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Andréas Kleinschmidt, conseiller scientifique auprès du directeur de l’Institut d’imagerie

la méthode, très simple et peu agressive, est surtout utilisée chez l’animal comme une sorte d’alternative à la stimulation par les électrodes. Mais le transfert de ce type de molécules chez l’homme n’est pas impossible, via des cellules que l’on peut greffer, qui peuvent s’intégrer dans les réseaux de neurones. Et il y a à l’heure actuelle des recherches sur le primate qui ont commencé dans divers centres, y compris en France. Ce sont des possibilités de stimulation nouvelles qui nécessiteront sans doute des encadrements.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Je vous remercie et donne la parole à Monsieur Andréas Kleinschmidt, conseiller scientifique auprès du directeur de l’Institut d’imagerie biomédicale du CEA.

M. Andréas Kleinschmidt, conseiller scientifique auprès du directeur

pourrait imaginer qu’une très grande lésion, qui recouvre tout cela, provoquerait ce syndrome, mais il y aurait d’autres problèmes en plus, notamment une aphasie, c'est-à-dire des troubles du langage, ou une apraxie, c'est-à-dire des troubles d’action organisée.

Pour répondre à la question de l’origine du syndrome, nous avons pris ces zones d’activation comme point de départ pour tracer des fibres. Grâce à l’imagerie de diffusion de l’eau, on observe que ces fibres sont liées aux différentes zones d’activation. On a pu ainsi mettre en lumière une espèce de goulet d’étranglement, une petite zone, où l’on peut imaginer qu’une lésion dans la matière blanche entraînerait une disconnection des zones d’activation dans le cortex. Ce dysfonctionnement présenterait ces symptômes-là.

Ce constat se fait grâce à une combinaison entre l’imagerie de structure, qui est le traçage des fibres, et l’imagerie fonctionnelle, l’activation. Un point est à souligner. Cette recherche s’est faite chez le sujet sain. Il est tout à fait important de continuer les recherches sur le sujet sain pour améliorer notre compréhension des pathologies.

Un travail remarquable, déjà évoqué par Cyril Poupon, consiste à identifier quelles fibres vont constituer quels faisceaux, les faisceaux qui permettent la communication entre les neurones. Dans ce cas, on passe de la connectivité dite structurelle, -les câbles- à la connectivité dite fonctionnelle. C’est la communication entre les neurones par les signaux électriques qui s’effectue très rapidement, et surtout, cette communication est tout le temps active.

Même en l’absence d’une action ouverte ou d’une stimulation extérieure, il y a une activité neuronale, et en fait aussi mentale, très active. Cela donne un moyen, sans faire appel à un paradigme ou à une tâche particulière, d’investiguer cette communication, cette activité spontanée dans le cerveau, en interrogeant les fluctuations de cette activité spontanée, qui heureusement sont assez lentes, dans la durée. Si l’on fait cela pour un jeu de régions, on peut représenter la force de corrélation, de communication, le lien fonctionnel entre les différentes régions du cerveau. On passe d’une vision ségrégationniste du fonctionnement du cerveau à une vision beaucoup plus intégrative.

Pourquoi cela nous intéresse-t-il ? Si vous imaginez que dans un tel système fortement interconnecté il y a une lésion, par exemple un accident vasculaire cérébral (AVC), on pourrait très bien penser que les effets ne sont pas restreints à la région de la lésion, mais qu’ils se répercutent sur le reste du cerveau qui est resté intact. Nous avons étudié une population de témoins pour ensuite pouvoir étudier des patients individuellement, suite à un AVC. Les résultats font apparaître des arêtes qui représentent la communication spontanée, la communication intrinsèque du cerveau qui est altérée à la suite d’un AVC et cette altération semble liée aux conséquences fonctionnelles d’un AVC, comme par exemple une hémiparésie ou des troubles de l’attention.

Quelle est la nature exacte du lien avec ce que nous observons ? La communication interne altérée n’est-elle qu’un épiphénomène de la lésion ? Peut-être s’agit-il seulement de neurones perdus suite à la lésion qui déterminent le tableau clinique qu’on rencontre ? Comme on ne peut pas résoudre cette ambiguïté à un instant donné, on a fait un suivi longitudinal de l’AVC à 3 mois et à 6 mois.

On observe alors qu’il y a beaucoup moins d’arêtes plus tard, alors que la lésion reste la même. En parallèle, on note une amélioration du tableau clinique. Cela nous fait comprendre que, par ces outils de neuroimagerie, on peut obtenir un corrélat du tableau clinique du patient.

C’est intéressant pour comprendre les mécanismes de plasticité, la réorganisation, mais aussi pour évaluer d’éventuelles approches thérapeutiques.

C’est très important, parce que cela nous suggère aussi qu’éventuellement, ce n’est pas forcément en reconstituant des cellules perdues suites à l’AVC qu’on pourrait améliorer le tableau clinique, mais en modulant la communication interne dans le cerveau qui est restée intacte. C’est une approche fondamentalement différente.

Pourquoi nous sommes-nous intéressés par cette question ? J’ai représenté les maladies neurologiques dans la perspective des DALY (Desease-Ajusted Life Years), un paramètre utilisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour quantifier l’impact global des maladies. Les DALY sont déterminés par le nombre d’années perdues, soit à cause d’un décès précoce, soit à la suite d’un handicap sévère. On constate que pour les maladies neurologiques, les DALY liés aux AVC dominent largement l’impact des maladies, plus que toutes les autres maladies confondues, y compris la maladie d’Alzheimer. C’est la raison pour laquelle nous avons commencé une collaboration avec le professeur Yves Samson du service des urgences cérébro-vasculaires à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. C’est sans doute aussi pour cela que ce projet a été financé par la Fondation pour la recherche médicale.

M. Alain Claeys. Je vous remercie beaucoup, et donne la parole au professeur Marie Vidailhet.

Mme Marie Vidailhet, professeur des universités, praticien hospitalier, neurologue, chercheur au centre de recherche de l’ICM. C’est toujours très difficile de parler après des collègues qui ont dit des choses passionnantes et toutes vraies. Vous allez retrouver un certain nombre de mots clés dans ce que je vais dire aujourd'hui. En tant que neurologues, deux choses nous importent.

La première, c’est de prendre en compte les enjeux de santé publique, c'est-à-dire les maladies fréquentes. Ce graphique sur les DALY a permis de constater que parmi les maladies neurologiques en cause, il y a l’épilepsie et l’AVC déjà évoquée et la maladie de Parkinson dont on va maintenant parler. 150 000 personnes sont touchées en France par cette maladie. D’une part, c’est une maladie dont on connaît un certain nombre de lésions neuropathologiques, et

d’autre part, nous disposons de traitements pour prendre en charge les personnes atteintes, mais les résultats sont parfois incomplets ou varient (fluctuations thérapeutiques). En fait, c’est justement dans cette différence entre le résultat espéré par le patient et le résultat offert par la médecine, que le défi va se poser.

Nous sommes à une époque charnière où nous ne pouvons pas nous contenter des succès déjà obtenus, mais nous devons franchir les limites de la thérapeutique. Aussi, je voudrais attirer votre attention sur ce qui pourrait être fait, ou en tout cas, sur la manière d’envisager les problèmes et de procéder. Parmi eux, il y plusieurs points tels que la capacité prédictive des facteurs de devenir, et l’identification des facteurs de risque puisque tous les sujets ne sont pas égaux devant la maladie. C’est là-dessus que je vais m’arrêter dans un premier temps.

Le deuxième point, reviendra sur ce qu’ont expliqué nos collègues en imagerie fonctionnelle, à savoir comment percer les mécanismes qui sous-tendent les maladies et dont on ne perçoit rien en imagerie classique. Pourtant il se passe des choses extrêmement complexes et souvent néfastes à l'intérieur des circuits. Il s’agit donc d’une part, d’essayer de percer le mystère de la relation entre circuit et fonction, ou circuit et dysfonction, et d’autre part, d’essayer de savoir ce qui sera bénéfique à l'intérieur de ce circuit, et éventuellement compensateur, ou négatif c'est-à-dire un essai du système pour lutter contre la maladie qui pourrait être délétère.

À chaque fois qu’on pense plasticité, on pense à un système vertueux qui reconstruit et qui sera bénéfique, mais la plasticité peut être éventuellement négative, et donc il faut savoir comment on peut moduler – et vous avez vu qu’un autre mot clé était la modulation, de manière invasive, ou non invasive, c'est-à-dire non agressive.

Comment essayer d’obtenir une prédiction du pronostic des lésions

« invisibles » qui constituent la maladie ? En faisant une recherche combinée dans laquelle toutes les personnes autour de cette table sont alliées. Il faudra une recherche de marqueurs biologiques et génétiques, une recherche clinique avec l’évaluation motrice et non motrice, faite sans dichotomie entre le corps et l’esprit, des quantifications de troubles précis qui reflètent des dysfonctionnements sous-jacents (étude des mouvements oculaires et des troubles du sommeil). Il faudra quantifier, évaluer, prédire, éventuellement traiter la marche et les chutes qui sont des facteurs de handicaps sévères, de dépendance ensuite, de coût social et personnel enfin. Ce sont des problèmes importants de santé publique. L’IRM haute résolution, nous permet de détecter des anomalies, peut-être avant même que les personnes développent des symptômes.

Grâce aux techniques extrêmement sophistiquées qu’ils développent et en combinaison avec les marqueurs cliniques que nous étudions, nous pourrons peut-être arriver à savoir que les patients développeront des troubles particuliers. En prenant en charge ces patients un peu différemment, on espère les aider à

développer des mécanismes de compensation, et donc retarder un peu ces fameuses années dont on vient de parler.

En clair, avec tous ces éléments, il faut avoir une analyse intégrée, et peut-être identifier des groupes, des groupes de marqueurs, des groupes de profils, ou des profils de sujets en relation avec non seulement ces lésions, mais surtout les mécanismes qui sous-tendent ces lésions. Je vous donne deux exemples.

Dans le premier exemple, on recherchera des anomalies dans des structures du tronc cérébral qui sont en particulier en lien avec les troubles de la marche et de l’équilibre. Ces structures sont d’ailleurs analysées grâce à l’imagerie humaine en clinique et en recherche clinique par Stéphane Lehericy. Je remercie Cyril Poupon et NeuroSpin qui nous a permis d’obtenir ces belles images-. Ceci nous a conduits à une analyse comparative de la pathologie et des modèles animaux. Je fais ici un plaidoyer pour le couplage entre recherche chez l’humain et recherche animale, en particulier chez le primate, une manière d’aborder des mécanismes difficiles d’accès chez l’humain.

Dans le deuxième exemple, on abordera la stimulation cérébrale profonde qui a été développée de manière pionnière dans la maladie de Parkinson. Les mécanismes de la stimulation commencent à être élucidés, mais on ne connaît pas très bien le rôle de la densité cellulaire, aussi bien neuronale que gliale dans l’activité du réseau neuronal, dans l’activité de la thérapeutique. Je fais donc vraiment un plaidoyer pour l’électrophysiologie de la cellule de l’animal jusqu’à l’humain.

Que regarde- t-on? On regardera des circuits neuronaux et leurs fonctionnalités, des neurones mais également de la glie, et des connections, en particulier, une connectivité entre cortex et structure profonde, les noyaux gris centraux. Ce sont nos enjeux pour les maladies fréquentes. Aller vraiment à chaque étape, et avoir une recherche intégrée, à la fois imagerie et physiologie, les deux étant étroitement couplés.

Comment va-t-on moduler ces circuits une fois qu’on les a identifiés ? En quoi ont-ils un rôle négatif dans la maladie, ou positif ? C’est par exemple par la stimulation cérébrale non invasive. J’ai choisi pour exemple la stimulation magnétique transcrânienne. Je vous montre sur la vidéo un sujet tranquillement installé. On repérera la zone que l’on veut stimuler par neuronavigation. On peut choisir exactement la zone que l’on doit stimuler et moduler l’activité cérébrale, augmenter ou diminuer l’excitabilité cérébrale. Ainsi, on peut moduler cette plasticité cérébrale pour essayer d’aller dans un sens « vertueux », lutter autant que possible contre une plasticité cérébrale qui serait délétère, et ainsi modifier le mouvement anormal. Ces modulations sont importantes, car elles peuvent mettre en jeu des mécanismes de compensation.

De nombreuses questions restent à élucider. Comment éveiller une compensation ? Comment éteindre un processus délétère ? Et ceci en mettant en

jeu des méthodes non invasives et accessibles assez facilement. Or il existe déjà des techniques invasives (stimulation cérébrale profonde) très performantes. Cette modulation invasive va évidemment apporter un bénéfice thérapeutique. Sur la vidéo, vous voyez une dame qui va très mal, avec des mouvements anormaux très sévères. Ensuite, on la voit qui s’améliore énormément sous stimulation. Mais malgré le succès déjà obtenu, le principe est de reculer les frontières de la thérapeutique. Il faut essayer de comprendre à travers les circuits, éventuellement à travers des modèles animaux sur lesquels les circuits sont testés, quelles sont les autres cibles thérapeutiques que nous pouvons essayer de développer grâce à un affinement de la stimulation cérébrale profonde couplée à la physiologie et à l’imagerie.

M. Alain Claeys. Je vous pose une question stupide. À Grenoble, on a eu ces mêmes images. Les patients donnent-ils leur accord pour être filmés ?

Mme Marie Vidailhet. Alors oui.

M. Alain Claeys. Parce que moi, ça me choque de voir cela…

Mme Marie Vidailhet. Je comprends, mais je voudrais aussi vous expliquer dans quel esprit ces vidéos sont faites : les patients sont prêts à témoigner de l’effet bénéfique de la technique afin qu’elle soit accessible au plus grand nombre. Ces informations permettent de convaincre et de rassurer. Cette vidéo a été publiée dans The New England Journal of Medecine (un des plus lus et des plus prestigieux journaux médicaux), avec l’accord de la dame. Elle est accessible par toute personne qui peut entrer dans le site du journal, justement parce qu’elle l’a accepté, et l’a souhaité. Autrement, je n’aurais évidemment pas montré une vidéo, vous le comprenez bien, et surtout pas sans l’accord des personnes concernées.

La décision pour un patient de se faire opérer est difficile, il souhaite avoir des informations et des témoignages, et aussi se projeter dans l’avenir et répondre à la question « qu'est-ce que vous allez faire de cette récupération de fonction ? » Cette discussion est extrêmement difficile, même après discussion avec l’équipe médicale. Si d’autres patients ont la motivation de rendre accessible leur vidéo à une large assemblée, c’est justement pour véhiculer un encouragement, pour témoigner du parcours qu’ils ont fait, des avantages, mais aussi éventuellement des limites d’une technique, et d’aider d’autres personnes à s’engager dans cette recherche ou dans cette thérapeutique.

M. Alain Claeys. Je vous remercie de ces explications et donne la parole à Monsieur Charles-Ambroise Valery qui dirige l'unité de radio chirurgie, gamma-knife de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

M. Charles-Ambroise Valéry, neurochirurgien, directeur médical de