cuire ont encore un niveau important de teneur en amidon (10 à 15% de matière fraîche) qui affecte le goût alors que les bananes desserts ont converti la quasi totalité de l’amidon en sucres. Pour cette raison, les bananes à cuire sont consommées après transformation alors que les bananes desserts sont consommées directement (Heslop-Harrison & Schwarzacher, 2007; Gibert et al., 2009). Plusieurs hypothèses peuvent expliquer les différences d’efficacité de dégradation de l’amidon telles que le ratio différent en amylose et amylopectine, une efficacité accrue des enzymes impliquées dans la dégradation de l’amidon chez les bananes desserts et/ou des différences de structure des granules entre les deux catégories de bananes induisant une sensibilité plus ou moins forte aux enzymes de dégradation (Soares et al., 2011).

e) Évolution des familles de gènes impliqués dans le métabolisme de l’amidon chez les plantes

La capacité unique des plantes à biosynthétiser de l’amidon provient de la capacité ancestrale à produire du glycogène. Les études des génomes ont révélé un fort niveau de conservation chez les gènes impliqués dans le métabolisme de l’amidon entre A. thaliana et des espèces éloignées comme les céréales (Ball & Morell, 2003; Patron & Keeling, 2005). Les différents groupes des familles de gènes du métabolisme de l’amidon sont issus d’évènements de duplication très anciens suivis d’une évolution particulière chez les graminées par rapport aux eudicotylédones, à la fois pour les AGPases (Comparot-Moss & Denyer, 2009; Yan et al., 2009; Corbi et al., 2012; Li et al., 2012), les SS/GBSS (Wu et al., 2008; Cheng et al., 2012) ou encore les gènes codant pour les branching et debranching enzymes (Li et al., 2012). De plus, si uniquement trois gènes AMY ont été identifiés chez A.

thaliana (Yu et al., 2005b), au moins huit gènes AMY ont été identifiés chez le riz dont un

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la voie de biosynthèse de l’amidon évoluent plus rapidement (Li et al., 2012) et les étapes initiales de dégradation de l’amidon sont différentes, impliquant à la fois les AMY et les BAM (Delatte et al., 2006; Zeeman et al., 2007a).