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Vers des Bétons Isolants Structurels Autoplaçants (BISAP)

Comme nous venons de le voir, l’introduction des Bétons Isolants Structurels a été pensée de telle façon à rajouter un aspect isolant au béton sans dégrader ses propriétés d’usage, à savoir sa rhéologie, sa résistance mécanique et sa durabilité. Si le niveau « Isolant » est défini par les classes de conductivité thermique, une définition n’est pas donnée pour le niveau « Structurel ». On considère généralement un béton ayant une résistance en compression à 28 jours de 25 MPa minimum comme tel. Une définition est toutefois donnée par l’American Concrete Society (ACI) dans leur guide des bétons structurels formulés à base de granulats légers [53] : est considéré comme tel un béton dont la résistance mécanique à 28 jours est au

minimum égale à 17 MPa et dont la masse volumique sèche est située entre 1120 kg/m3 et

1920kg/m3. Cette définition ne vaut pas spécification étant donné que les exigences requises

pour un béton léger peuvent varier très largement d’un projet à l’autre. Nous définissons donc logiquement cet aspect structurel dans notre étude par une classe de résistance mécanique minimale LC20/22 (LC : Lightweight Concrete, de résistance caractéristique sur cylindre/cube 20/22 MPa).

En général, les résistances obtenues en utilisant des granulats légers sont plus faibles que celles que l’on aurait obtenues avec des granulats de densité normale. Celles-ci restent néanmoins intéressantes et des valeurs aussi importantes que 60 MPa peuvent être obtenues [54]. Le talon d’Achille de ces bétons réside dans la rigidité 1/3 à 2/3 plus faible que celle d’un béton classique, induite par la structure caverneuse des granulats légers. Cette limitation réduit leur utilisation à des applications verticales ; une application en éléments horizontaux impliquerait un risque de flèche importante et une médiocre isolation phonique aux bruits solidiens. Leur application pour traiter les ponts thermiques au niveau des balcons reste cependant envisageable. Les mécanismes régissant les propriétés mécaniques des bétons à base de granulats légers seront abordés dans les chapitres suivants.

39 A ces propriétés Isolante et Structurelle peut être rajouté un caractère autoplaçant pour une meilleure facilité de mise en œuvre. Cette particularité, en plus de l’aisance technique qu’elle engage, permet de s’affranchir du problème de ségrégation des granulats légers. Ces bétons allient donc fluidité, résistance mécanique et isolation thermique : des Bétons Isolants Structurels Autoplaçants (BISAP). La particularité des BAP réside dans l’utilisation d’un volume de pâte plus élevé et une fraction granulaire plus faible que celles d’un béton vibré pour garantir la fluidité souhaitée. En général, pour limiter les coûts, un volume plus important d’additions que celui autorisé par la norme NF EN 206/CN es utilisé (Figure 2.7).

Figure 2.7. Composition des bétons vibrés et BAP [55]

Allier ces trois performances rend la formulation des BISAP complexe dans la mesure où chaque propriété exige certains prérequis dans la composition du mélange qui ne sont pas favorables pour les deux autres. A titre d’exemple, nous avons vu dans la synthèse bibliographique introductive qu’une fraction volumique importante de gravillons légers et une porosité connectée grossière constituaient des facteurs favorables pour une meilleure conductivité thermique. Or, cela détériore les propriétés mécaniques du béton - en particulier sa rigidité -, ne permet pas d’obtenir l’ouvrabilité recherchée et rend le mélange plus prompt à ségréger. Une porosité plus grossière conduira également à de faibles performances mécaniques. En plafonnant le volume des granulats légers dans le béton, comment optimiser la composition de la matrice cimentaire de telle sorte à pouvoir continuer à réduire la conductivité thermique du mélange tout en conservant des propriétés d’écoulement et mécaniques acceptables et tout en respectant une démarche prescriptive au sens de la norme actuelle? Idéalement, il s’agirait d’introduire des éléments fins, significativement légers et isolants, dont les propriétés intrinsèques ne viendraient pas détériorer de manière significative la viscosité du mélange ni sa fluidité, et ne dégraderaient pas sa résistance mécanique ni sa rigidité ; ou du moins permettraient de garder un compromis intéressant entre les trois performances recherchées. Les bétons formulés garderaient également une bonne durabilité dans le temps. Pour répondre à cette question, nous sommes allés regarder au-delà des matériaux traditionnellement utilisés dans des compositions cimentaires. A cet effet, les cénosphères, sous-produit de la combustion de charbon lors de la production de cendres volantes ont été retenues pour ces travaux de recherche. Une caractérisation précise de ces matériaux et de leur utilisation dans une matrice cimentaire sera abordée au chapitre suivant.

40 Dans ce second chapitre, nous avons introduit les grandeurs physiques nécessaires pour une caractérisation complète des phénomènes de ponts thermiques. Nous avons ensuite brièvement analysé l’impact de l’utilisation d’un béton structurel, mais de conductivité thermique significativement plus faible que celle d’un béton dit classique, comme voile de façade sur les déperditions de chaleur dues aux ponts thermiques. Sur une jonction plancher intermédiaire/voile de façade en ITI, nous avons montré par une simulation numérique que diviser la conductivité du béton de façade par 5 permettait de réduire le pont thermique de moitié. Le traitement de ces points singuliers de l’enveloppe permet une meilleure rentabilisation de l’isolation et une économie significative sur les frais de chauffage engagés. Cette valeur ajoutée intéressante a conduit à une révision du référentiel de certification des BPE afin de pouvoir certifier la conductivité thermique des bétons et définir des niveaux ainsi que les méthodes de mesure de ce paramètre d’un point de vue normatif. Lorsqu’ils sont destinés à améliorer l’isolation de l’ouvrage, l’appellation de Bétons Isolants Structurels est utilisée. Ces derniers sont, par définition, des bétons à squelette granulaire léger. Dans nos travaux, nous rajoutons également l’aspect Autoplaçant pour une mise en œuvre plus aisée. D’un point de vue de formulation, allier l’aspect autoplaçant, d’isolation thermique et de résistance mécanique est complexe. La satisfaction de ces trois critères nous a orienté vers l’utilisation de « nouveaux » matériaux : les cénosphères de cendres volantes. Dans la suite de nos travaux, nous caractérisons plusieurs formules de BISAP dont le pouvoir d’isolation apporté par le squelette granulaire léger est complété par les cénosphères. Une caractérisation détaillée des cénosphères et les résultats de formules exploratoires sur mortier sont d’abord présentés ; l’accent est ensuite mis sur la compétition des aspects isolant et structurel de ces bétons.

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EVALUATION DU COMPROMIS

THERMOMECANIQUE DES MORTIERS

AVEC CENOSPHERES : FORMULES

EXPLORATOIRES

Le mot cénosphères résulte de la combinaison de deux mots grecs : kenos (creuses) et sphaera (sphères), ce qui décrit littéralement leur nature. Ces microsphères creuses sont issues du même process d’obtention des cendres volantes et sont présentes à hauteur de 0.5 % à 5 % du total de la production, avec une gamme de granulométrie étalée [56],[57]. Les cénosphères ont la particularité d’être très légères, parfois moins denses que l’eau, et possèdent un pouvoir d’isolation thermique et acoustique important. Leur forme sphérique les rend très intéressantes d’un point de vue rhéologique. Ces propriétés font que les cénosphères trouvent des applications dans plusieurs domaines de l’industrie. Pour ne citer que quelques exemples, elles sont utilisées pour améliorer l’isolation thermique et phonique des enduits et des peintures, sont intégrées dans des thermoplastiques et thermodurcissables afin de les rendre plus légers et plus résistants, ou encore dans le domaine du camouflage militaire, où elles sont utilisées pour développer des masques capables de camoufler la chaleur émise par le corps d’un soldat [58]. Dans les différents domaines industriels où les cénosphères sont utilisées, on retrouve une fin commune : la production de produits finis plus légers et plus isolants. L’utilisation d’un matériau nouveau dans une matrice cimentaire nécessite une bonne maîtrise de ses propriétés intrinsèques afin de les corréler correctement aux propriétés globales obtenues à l’échelle du matériau cimentaire final. Avant d’utiliser les cénosphères à grande échelle dans le béton, il nous a paru utile de débuter notre recherche par une étude complète sur mortiers avec trois différentes granulométries de cénosphères. Une brève revue bibliographique des propriétés des cénosphères et de leur apport dans la formulation de matériaux isolants et structurels est d’abord présentée. L’accent sera ensuite mis sur une caractérisation mécanique, thermique et microstructurale de mortiers cimentaires incorporant les trois granulométries de cénosphères

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3.1. Les cénosphères dans une matrice cimentaire : données