• Aucun résultat trouvé

La visée : une préalable à l’établissement de la norme

Dans le document CODE DE DÉONTOLOGIE DE L’OSTÉOPATHIE (Page 20-23)

Il a été possible ici de décrire les risques de l’ostéopathie et de commencer à suggérer les types de régulation qui sont nécessaires : un tel propos ne suffirait pas à guider la pratique ostéopathique car il se limiterait à dire ce qu’il ne faut pas faire, et non ce qu’il faut faire pour être un bon ostéopathe. L’énoncé de normes de comportement dans une déontologie devait être précédé d’une description de ce que cherche à faire l’ostéopathie, de sa visée.

L’élaboration de normes de comportement professionnel pour les ostéopathes n’a de sens que si elle est constamment articulée à la visée de l’ostéopathie. Il est utile d’énoncer des repères, voire des interdits concernant l’action, à la condition que l’on sache pour quoi, en vue de quoi on agit. Dans les métiers de la thérapeutique et du soin, ceci est particulièrement évident, puisqu’un grand nombre des composantes de l’acte thérapeutique sont des transgressions par rapport aux usages culturels habituels : interroger son semblable sur des aspects éventuellement très intimes de sa vie, lui demander de se déshabiller, toucher son corps, pratiquer des effractions sur ce corps lors d’injections ou d’interventions chirurgicales… Tout cela est de l’ordre de la transgression par rapport à la vie courante, mais pourtant devient bon dans le cadre de l’acte thérapeutique ; le geste ou la question n’ont pas changé, c’est la visée, et le cadre dans lequel cette visée est mise en œuvre, qui sont différents. Cet exemple montre aussi que la visée ne suffit pas, car ce n’est pas parce que l’on cherche à soigner ou à soulager son semblable que tous les comportements deviendraient licites.

La nécessité de la norme

La norme est nécessaire pour interpeller la visée éthique, pour interroger les moyens employés en vue de la vie bonne. La norme a deux caractéristiques importantes : elle est commune à plusieurs acteurs et elle s’appuie sur des institutions qui lui confèrent une dimension de contrainte.

Si chaque être humain a sa manière personnelle de chercher la vie bonne, la vie en société n’est possible qu’à la condition que cette recherche personnelle soit encadrée par des normes de comportement qui soient communes. On reconnaît ainsi l’existence de normes qui vont du plus universel, comme les Droits de l’Homme, au plus particulier, comme les usages d’un groupe, d’une communauté humaine, voire d’une famille. A tous les échelons de l’universalité, les normes permettent de vivre ensemble. Ce sont elles qui viennent placer des limites au désir du sujet pour lui imposer de tenir compte des autres, et lui imposer ainsi le respect des autres.

C’est pourquoi la norme est le plus souvent assez abstraite, elle ne décrit pas les cas particuliers, elle définit des principes applicables dans les cas particuliers. Le plus faible doit

21 avoir la certitude qu’il sera respecté, non pas tant que le plus fort le voudra bien, mais parce que le plus fort y est tenu, par la norme.

La norme doit donc avoir une dimension de contrainte, pour la protection du plus vulnérable, car celle-ci ne peut être dépendante du bon vouloir des uns et des autres. La norme trouve son autorité dans les institutions qui en sont la source, et le garant. Les lois d’un pays n’ont un effet contraignant que parce que l’institution judiciaire veille à leur application et sanctionne ceux qui les transgressent. On peut considérer que cette sanction est appliquée au nom de la société, et en particulier au nom des plus faibles qui n’ont pas d’autres pouvoirs pour se faire respecter.

Cette articulation nécessaire entre norme et institution souligne la nécessité de la mise en œuvre d’une institution chargée de veiller au respect de la déontologie au sein de la profession ostéopathique, sans quoi l’élaboration de ce texte ne serait que l’expression d’un idéal de Bonne Ostéopathie, sans possibilité de manifester la réprobation de la profession à l’égard des professionnels qui se comporteraient d’une manière non conforme à la déontologie.

La déontologie professionnelle

Une déontologie professionnelle n’est pas la seule norme de l’agir professionnel. Elle s’inscrit dans un ensemble de normes qui la dépassent par leur autorité : elle ne saurait prescrire ou encourager des comportements contraires à la loi du pays où elle est énoncée. C’est pourquoi elle est limitée dans sa rédaction et dans son champ de compétence : beaucoup d’aspects de la vie professionnelle n’ont pas à être définis dans une déontologie, car ils le sont dans la loi.

Une déontologie est le plus souvent élaborée par les professionnels eux-mêmes, et pourtant, elle ne saurait être considérée comme la norme interne d’une communauté, élaborée sans interaction avec le reste de la société. Dans le meilleur des cas, d’autres membres de la société participent à son élaboration ; dans tous les cas, la société intervient dans l’élaboration de la déontologie par la présence de la loi.

A côté de la loi entendue comme un texte voté par le parlement, la philosophie reconnaît une autre forme de norme du comportement qu’elle désigne aussi sous le nom de loi, ou de loi morale. Celle-ci vient interpeller, et critiquer la production de la déontologie, comme elle le fait de tout acte humain, pour vérifier que cette production est respectueuse du plus faible, de l’absent, de celui que la philosophie décrit souvent comme « le tiers anonyme », c’est-à-dire celui que personne ne connaît et dont pourtant il faut tenir compte, à qui il faut faire une place et à qui on doit le même respect qu’aux amis ou aux puissants.

22

La nécessité de recourir à la visée pour sortir des impasses de la norme

Si, comme on vient de le voir, la visée a été placée à la source de la réflexion, elle doit également être rappelée à son terme, pour apporter une issue dans les cas où la référence à la norme apparaît comme une impasse. En effet, l’être humain peut se trouver dans des situations spécifiques dans lesquels il est placé devant un conflit de devoirs, ou de normes, deux normes ne pouvant être appliquées en même temps dans cette situation ; il peut aussi se trouver dans une situation si particulière que l’application stricte de la norme lui apparaît comme déshumanisante. Toute loi, lorsqu’elle devient un absolu, comporte en effet ce risque.

Dans ces situations d’impasse apparente, où l’acteur est paralysé par la référence à une norme qui lui semble inapplicable, c’est le retour à la visée qui lui permet de trouver une solution.

C’est bien cela que l’on suggère lorsqu’on parle d’une « médecine centrée sur le malade », par exemple. Revenir au malade, ce n’est pas se libérer de toute référence normative, et se croire hors-la-loi, mais se rappeler que le bien du malade est ce qui est le plus important, la visée de tout acte thérapeutique.

23

Dans le document CODE DE DÉONTOLOGIE DE L’OSTÉOPATHIE (Page 20-23)