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Vincent Navarro, praticien hospitalier, neurologue, chercheur au centre de recherche de l’IC

domaine de l’épilepsie, en me focalisant sur les avancées neurophysiologiques. Il y a eu énormément de progrès dans le domaine de l’imagerie structurelle, il faut savoir que pour comprendre le cerveau, son fonctionnement physiologique mais également pathologique, on a besoin de voir l’activité des cellules du cerveau que sont les neurones. L’intérêt de l’électrophysiologie par rapport à l’imagerie, c’est de pouvoir suivre le comportement du cerveau au cours du temps, avec une grande précision temporelle, et donc d’être capable de suivre l’activité des neurones à une échelle de la milliseconde, voire inférieure à cette durée.

L’autre intérêt, c’est de pouvoir suivre le comportement de ces neurones, de ces populations de neurones au cours du temps, d’avoir une mesure itérative pendant des minutes, des heures, voire des jours. Il faut concevoir que cette capacité à mesurer l’activité des neurones peut se faire grâce à des enregistrements non invasifs - ce sont des électrodes posées sur le scalp de sujets, de patients, mais également par le biais de stratégies plus invasives, intracérébrales, pour aller dans des structures profondes, inaccessibles autrement.

J’évoquerai plutôt les nouvelles technologies qui sont issues des approches intracérébrales, mais il faut savoir qu’aujourd'hui l’électroencéphalogramme (EEG) de scalp a bien évolué, grâce non seulement à la technologie, la numérisation des signaux EEG, mais aussi au couplage de ces signaux à des enregistrements vidéo, et permettant des analyses beaucoup plus fines.

Aujourd'hui, les patients épileptiques peuvent être traités par des médicaments. Il existe près de 500 000 patients en France, dont 30% résistent au traitement. Il est donc nécessaire d’avoir des stratégies thérapeutiques différentes, et donc d’aller chercher les zones du cerveau qui sont responsables des crises, et d’essayer d’opérer ces patients. On a donc besoin, pour arriver à cette fin, d’avoir tout un panel de technologies nouvelles, qui vont nous permettre de définir quelle est la zone à opérer.

Évidemment, on a recours à l’EEG non invasif, l’EEG de scalp. On réalise des enregistrements 24/24h, 7/7j., chez les patients, pour attendre que les crises surviennent. Les crises ne surviennent pas toujours là où on les attend. Ensuite, on a recours à toute cette stratégie d’analyse multimodale de l’imagerie cérébrale, cela a été développé auparavant. On distingue :

1) l’IRM structurelle à la recherche d’une petite lésion. Là encore, le fait d’avoir des champs magnétiques très élevés, nous permet aujourd'hui de découvrir de petites malformations qui n’étaient pas visibles il y a quelques années.

2) l’imagerie fonctionnelle, qui va nous aider à trouver le foyer, que ce soit la tomographie par émission de positons au fluorodeoxyglucose (TEP-FDG), qui peut nous montrer qu’il y a une zone en hypo métabolisme, un mauvais fonctionnement, ce qui nous attire vers la zone épileptogène, ou encore le SPECT, (Single Photon Emission Computed Tomography (en français, tomographie computée à émission de photon unique). Pendant une crise d’épilepsie, on injecte un traceur radioactif capté préférentiellement par les régions concernées par la crise. Cette image est ensuite comparée à celle en dehors des crises d’épilepsie.

L’ensemble est recalé ensuite sur l’IRM du patient, et on voit alors une zone qui se détache, c’est souvent la zone d’où partent les crises.

Parfois, au cours de ces explorations, il ne nous est pas possible de définir la zone à opérer, et donc on a recours à des explorations intracérébrales, avec des électrodes, qui sont implantées dans la profondeur du cerveau ou au niveau sous-dural, c'est-à-dire au niveau de la surface du cortex cérébral. Ces investigations, réalisées avec de nombreuses électrodes, mais dans une région déjà limitée du cerveau, nous permettent, le plus souvent, d’aller déterminer avec précision la zone, le contact, d’où vont partir les crises, et donc d’aller proposer une opération sur cette zone, tout en préservant le reste du cerveau.

La chirurgie de l’épilepsie partielle, lorsqu’elle est possible au terme de ce bilan et grâce à toute cette technologie, souvent nous permettra d’obtenir une guérison, ce qui est absolument fantastique chez les patients qui pouvaient faire jusqu'à huit crises par jour. À la suite d’une chirurgie, ils peuvent être totalement guéris de leur épilepsie, et sans séquelles neurologiques. Évidemment, il faut encore progresser, parce qu’il y a des situations où l’on ne peut pas proposer de chirurgie, soit parce qu’on est dans une zone fonctionnelle, inopérable, soit parce qu’il y a plusieurs foyers. Et là, il faut développer d’autres stratégies thérapeutiques, soit des stimulations électriques, soit recourir à de nouveaux médicaments.

À présent, j’aimerais vous présenter les avancées plus récentes, mais focalisées au domaine de l’exploration EEG intracérébrale. Initialement, ces enregistrements étaient analysés dans des bandes de fréquence qui étaient classiquement entre 1 Hz (1 cycle par seconde) et 30 à 40 Hz. Aujourd'hui, grâce au système de numérisation et aux amplificateurs qu’on va utiliser, on pourra s’intéresser à des rythmes, soit extrêmement lents, soit extrêmement rapides.

Jusqu’alors méconnus, ces rythmes, peuvent vraisemblablement être d’une grande aide au diagnostic de la zone à opérer. Si l’on prend un exemple d’enregistrement intracérébral avec un signal EEG, on peut détecter sur une seule électrode des rythmes très rapides à 250 Hz (250 oscillations par seconde), très peu amples, mais qui indiqueront quelle est la zone d’où partent les crises. Ce sont donc des situations qui peuvent nous aider, nous les cliniciens, à déterminer avec précision le foyer épileptogène.

Autre point très intéressant, c’est le développement de nouveaux outils mathématiques. Les signaux EEG sont complexes. Des chercheurs, des ingénieurs

ont développé une série de méthodes plus ou moins sophistiquées, qui nous permettent d’aller voir ce que l’œil n’est pas capable de déterminer. Une application serait la possibilité de détecter des signes avant-coureurs de la crise d’épilepsie sur les signaux EEG, alors que lorsqu’on regarde les signaux, on ne voit pas de modification. Par des analyses mathématiques assez sophistiquées, dont certaines dérivent de la théorie du chaos, on peut observer des changements infraliminaires, qui pourraient être utilisés à bon escient pour alerter le patient de l’imminence d’une crise. Ce projet, que nous partageons avec plusieurs équipes depuis plusieurs années, se fait dans le cadre d’un projet européen, avec des collaborateurs allemands, portugais et italiens. L’idée étant, sur une énorme base de données d’enregistrements intracérébraux – nous avons plus de 200 patients - d’appliquer plus de 40 méthodes d’analyse des signaux différentes, afin de développer un outil vraiment adapté, qui soit à la fois suffisamment sensible et spécifique. Et peut-être, dans le futur, rêvons un peu, d’avoir un système semblable à celui d’un pacemaker, qui analyserait le signal EEG et qui alerterait en temps réel le patient de l’imminence d’une crise.

Autre point assez novateur, c’est le recours à des électrodes de très petite taille. Lorsqu’on explore en intracérébral les patients épileptiques, on utilise classiquement des électrodes qui ont un diamètre d’environ 1 mm, permettant de mesurer des activités de milliers ou de dizaines de milliers de neurones. Il est aujourd'hui possible d’insérer des faisceaux de microélectrodes, d’un diamètre de 40 microns, permettant de mesurer des populations de neurones bien plus faibles, de quelques cellules à une dizaine de cellules. Le principe étant d’insérer ces faisceaux de microélectrodes au sein des électrodes conventionnelles qui sont creuses. Ce petit faisceau de 8 microélectrodes émerge à l’extrémité interne des électrodes classiques.

Ce type d’innovation devrait peut-être aussi améliorer nos capacités à identifier des zones à opérer, et également de mieux comprendre la physiopathologie des crises. On ne comprend toujours pas comment le cerveau épileptique peut être normal pendant des heures et basculer brutalement dans la crise d’épilepsie. Le fait d’avoir la capacité, chez un sujet vivant, de suivre le comportement de quelques cellules, de quelques neurones, devrait nous fournir des informations absolument cruciales. Prenons l’exemple d’un enregistrement intracérébral avec des microélectrodes et des macroélectrodes chez un patient éveillé. On peut recueillir des activités dites multi-unitaires, c'est-à-dire que ce sont quelques dizaines de neurones qui s’expriment et qu’on arrive à suivre, pour voir des activités épileptiques se greffer sur ces comportements de neurones.

Un autre intérêt lié à l’utilisation de ces électrodes, cette fois plus axé sur la recherche, consiste à chercher à identifier plus précisément le codage neuronal de fonctions cérébrales. On a aujourd'hui cette capacité incroyable de pouvoir suivre le comportement de neurones uniques. Voyons comment se comporte ce neurone en réponse à des stimulations cognitives. Ceci se fait également grâce à toutes sortes de techniques un peu sophistiquées du traitement des signaux.

Lorsqu’on a cette activité multi-unitaire correspondant à des dizaines de neurones,

il est possible de faire un tri des potentiels d’action, de parvenir à retrouver un potentiel d’action spécifique qui correspond à un neurone, et de suivre son activité au cours du temps. On entend battre, non pas le coeur du neurone, mais le potentiel d’action de ce neurone, et ensuite on peut appliquer une stimulation cognitive, on peut montrer des visages, connus ou inconnus, et voir si ce neurone va répondre. Dans un exemple de présentation effectuée chez un patient à qui l’on montre toute une série de photos de personnalités connues ou inconnues, de médecins qu’il connaissait, on va observer comment se comporte le neurone. En l'occurrence, on a pu identifier que le neurone isolé répondait plutôt à l’entourage, en fait au médecin qui s’occupait du patient. La présentation dure une seconde, et l’on voit qu’à chaque fois qu’il y a eu présentation de cette image, le neurone a déchargé, ce qui signifie qu’il reconnaissait l’image. En quelque sorte, on a accès à des informations assez spécifiques de reconnaissance de visages ou d’autres fonctions cognitives.

Pour conclure, je reprendrai les termes employés par M. Bioulac : quand on travaille sur le cerveau, on se doit d’avoir une approche multi-niveaux. On a vu que les microélectrodes nous permettent d’appréhender le comportement d’un neurone, mais il ne faut pas oublier que le cerveau, ce sont des milliards de neurones qui dialoguent en permanence. Il faut donc comprendre comment cette information, certes très intéressante, très focale, sur le comportement d’une cellule, s’intègre dans le cadre de ce fonctionnement global. Plus on a d’approches à des échelles différentes, plus on peut essayer de comprendre ces interactions. Le fait de pouvoir travailler chez des patients épileptiques nous permet d’avoir toutes ces échelles : l’enregistrement de scalp, qui nous donne une échelle vraiment macroscopique, globale, intégrée ; l’enregistrement intracrânien classique, qui fournit une échelle intermédiaire ; et puis ces microélectrodes, qui sont le dernier maillon de l’activité. L’ensemble de ces résultats peut être également interprété au vu parfois des données que l’on peut acquérir chez des patients qui sont opérés.

Lorsqu’ils sont opérés, on peut recueillir la pièce opératoire et l’analyser au microscope, faire des tranches afin d’avoir une analyse encore plus poussée à l’échelle cellulaire. Dans notre équipe, on a pu montrer des comportements tout à fait particuliers de cellules neuronales épileptiques. On peut vraiment obtenir toute la chaîne depuis le neurone unique jusqu'à un ensemble intégré.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Je vous remercie et donne la parole à Monsieur Sylvain Ordureau, fondateur de UsefullProgress.

M. Sylvain Ordureau, fondateur de UsefullProgress. Nous sommes une