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2. CADRE THÉORIQUE

2.3. L’état de la recherche sur le vocabulaire et la lecture

2.3.1. Le vocabulaire des élèves ayant un TDL

Nous avons brièvement décrit, dans la problématique, les difficultés des élèves ayant un TDL en ce qui a trait au vocabulaire comme, par exemple, un vocabulaire limité, des représentations lexicales imprécises et des difficultés à apprendre de nouveaux mots. À notre connaissance, peu d’études se sont intéressées au vocabulaire des élèves ayant un TDL, particulièrement dans le monde francophone. Piérart (2004) mentionne d’ailleurs que le vocabulaire est le « parent pauvre » des recherches menées auprès d’élèves TDL. Dans la présente section, nous en présentons trois.

Dans un premier temps, deux recherches de Piérart (2004, 2013) ont eu comme visée de décrire les caractéristiques du vocabulaire des enfants ayant un TDL ainsi que de comparer le développement de leur vocabulaire à celui d’enfants ne présentant pas ce trouble. Les caractéristiques de participants et les épreuves utilisées étant les mêmes, nous présentons les résultats de ces deux études de façon combinée. Les données ont été recueillies auprès de 13 enfants francophones de Belgique ayant un TDL, âgés de 6 ans 4 mois à 8 ans 4 mois, et scolarisés dans des classes de langage à l’aide d’épreuves provenant de la batterie ISADYLE (Piérart et al, 2003, 2010), un ensemble standardisé d’épreuves évaluant le langage. Les épreuves qui nous intéressent particulièrement sont les épreuves de vocabulaire. Ces épreuves étaient généralement segmentées en deux parties, la première requérant de nommer le mot représenté par une image ou un objet et la seconde d’identifier, parmi plusieurs objets ou images, l’item qui correspond au mot prononcé par l’expérimentateur. Ces épreuves comportent des noms fréquents,

des noms rares et des verbes. Les résultats indiquent que les enfants ayant un TDL ont obtenu des taux de réussite de 72 % pour les noms fréquents, 6 % pour les noms rares et 75 % pour les verbes (alors que le niveau attendu pour des enfants du même âge ne présentant pas de TDL est de 100 % dans chacune de ces catégories selon l’étalonnage de la batterie ISADYLE). Piérart relève que les enfants ayant un TDL ont « […] un niveau nettement inférieur à celui attendu pour leur âge » (2013, p. 14), bien qu’il existe une grande variabilité dans les niveaux atteints individuellement par les participants. On remarque un effet de fréquence marqué pour les enfants ayant un TDL : une infime proportion de noms rares est connue, alors que la majorité des mots fréquents le sont. De manière générale, l’épreuve réceptive est mieux réussie que l’épreuve expressive. Selon Piérart, cela concorde avec ce qu’on peut observer chez les adultes et les enfants ayant un développement langagier normal : la compréhension est plus facile que l’évocation. Les résultats des enfants ayant TDL étant inférieurs à la norme attendue pour leur âge, mais s’apparentaient à ceux d’enfants plus jeunes, selon l’étalonnage de la batterie ISADYLE. Piérart conclut donc que le vocabulaire des enfants ayant un TDL se développe avec un délai par rapport à celui des enfants ne présentant pas de TDL, mais en suivant généralement la même trajectoire développementale.

Bien qu’intéressantes et instructives, les études de Piérart ne font pas de distinction entre ce qui appartient à l’étendue et à la profondeur du vocabulaire chez les enfants ayant un TDL. L’étude anglophone de McGregor et ses collègues (2013) s’est intéressée à ces deux dimensions chez des enfants ayant un TDL dans le but de déterminer si le déficit de vocabulaire chez ces enfants se caractérise par une atteinte à l’étendue, à la profondeur ou aux deux dimensions, ainsi que de vérifier si l’ampleur de ce déficit change au fil du temps. Pour ce faire, ils ont étudié les données obtenues auprès de 520 enfants monolingues anglais (dont l’âge n’est pas précisé par les chercheurs) au sein desquels se trouvaient 177 enfants ayant un TDL. Leur critère de sélection pour les participants ayant un TDL était la présence de difficultés langagières dans au moins deux aspects parmi les cinq évalués (langage expressif, langage réceptif, vocabulaire, grammaire et narration) durant la maternelle. Or, nous avons déjà mentionné que le diagnostic de TDL, dans les recherches francophones, ne se pose pas seulement sur la base de difficultés langagières. L’épreuve utilisée pour évaluer les deux dimensions du vocabulaire est le sous-test expressif du

lequel les participants doivent définir 25 noms tels que shampoo, roar ou knife. Deux résultats ont été tirés de cette tâche pour chaque participant : un résultat d’étendue, soit le nombre de mots définis correctement, et un résultat de profondeur pour lequel un pointage de 1 à 3 était attribué en fonction de la qualité de la définition. Le pointage était attribué selon les critères suivants : 1 point pour une définition partiellement correcte, mais non conventionnelle; 2 points pour une définition correcte et conventionnelle, mais minimale; 3 points pour une définition correcte, conventionnelle et bien élaborée (McGregor et al., 2011). Cette épreuve est de modalité expressive seulement, ce qui a pu nuire aux participants TDL présentant des difficultés expressives. Les participants ont effectué la tâche à plusieurs reprises au cours de leur parcours scolaire, soit en 2e, 4e, 8e et 10e année. Cependant, la classification des participants étant basée sur l’évaluation du langage en maternelle, certains ne répondaient plus au critère de TDL lors des années subséquentes, mais ont tout de même été inclus dans le groupe, les études anglophones ne faisant pas toujours la distinction entre des difficultés langagières temporaires ou dues à d’autres causes et le TDL. Les résultats de l’étude montrent que les participants ayant un TDL connaissent moins de mots que les participants au développement langagier normal et que leur connaissance de ces mots est moins profonde. Les participants ayant un TDL ont des faiblesses liées tant à l’étendue qu’à la profondeur du vocabulaire, et ces faiblesses persistent dans le temps. De plus, la croissance de la profondeur relativement à l’étendue est plus faible pour ces enfants; les chercheurs supposent que le développement de la profondeur de leur vocabulaire demanderait plus de soutien que le développement de l’étendue.

Pour résumer, les études présentées dans cette section suggèrent que les élèves ayant un TDL ont un délai important sur le plan du développement de leur vocabulaire, mais que ce développement se fait en suivant la logique développementale des enfants sans TDL. De plus, leurs faiblesses se situent tant sur le plan de l’étendue que sur le plan de la profondeur du vocabulaire, ce qui s’accorde avec ce que nous avons mentionné au chapitre précédent : le besoin d’une plus grande exposition pour apprendre un mot se reflète sur le nombre de mots connus, soit l’étendue du vocabulaire, et les faiblesses des représentations lexicales, qui contiennent les informations liées au sens du mot, se reflètent dans la qualité de la connaissance de chaque mot, donc, dans la profondeur du vocabulaire.

Nous aborderons maintenant certaines études s’étant intéressées aux relations entre le vocabulaire et la lecture.