• Aucun résultat trouvé

3 Vitrocéramiques d’oxyfluorures 3.1 Introduction

Les verres d’oxyfluorures appartiennent à une catégorie de verres inventés et étudiés plus récemment que les verres d’oxydes. De nombreuses études ont été portées sur les vitrocéramiques d’oxyfluorures dopées aux terres-rares. La première publication dans ce domaine date seulement de 1993 [26].

Les verres d’oxyfluorures permettent la dissolution de fortes teneurs en terre-rare. Ces verres sont cependant connus pour être corrosifs en présence d’eau et d’oxygène. Ils sont de plus toxiques, instables et relativement chers. L’addition de verres d’oxydes aux verres de fluorures permet de réaliser des verres reconnus pour avoir une importante stabilité thermique et une meilleure résistance à la corrosion chimique. L’objectif est ici de combiner l’environnement propice à l’intégration de terres-rares par les fluorures aux intéressantes propriétés thermiques et chimiques des verres d’oxydes. Ceci est rendu possible par la formation de cristallites de fluorure dopées terres-rares encastrées dans une matrice vitreuse d’oxydes. Les vitrocéramiques transparentes dopées d’oxyfluorures ont un intérêt significatif pour la production de nouveaux dispositifs d’optoélectronique. En effet, l’environnement à faible énergie de phonon des fluorures pour des terres-rares permet d’obtenir un rendement quantique élevé. L’environnement cristallin est de plus favorable aux fluorescences.

3.2 Synthèse des verres de départ

Généralement, le mélange des matières premières se fait dans un creuset en platine avec un couvercle pour minimiser les évaporations. La synthèse des verres contenant des fluorures nécessite d’être effectuée dans une atmosphère sèche et exempte d’oxygène. Le bain fondu est coulé sur un moule en aluminium à l’atmosphère ambiante. Les verres obtenus sont recuits à des températures proches de la température de transition vitreuse puis sont refroidis lentement pour minimiser les contraintes mécaniques dues à la trempe.

3.3 Verres dopés aux terres rares

Les terres-rares se trouvent généralement sous la forme d’ions trivalents TR3+ de configuration [Xe] 4f N, avec N : nombre d’électrons de la couche f. La particularité de ce groupe d'éléments est de posséder une couche électronique profonde incomplète correspondant aux électrons 4f. Cette couche se trouve protégée de l’influence du champ cristallin généré par la matrice vitreuse grâce aux couches complètes 5s2 et 5p6. Il en résulte un ensemble de transitions permises se manifestant dans les spectres d'émission et d'absorption sous la forme de raies fines.

Les verres à basse énergie de phonon sont des matrices privilégiées pour des terres rares car ils permettent des émissions impossibles dans des verres à haute énergie de phonon. L’interaction ions terres-rares / rayonnement électromagnétique provoque des transitions entre les différents niveaux d’énergie de l’ion. Ces transitions liées à divers mécanismes sont à l’origine du processus d’amplification.

Ainsi, si une onde électromagnétique est composée de photons d’énergie proches du niveau de l’énergie séparant l’état fondamental de l’état excité de la terre-rare, ses rayonnements peuvent être absorbés. L’ion terre-rare passe de son état fondamental à l’état excité. Les ions excités retournent dans leur état d’énergie minimum, selon deux processus possibles : un processus radiatif avec émission de lumière et un processus non radiatif avec production de phonon.

Les émissions des terres-rares sont particulièrement intéressantes pour l’utilisation de fibres amplificatrices opérant dans des gammes de longueurs d’onde des télécommunications à 1,31 ; 1,46 ; 1,55 µm, pour des lasers accordables dans l’UV ou encore comme luminophores pour des écrans de télévision. Les propriétés spectroscopiques des ions des terres-rares permettent d'obtenir une puissance de laser importante à des longueurs d'onde difficilement atteintes par des diodes laser. Selon de nombreux scientifiques, les perspectives de développement des vitrocéramiques semblent être aussi nombreuses que les progrès que l’on peut attendre dans leur processus de synthèse [27].

3.4 Principales vitrocéramiques d’oxyfluorures transparentes

En 1975, Auzel et al. ont été les premiers à produire des vitrocéramiques co-dopées Yb:Er dans lesquelles les ions terres-rares étaient incorporés dans les phases cristallines PbF2 [28]. Ces vitrocéramiques étaient néanmoins opaques à cause d’un taux de cristallinité trop élevé et de cristaux de taille trop importante. Les premières vitrocéramiques d’oxyfluorures transparentes ont été décrites par Wang et Ohwaki en 1993 [26]. Le traitement thermique à 470°C d’une composition du système SiO2-AlO-PbF2-CdF2-YbF3-ErF3 a permis l’obtention d’une vitrocéramique transparente contenant des cristaux de PbxCd1-xF2 de 20 nm, les ions Er3+ et Yb3+ étant répartis dans les cristaux de fluorure. Une excitation par diode laser (5mW) à 972 nm a été effectuée (λ pompage). Ils ont ainsi obtenu par absorption des ions Er3+ un ‘up-conversion’ de 972 nm à 545 nm et 660 nm (λ émission) respectivement 100 fois supérieur au verre non traité et 2 à 10 fois supérieur aux vitrocéramiques de fluorures codopées. Ceci met en évidence le fait que les terres-rares ont été réparties de manière homogène dans les cristallites de fluorure à basse énergie de phonon. Ce diagramme vitreux a été longuement étudié en incorporant par la suite diverses terres-rares, conduisant généralement à la nanocristallisation du β-PbF2, hôtes des terres-rares. Les mécanismes de perte optique dans ces matériaux composites ont été étudiés pat Tick et al. [29].

En 1995, de nouvelles vitrocéramiques d’oxyfluorures ont été découvertes. Ces vitrocéramiques contenant des nanocristaux de LaF3 à faible énergie de phonon, ont été réalisées à partir de traitements thermiques dans le système Na2O-Al2O3-SiO2 (NAS) contenant du Lanthane [27]. Les propriétés optiques de ces nouvelles vitrocéramiques dopées aux terres rares ont été étudiées [30-36]. Plus récemment, de nouvelles phases cristallisées, toujours contenant des terres-rares, telles que KPb2Cl5 [37], LaTi2O7, [38] ou encore BaBr2, ont été développées [39].

En 1996, Mortier et al. ont réussi à fabriquer des vitrocéramiques ultra-transparentes dans le système GeO2-PbO-PbF2 dopées avec ErF3, YbF3, et CeF3 [40-41]. Un traitement thermique à 360°C conduit à une forte nucléation hétérogène de cristallites de 8 nm de PbF2,

En 2001, Tick et al. ont créé une nouvelle fibre vitrocéramique mono-mode dopée Nd3+ à partir du verre 30SiO2-15Al2O3-29CdF2-17PbF2-4YF3-5ZnF2. Des cristaux de 29CdF2-17PbF2-YF3 occupant 10% du volume et générant des pertes inférieures à 1dB/m ont été développés en traitant thermiquement une fibre [42].

A ce jour, les études portent encore essentiellement sur la nanocristallisation de LaF3 et de PbF2 dans de nouvelles matrices vitreuses et s’orientent vers la cristallisation de particules d’environ 10-15 nm de MF2 (avec M= Ba, Sr, Ca, Cd) tels que CaF2 et BaF2 dans les systèmes respectifs SiO2–Al2O3–CaO–NaF–CaF2 [43] et SiO2-BaF2 [44].