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Pour la période des années 369-374 pendant laquelle Amphiloque mène une vie ascétique, nous avons le témoignage de Basile de Césarée dans sa lettre 150 et celui de Grégoire de Nazianze dans sa lettre 25, la source principale pour trouver des informations importantes pour la vie ascétique d’Amphiloque.

Amphiloque a exercé le travail d’avocat jusqu'au 36982. Après, il prend une grande décision. Il va abandonner son travail comme avocat à Césarée et il va commencer une nouvelle vie. Son âme désire un mode de vie différent. Pour cette raison, il déménage à Ozizala, une bourgade de Cappadoce. La famille d’Amphiloque possédait un domaine à cet endroit83. Ozizala sera, à partir de maintenant, le nouvel endroit oùAmphiloque va mener une vie d’ascète. Comme Bonnet le souligne, « c’est

sans doute de cet ermitage qu’Amphiloque fut tiré pour être mis à la tête de l’Église d’Iconium en 374 »84

.

Le choix du lieu n’était pas sans valeur. Amphiloque s’engageait avec le désir de soigner la vieillesse de son père, qui résidait à Ozizala, et il avait aussi comme but, avec Grégoire de Nazianze et Basile de Césarée, de vivre en ascète à Ozizala85. À cette époque-là, il était naturel pour les enfants de soigner leur parents dans leur vieillesse.

Grégoire considère Ozizala comme un endroit idéal pour l’ascétisme. Selon lui, c’est un lieu paradisiaque où foisonnent des jardins, des rivières et des bocages. Une région notamment productrice des légumes, une nourriture parfaite pour des ascètes86

! À Ozizala, alors, Amphiloque mène une vie monastique et il partage son temps entre l’étude, la prière et les travaux manuels87

.

82 K. BONIS, « Grégoire le Théologien », Theologia 21, 1 (1950), p. 97.

83 AMPHILOQUE, t. 1, Introduction, p. 37. W. M. RAMSAY, The historical geography of

Asia Minor, London 1890, p. 20 et 295.

84 AMPHILOQUE, t. 1, Introduction, p. 45.

85 BASILE, Lettres II, lettre 150, 4, p. 75: « Je sais que, si tu n’étais pas retenu par le lien qui

t’attache aux soins à donner à la vieillesse de ton père, tu n’aurais pas toi-même rien préféré à l’entretien avec l’évêque, et que ne m’aurais pas conseillé de le laisser pour errer dans des solitudes ».

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GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Lettres I, lettre 26, p. 34 : « Que parcimonieusement nous

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D’après la lettre 150 de Basile, un certain Héraclidès visita Amphiloque à Ozizala. Mais quel était ce personnage ? Qu’est ce qu’il voulait faire dans un lieu érémitique ? La lettre 150 de Basile de Césarée À Amphiloque au nom d’ Héraclidès nous donne quelques éléments sur le sujet.

Héraclidès était un ami très proche d’Amphiloque, qui voulait vivre avec Amphiloque à Ozizala la vie monastique88

. En outre, Amphiloque, avant sa retraite à Ozizala, a formé avec son ami le projet de fonder ensemble une vie ascétique89

. Il est très probable qu’il était condisciple d’Amphiloque à Antioche, et que pendant leurs études ou leur travail dans le monde, ils avaient pris cette décision.

Quelque temps avant sa lettre, Héraclidès a rendu visite à Basile, à Césarée, chargé par Amphiloque, de l’« interroger sur l’attitude à adopter pour mener une vie

selon le Christ »90. La rencontre fut décisive pour Héraclidès, et il décida de rester auprès de lui. Il déclare qu’il a besoin « d’un maître éminent » et expérimenté91

. Pendant son séjour à Césarée, Basile conseille Héraclidès sur la vie monastique et le présente brièvement92

.

Basile a parlé àHéraclidès de la pauvreté, en fournissant des preuves tirées de l’Évangile. La première preuve était la parole de saint Jean le Baptiste, qui disait : «Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas» (Lc. 3, 11) et l’autre l’interdiction du Christ aux disciples concernant les deux tuniques. Basile a

richesse est en jardins, en cours d’eau, en bois, en vergers, et votre pays est luminifère, comme il est aurifère chez d’autres, et vous vous repaissez des plantes de prairies ».

87 AMPHILOQUE, t. 1, Introduction, p. 39. Voir aussi P.-J. THONEMANN, «Amphilochius of Iconium and Lycaonian Asceticism», The Journal of Roman Studies 101 (2011), p. 185-205.

88 BASILE, Lettres II, lettre 150, 1, p. 71: « En effet, bien que je sois le même par le cœur et

que je n’aie pas encore dépouillé le vieil homme, pas l’extérieur du moins et pour m’être éloigné des affaires du siècle je parais désormais avoir atteint en quelque sorte le seuil de la vie selon le Christ ».

89 DATEMA, Introduction, p. 10.

90 AMPHILOQUE, t. 1, Introduction, p. 44.

91 BASILE, Lettres II, lettre 150, 1, p. 71 : « Contre ces défauts je réfléchis que j’ai besoin

d’un maître éminent et qui ait de l’expérience ». 92

BASILE, Lettres II, lettre 150, 3, p. 74 : « Ce qu’il répondit, il ne nous était pas possible de

le garder dans notre mémoire, et cela dépasse la mesure d’une lettre. Mais, comme si nous résumions…».

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ajouté encore la déclaration du Christ : «Si tu veux être parfait, va, vends tes biens et

donne le produit aux pauvres»93 (Mt. 19, 21) et la parabole de la perle94.

Basile a donné également des conseils à Héraclidès sur la vie quotidienne du chrétien. Pour le chrétien, selon Basile, le besoin cardinal est l’exemple quotidien et pas les paroles :« Sur la façon dont il nous faut vivre chaque jour, il commença par

dire peu de choses, eu égard à la grandeur du sujet…Je me souviens de cette parole dans la foule de celles que j’ai entendues : l’enseignement sur la façon dont il faut que le chrétien vive n’a pas autant besoin de discours que de l’exemple quotidien »95

. À la fin de la lettre, Basile encourage Amphiloque à abandonner Ozizala et son père pour quelque temps, pour venir auprès de lui et bénéficier de sa sagesse, de son « intelligence » et deson expérience sur la vie monastique96

. Au fond Basile demande

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Cf. Voir aussi le début de la Vie d’Antoine par saint Athanase, où ce verset est utilisé pour l’entrée dans la vie solitaire. ATHANASE D’ALEXANDRIE, Vie d’Antoine, 2, 3-5, éd. G.J.M. Bartelink, SC 400, Paris 2004, p. 133-135 : « Le cœur occupé de ces pensées, il entra dans l’église, et il

se trouva qu’on lisait justement l’Évangile ; il entendit le Seigneur dire au riche : ‘Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et viens, suis moi, et tu auras un trésor dans les cieux’. Antoine, comme si le souvenir des saints, qu’il venait d’avoir, lui était venu de Dieu et comme si la lecture avait été faite pour lui, sortit aussitôt de la maison du Seigneur. Les biens qu’il avait de ses ancêtres, trois cents aroures de terre fertile et excellente, il en fit cadeau aux gens de son village pour n’en être pas embarrassé le moins du monde, lui et sa sœur. Il vendit aussi les biens meubles qu’ils possédaient, en reçut une somme assez importante et la distribua aux pauvres, à l’exception d’une petite réserve pour sa sœur ».

94 BASILE, Lettres II, lettre 150, 3, p. 74 : « Mais, comme si nous résumions, la mesure pour

la pauvreté était, disait-il, que chacun réduisît ses possessions à la dernière tunique. Et il nous fournissait des preuves tirées de l’Évangile. L’une était cette parole de Jean-Baptiste : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas ». Une autre était la défense que le Seigneur avait faite à ses disciples d’avoir deux tuniques. A ces témoignages il ajoutait encore celui-ci : « Si tu veux être parfait, va, vends tes biens et donne le produit aux pauvres ». Il disait aussi que tend à la même conclusion la parabole de la perle, cette histoire du marchand qui a trouvé la précieuse perle et qui est parti vendre tous ses biens pour l’acheter ».

95 BASILE, Lettres II, lettre 150, 4, p. 75.

96 BASILE, Lettres II, lettre 150, 4, p. 75 : « En effet les cavernes et les rochers nous

attendent, mais les secours qui viennent des hommes ne restent pas toujours près de nous. C’est pourquoi, si tu souffres que je te conseille, tu décideras to père à te permettre de t’éloigner de lui un peu de temps, et d’aller trouver un homme qui sait beaucoup de choses, grâce à son expérience des autres hommes, grâce aussi à sa propre intelligence, et qui est capable d’en apprendre beaucoup à ceux qui viennent le voir ».

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à Amphiloque de faire comme Héraclidès. Toutefois, le plan de Dieu était différent. Il sera appelé, très bientôt, à servir le clergé de l’Église.

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6. L’ACCÈS À L’ÉPISCOPAT D’AMPHILOQUE