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Viscoélasticité linéaire

1.3 Rhéologie des mousses

1.3.2 Viscoélasticité linéaire

A l’échelle macroscopique, une mousse est considérée comme un milieu homogène où les lois de la mécanique des milieux continus s’appliquent. Le comportement rhéologique des mousses est donc décrit par une relation reliant la contrainte, la déformation et le taux de déformation. Afin d’étudier la réponse viscoélastique de la

mousse, une déformation sinusoidale d’amplitude γo et de pulsation ω est appliquée.

Dans le régime linéaire, la contrainte qui en résulte est sinusoïdale d’amplitude σo

et déphasée de δ par rapport à la sollicitation [1]. γ (t) = γoRehei ω ti σ (t) = σoRehei ω t+i δi (1.22)

La loi constitutive reliant la contrainte et la déformation s’écrit alors :

σ (t) = γoRehG(ω) ei ω ti (1.23)

où G est le module complexe de cisaillement :

G(ω) = G0(ω) + G00(ω) = |G| (cos δ + i sin δ) (1.24)

Le module élastique G0(ω) décrit la capacité du matériau à emmagasiner de

l’énergie élastique alors que le module de perte G00(ω) traduit sa capacité à dissiper

l’énergie. Par conséquent, le module de cisaillement G est réel et égal au module

de cisaillement statique Go pour un solide purement élastique : G0(ω) = Go et

G00(ω) = 0. Pour un fluide visqueux newtonien de viscosité η, G est imaginaire :

Module de cisaillement d’une mousse en fonction de la fréquence

La réponse viscoélastique des mousses, comme celle de nombreux fluides com-plexes, fait apparaître un large spectre de temps de relaxation associés à différents mécanismes de dissipation (figure 1.9).

Fréquence (Hz)

Module de cisaillement (Pa)

Figure 1.9 Evolution du module complexe de cisaillement en fonction de la fré-quence pour une mousse Gillette âgée de 100 min avec Φ = 0.92 [1].

Aux faibles fréquences (< 0.1 Hz), G0 décroît avec les fréquences décroissantes et

tend vers 0 alors que G00passe par un maximum avant de tendre vers 0. Cette réponse

de G00 est la signature d’un processus lié au vieillissement de la mousse [30]. Il est

dû à la dissipation d’énergie mécanique liée aux réarrangements des bulles induit par le mûrissement. La relaxation observée entre 0.01 et 0.1 Hz sur la figure 1.9 est une relaxation de la structure affine/non-affine pilotée par la tension de surface et la viscosité dilatationnelle des interfaces κ.

Aux fréquences intermédiaires, G0 présente un plateau. En l’absence de

vieillis-sement, il est attendu que ce plateau s’étende jusqu’à la fréquence zéro. Pour cette

raison, sa valeur est identifiée avec le module statique Go (équation 1.20) et G00

passe par un minimum. Dans ce domaine, la réponse en fréquence est dominée par

l’élasticité du matériau G0  G00.

1.3 Rhéologie des mousses

sont décrites par [24] :

G(f ) = Go 1 + s i f fc ! + 2 π i ηf (1.25)

où η est une viscosité effective qui domine à haute fréquence et fc une fréquence

caractéristique de relaxation. Cette dissipation anormale G00f (équation 1.25)

est prédite par le modèle des zones faibles proposé par A. Liu [31]. Il est basé sur le désordre topologique de l’empilement et les déformations localement non-affines qu’il induit. Le même type de comportement a été mis en évidence précédemment pour les émulsions [31] et les pâtes molles [32]. Pour les mousses avec des interfaces rigides, il

a été montré que la fréquence caractéristique fc décroît lorsque le rayon moyen des

bulles augmente. Une relation similaire à celle de l’équation 1.25 avec η= 0 décrit le

comportement des mousses avec des interfaces mobiles [24]. La fréquence fcdiminue

quand le rayon des bulles croît ou que la viscosité de la solution moussante augmente.

Cependant, les lois d’échelles fc(d) sont différentes selon que les interfaces sont

mobiles ou rigides [24]. Pour comprendre, cette dépendance de la viscoélasticité des mousses avec la rhéologie interfaciale, il faut identifier les mécanismes de dissipation possibles [33].

En effet, la fréquence caractéristique fc est fixée par le couplage entre un module

élastique Gef f (proportionnel à T /d ou à E/d selon que l’élasticité est pilotée par

la tension de surface ou l’élasticité des interfaces avec d le diamètre des bulles) et

un frottement visqueux, caractérisé par une viscosité effective ηef f, qui s’oppose au

cisaillement :

fcGef f

ηef f (1.26)

Cette fréquence caractéristique est reliée à des mécanismes de relaxation se produi-sant à l’échelle des films. Elle dépend de la fraction volumique de la mousse, de la taille des bulles et de la tension de surface, mais elle dépend aussi de la rigidité interfaciale [33].

Dissipation dans le cas des interfaces rigides

Lors du cisaillement de la mousse, l’aire des interfaces varie et la concentration en tensioactifs changent localement. Un gradient de tension de surface se forme. Dans la limite f → ∞, l’interface se comporte comme une monocouche insoluble et le gradient relaxe par le déplacement des tensioactifs le long des interfaces. Comme le

Liquide

Gaz Cisaillement

Figure 1.10 Représentation schématique des écoulements Marangoni dans les films. Les flèches indiquent le mouvement des tensioactifs à la surface des films.

montre la figure 1.10, des écoulements Marangoni se produisent dans les films [33].

La viscosité effective de la mousse ηef f dépend des écoulements dûs au

cisaille-ment du film (d’épaisseur d’équilibre δ) et aux frottecisaille-ments visqueux des interfaces. Elle s’exprime par une loi d’échelle reliant la viscosité de volume du liquide moussant

η et la viscosité dilatationnelle intrinsèque des interfaces [33] :

ηef fηd

δ + κ

d (1.27)

A partir des équations 1.26 et 1.27, nous pouvons déduire la fréquence caractéris-tique [24], dans le cas où l’élasticité est pilotée par l’élasticité dilatationnelle des interfaces :

fc' Eδ

η R2+ κ δ (1.28)

Dissipation dans le cas des interfaces mobiles

Lorsque les interfaces sont mobiles, la dissipation visqueuse est dominée par un écoulement de type "régénération marginale" à la jonction des films avec les bordures de Plateau (cf. figure 1.11). Dans ce cas, la viscosité effective de la mousse s’écrit [33] :

ηef f = η +κ

1.3 Rhéologie des mousses Bordure de Plateau Film δ Rc ζ

Figure 1.11 Ecoulements de type "régénération marginale" dans des films d’épais-seur δ. La dilatation de la surface est concentrée dans la région de longueur ζ.

Les relaxations sont caractérisées par une fréquence caractéristique différente de celle obtenue lorsque les interfaces sont rigides [24] :

f c ' T

CHAPITRE 2

Rhéologie interfaciale des

solutions moussantes

2.1 Introduction

Pour établir le lien entre les propriétés rhéologiques aux différentes échelles d’une mousse, le choix des tensioactifs est primordial. En s’adsorbant aux interfaces, ces molécules amphiphiles modifient considérablement les propriétés interfaciales que nous souhaitons finement contrôler [34, 35]. En outre, les mousses doivent être suffi-samment stables pour pouvoir mesurer leur propriétés rhéologiques pour des tailles de bulles et des fractions volumiques de gaz bien déterminées. La durée typique d’une mesure rhéologique avec balayage en fréquence étant de 10 min, la taille moyenne des bulles ainsi que la fraction volumique de gaz doivent varier le moins possible durant ce laps de temps. Le cahier des charges de la formulation de nos mousses peut être résumé par :

– une moussabilité optimale des solutions moussantes ; pour cela les tensioactifs doivent s’adsorber rapidement aux interfaces liquide/gaz et être présents en grande quantité (plusieurs fois la cmc),

pré-sentent pas de coalescence et le drainage est fortement ralenti. Le mûrissement nous est utile car il permet de suivre l’évolution des propriétés viscoélastiques en fonction de la taille des bulles pour un même échantillon,

– un ajustement graduel de l’élasticité interfaciale depuis le cas des interfaces mobiles jusqu’à celui des interfaces rigides

– un comportement newtonien des solutions moussantes. Nous souhaitons varier la viscosité de volume par ajout de glycérol en modifiant le moins possible les propriétés interfaciales.

Nous introduisons dans ce chapitre les solutions moussantes étudiées. Nous com-mençons par expliquer pourquoi le choix s’est porté sur ces systèmes avant de pré-senter leurs propriétés de volume. Ensuite, nous étudions la rhéologie interfaciale des différents systèmes. Nous montrons les dépendances des modules de dilatation et de cisaillement interfaciaux avec la fréquence de sollicitation et l’amplitude de déformation.