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CHAPITRE 3 : PROBLÉMATIQUE LIÉE À LA VIRTUALISATION

3.1  Vers une nouvelle génération d’interfaces humain-machine 29 

Comme nous le mentionnions, il est difficile pour une interface de prétendre, en étant conçue pour un large groupe d’utilisateurs, à une certaine optimalité. Pour atteindre ce statut, une interface humain-machine doit restreindre son champ d’applications pour, idéalement, ne prendre en compte que les besoins d’un seul et unique individu. Il est ainsi sensé, pour qu’une interface soit considérée comme optimale pour un utilisateur donné, d’exiger que celle-ci exhibe, entre autres, les caractéristiques suivantes:

• une interface optimale doit être adaptée aux besoins actuels de l’utilisateur. Elle doit ainsi soit a) être conçue pour un utilisateur précis ou, alternativement, b) être adaptée, lors de son déploiement, pour répondre aux besoins de cet utilisateur; • une interface optimale doit aussi être adaptable, afin de répondre aux besoins

changeants de l’utilisateur, à court comme à long terme. Certes, concevoir une interface parfaitement adaptée aux besoins actuels d’un utilisateur est déjà très demandant mais, comme ces besoins risquent de changer rapidement, il serait souhaitable, ne serait-ce que d’un point de vue économique, qu’une interface optimale ne soit pas éphémère, condamnée à rester figée dans le temps, mais qu’elle puisse évoluer avec l’utilisateur;

• une interface optimale devrait, finalement et idéalement, être adaptative5 et

sensible à l’environnement ou à l’utilisateur, afin de minimiser les tâches d’adaptation manuelle et les interventions de ce dernier.

Les interfaces matérielles actuelles, génériques, ne présentent que rarement ces trois caractéristiques. En fait, seules les interfaces matérielles reposant en partie sur une interface logicielle peuvent exhiber ces trois caractéristiques, à certains degrés, car il leur est alors possible, par exemple, de modifier l’aspect et le contenu de leurs messages de sortie facilement, d’altérer leur logique, de réorganiser les boutons tactiles sur un écran selon l’historique d’utilisation, etc. Les autres interfaces, de par leur nature matérielle et donc statique, ne peuvent être adaptées aussi aisément aux besoins d’un utilisateur, et encore moins s’adapter d’elles-mêmes au fil du temps.

Le nouveau paradigme d’interactions humain-machine que nous proposons repose ainsi sur l’idée de mettre pleinement à profit la dimension logicielle qui permet actuellement à certaines interfaces matérielles de s’adapter à différents utilisateurs. En virtualisant une interface matérielle, cette thèse défend l’introduction d’un nouveau paradigme d’interaction où l’utilisateur contournerait les contrôles physiques propres à différents appareils, en tout ou en partie, pour dialoguer avec eux au travers d’une interface

5 déf. adaptative (ou auto-adaptative) : terme décrivant une interface capable de s’adapter d’elle-même à

virtuelle spécifique, par réalité interposée. Comme nous le verrons, ce concept pourrait ultimement être bénéfique sur trois plans: a) la conception, b) la mise à jour et c) l’utilisation de tels appareils, partie sur laquelle cette thèse met l’emphase.

3.1.1 Impacts sur le plan de la conception

En virtualisant une interface matérielle et en la dissociant ainsi des fonctionnalités mécaniques d’un appareil, nous compartimenterons, sur le plan technique, le développement de la machine et de son interface. Ceci permettra d’assouplir la conception de ces dernières, en minimisant les compromis souvent faits au dépend des interfaces pour accommoder le design technique (ex. : placement de boutons selon le routage électronique, modalités d’interactions tributaires des spécifications techniques, etc.). Même si cette scission ne pourra, à première vue, s’étendre à l’ensemble de leurs composantes, notamment au niveau de la localisation d’entités d’insertion et d’extraction d’artéfacts (ex. : localisation d’un lecteur de cartes), elle mènera majoritairement à l’apparition d’un espace de travail virtuel presque infini, en usant du monde réel comme espace d’affichage et d’interactions, s’affranchissant ainsi des limites des panneaux de contrôle actuels.

3.1.2 Impacts sur le plan de la mise à jour

Ce gain de liberté sur le plan de l’élaboration des interfaces se répercutera lors de leur évolution et simplifiera l’introduction de modifications éventuelles aux appareils sous- jacents. En effet, en recourant à des interfaces virtuelles purement logicielles, la mise à

jour des appareils ne sera plus tenue de prendre en compte les altérations matérielles à apporter au niveau des interfaces, pour communiquer avec celles-ci, et ces dernières, ne consistant plus qu’en une description de ressources, libres de leurs connexions matérielles, seront plus aisément modifiables. Ceci dit, comme notre étude tente d’abord d’établir la viabilité de cette nouvelle génération d’interfaces et se concentre donc principalement sur le plan de leur utilisation, nous laisserons le soin à d’autres recherches d’étudier leurs répercussions, tant au niveau de leur cycle de vie et de celui des appareils, des pratiques de conception, des coûts de développement et de mise à jour, etc.

3.1.3 Impacts sur le plan de l’utilisation

Sur le plan de l’utilisation, la virtualisation d’interfaces matérielles se répercutera à trois niveaux et pourra :

• favoriser la convergence des interfaces à l’intérieur et entre chaque classe d’appareils, sans nécessairement, à ce stade, prendre en compte les besoins spécifiques de chaque utilisateur. En fournissant des outils capables de lever les barrières matérielles contraignant les interfaces actuelles, et en permettant leurs modifications, la virtualisation semble pouvoir jouer le rôle d’un facilitateur dans la poursuite d’interfaces plus cohérentes et standardisées, pour un groupe ou un utilisateur donné;

• accroître l’adaptabilité des interfaces aux besoins de chaque utilisateur (préférences, handicaps visuels, différences culturelles, etc.). En effet, la

virtualisation semble apte à répondre aux limites actuelles des interfaces physiques traditionnelles, conçues pour un utilisateur moyen, qui n’existe plus [71], et difficilement adaptables, car intimement liées au matériel. Nous pourrons ainsi assister à la création de multiples variantes d’interfaces pour une même machine, spécifiques, minimales et accommodant la diversité des utilisateurs [72];

• éventuellement étendre à des appareils traditionnels le concept d’interfaces adaptatives, déjà implémenté dans certains systèmes informatiques, qui permettrait à chaque utilisateur de faire face à des interfaces virtuelles générées dynamiquement, évoluant avec lui, selon son historique, ses habitudes ou les données environnementales. Ceci viendrait alors rejoindre les mécanismes d’adaptation et de spécialisation selon l’utilisateur mis de l’avant pour les interfaces unifiées [71].