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3.1.1 Éléments de mise en œuvre réaliste d’une stratégie de

com-mande de la cellule

Nous cherchons ici un moyen de mettre en œuvre la stratégie optimale que nous avons présentée au chapitre précédent. Pour cela, on a notamment supposé pouvoir contrôler en temps réel l’expression de tous les gènes.

D’un point de vue pratique, contrôler en temps réel l’expression d’un gène peut se faire par l’intermédiaire de facteurs de transcription, via leur effecteur. En introduisant un effecteur dans le milieu, celui-ci va se lier à un facteur de transcription particulier présent dans la cellule. Le complexe effecteur-facteur de transcription va réagir avec le promoteur du gène à transcrire et moduler la transcription du gène, soit en l’inhibant, soit en la stimulant activement. Le nombre des facteurs de transcription connus à ce jour reste limité [63]. Dès lors, il ne va être possible d’agir que sur un nombre très limité de gènes.

Comme présenté dans [31], le réseau de régulation d’un organisme comme Bacillus sub-tilis est très structuré. Outre les facteurs sigma qui permettent de changer complètement de programme (voir annexe A), les quelques milliers de gènes se partagent finalement un nombre restreint de régulation. En agissant directement sur ces régulations, il est possible de choisir le programme que l’on souhaite que la bactérie effectue.

Comme indiqué en annexe A, un des mécanismes principaux qui permet à la cellule de moduler l’expression de ses gènes est lié au taux spécifique de croissance. Nous pouvons alors envisager d’adopter une commande de l’expression des gènes qui dépende du taux spécifique de croissance. Ceci rend la commande du procédé réalisable. Nous appellerons ces contraintes, des contraintes d’implémentation.

Concernant les processus métaboliques (ΣT, ΣBet ΣP dans le cadre du modèle agrégé), dans la plupart des cas, dès lors qu’une protéine est au contact de son substrat, le processus qu’elle catalyse se produit. Des exceptions peuvent avoir lieu, en particulier via la régulation des processus par le produit du processus. Typiquement, un processus de production d’un composé intracellulaire sera inactivé dès lors que la concentration de ce composé atteint un seuil.

3.1.2 Relation entre ν

Ei

et µ dans le cas d’un gène constitutif

L’objectif de cette partie est de donner une justification du lien entre les flux de production de protéines et le taux spécifique de croissance. Nous donnons des éléments biologiques qui permettent de justifier ces liens pour les gènes constitutifs, c’est-à-dire qui ne sont pas régulés.

L’annexe A présente les étapes principales de la synthèse des protéines. On peut rappeler le fait qu’un gène est transcrit par les ARN-Polymérases en un ARN messager qui est ensuite traduit par les ribosomes en protéine.

Considérons un gène constitutif. On note gi son nombre de copies présentes dans la cellule, mi(t) la concentration des ARN messagers issus de la transcription de ce gène à

3.1. Vers une conception rationnelle de souche 109

l’instant t, Ei(t) la concentration des protéines issus de la traduction des messagers de ce même gène. La dynamique de mi(t) et Ei(t) s’écrit :

 ˙mi(t) = νmi(t) − δmi(t) ˙

Ei(t) = νEi(t) − µ(t)Ei(t) (3.1.1)

où νmi(t) est le flux de transcription du gène, νEi est le flux de traduction des protéines, δ est le taux de dégradation de l’ARN messager, µ(t) le taux spécifique de croissance.

Différents travaux comme ceux récents de Gerosa et al. [29] pour la transcription et ceux de Borkowski et al. [11] [12] pour la traduction, permettent de déduire les expressions suivantes des flux νmi et νEi :

       νmi(t) = αm,i [P olf] [P olf] + Km,i gi νEi(t) = αE,i [Rf] [Rf] + KE,i mi(t) (3.1.2)

où [P olf] est la concentration en ARN-Polymérase libres, [Rf] est la concentration en ribosomes libres, αm,i, Km,i, αE,i, KE,i sont des paramètres positifs.

En supposant que mi est à l’équilibre, on peut écrire : mi = 1

δνmi (3.1.3)

Puis, en injectant cette relation dans (3.1.2), il vient : νEi = αE,i [Rf] [Rf] + KE,i 1 δνmi (3.1.4) ou encore, d’après (3.1.2), νEi = αE,iαm,igi 1 δ [Rf] [Rf] + KE,i [P olf] [P olf] + Km,i (3.1.5) Par ailleurs, d’après les travaux de Bremer et Dennis [14], la concentration [P olf] est croissante avec le taux spécifique de croissance. De façon parallèle, les travaux de Borkowski [11] montrent que la concentration [Rf] est décroissante en fonction du taux spécifique de croissance. De sorte que le flux νEi est le produit entre :

— une fonction croissante par rapport au taux spécifique de croissance : [P olf]

[P olf]+Km,i

— une fonction décroissante par rapport au taux spécifique de croissance : [Rf]

[Rf]+KE,i

— un terme de modulation : αE,iαm,igi1δ

En fonction des paramètres KE,i et Km,i, on peut avoir des allures de νEi en fonction du taux spécifique de croissance qui sont soit croissantes, soit décroissantes, soit station-naires, soit paraboliques (croissants puis décroissants, ou inversement).

De cette caractérisation, on conclut que le flux de production de protéine constitutives peut être localement approximé par un polynôme en fonction du taux spécifique de croissance.

3.1.3 Choix de la paramétrisation pour le modèle agrégé

Nous revenons au modèle agrégé développé au chapitre précédent et souhaitons ca-ractériser à présent la perte d’optimalité à forcer des gènes à être constitutifs. Pour cela, il est possible d’ajouter au modèle les notions de messagers, de ribosomes libres, d’ARN-polymérases, etc. comme on vient de le faire.

Néanmoins, pour rester dans un contexte général et simplifié, on va simplement ajou-ter des contraintes entre les flux de production de protéines et le taux spécifique de croissance. La question est de choisir une paramétrisation adaptée à la simplicité du modèle agrégé.

Étant donnés les profils des concentrations en protéines en fonction du taux spécifique de croissance donnés par la méthode RBA, c.f. figure 2.6 du chapitre précédent, on va approcher les concentrations en protéines dans la cellule à l’état stationnaire par des polynômes du deuxième ordre par rapport au taux spécifique de croissance :

¯

Ei(µ)/αEi = aiµ2+ biµ + ci (3.1.6) En passant la relation (2.1.10) (i.e. ˙Ei(t) = αEiνEi(t) − µ(t)Ei(t)) à l’équilibre, on obtient :

αEiν¯Ei = µ ¯Ei (3.1.7)

Ainsi, en reportant l’approximation polynomiale (3.1.6), on aboutit finalement à pa-ramétrer les νEi(t) à tout instant de la manière suivante :

νEi(t) = νEi(µ(t)) = aiµ(t)3+ biµ(t)2+ ciµ(t) (3.1.8)

3.1.4 Choix des gènes constitutifs dans le cadre du modèle agrégé

Il importe de déterminer quels gènes peuvent être considérés comme constitutifs dans la modélisation agrégée.

La relation (3.1.8) établit une contrainte réaliste sur le flux de production des gènes constitutifs. Dans le cas de notre modèle agrégé, on supposera que la protéine EB est une protéine constitutive. En tant que protéine d’un processus d’import et de dégradation, on peut considérer que la protéine ET est contrôlée par la présence ou l’absence de substrat G dans le milieu. Comme notre étude est restreinte au cas où il n’y a que ce substrat G dans le milieu, on considérera que ET est constitutive. Concernant les ribosomes, ER, il semble difficile de négliger l’effet de la protéine relA (présenté en annexe A) sur la ré-gulation de la production en machineries de traduction. On ne peut donc pas considérer que ER soit constitutive.

Pour ce qui est de la protéine EP, nous allons supposer que son expression est donnée par le taux de croissance (i.e. constitutive). Ainsi, il y aura simplement à concevoir un gène et à l’introduire dans la cellule pour que la cellule produise EP. Pour étudier l’impact d’actions supplémentaires, on pourra éventuellement envisager des techniques de régulations supplémentaires pour EP, comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre.