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4 PERSPECTIVE DE RECHERCHE SUR LES FILTRES PLANTES

4.2 Verrous scientifiques associés

4.2.1 Colmatage

La problématique du colmatage des filtres plantés est d’intérêt depuis de nombreuses années, au niveau international, mais n’a pas pu aboutir à une description fine de la dynamique des processus. Une avancée a été réalisée dans les travaux de Samso et al., (2015) sur la partie de la modélisation du colmatage biologique dans les filtres à écoulement horizontal. Or le système français, avec une alimentation en eaux usées brutes, de fortes charges appliquées et l’alternance de période d’alimentation et de repos, est particulier. Compte tenu du nombre importants de filtres en fonctionnement en France, il est de plus en plus urgent d’étudier la dynamique du colmatage de ces systèmes afin de s’assurer de la mise en œuvre des conditions de fonctionnement et de gestion des ouvrages permettant d’éviter des colmatages précoces. Non seulement le colmatage biologique sera à étudier mais également le colmatage physique (capture des MES) ainsi que la dynamique de minéralisation de la matière organique accumulée. Il y a, sur cette thématique, des liens forts à construire avec le laboratoire LGCIE de l’INSA de Lyon.

4.2.2 Modélisation

La modélisation mécaniste est un outil qui permet d’intégrer l’ensemble des connaissances acquises sur les processus de traitement. Face à la complexité des phénomènes mis en jeu dans les filtres plantés, continuer de travailler sur la modélisation mécaniste est une nécessité afin de lier l’ensemble des expérimentations réalisées. Cette tâche, prise en charge pour l’équipe par mon collègue Nicolas Forquet, devra être poursuivie et approfondie.

En premier lieu, au regard des différents travaux réalisés au niveau international sur la modélisation des filtres plantés (Meyer et al. 2015), il semble nécessaire de mutualiser les forces des quelques équipes internationales travaillant sur la modélisation mécaniste. Ce travail a déjà été initié entre l’Université Polytechnique de Catalogne et Irstea et doit l’être à plus grande échelle. Ceci nécessite une coordination des travaux ainsi que le maintien d’une dynamique difficilement réalisable par des experts de modélisation sous des contrats temporaires. Compte tenu des travaux que nous avons réalisés dans ce domaine ces 6 dernières années, et grâce à l’intégration pérenne de Nicolas Forquet dans l’équipe fin 2009, et ses compétences dans le domaine, il me semble pertinent qu’Irstea prenne en charge ce travail dans les années à venir.

Au niveau international, les travaux de modélisation se sont accrus en utilisant ou développant des modèles différents. Une des contraintes de certains modèles, notamment Hydrus CW2D qui est largement utilisé dans le domaine, est de ne pouvoir avoir accès au code et donc de le faire évoluer. Or, nous avons montré les limites que peut avoir son utilisation pour simuler les processus impliqués dans les filtres plantés. L’intérêt de mutualiser les forces se trouverait renforcé si la communauté scientifique s’attachait à travailler sur un modèle ouvert comportant différents modules suivant les mécanismes que les utilisateurs voudront représenter. Cela permettrait de faire évoluer dans le temps un même modèle sans recommencer des travaux déjà réalisés. Le logiciel COMSOL est une solution pour avancer dans cette direction mais comporte l’inconvénient de ne pas être libre. Des questions et des choix sont donc à réaliser dans un futur proche.

L’ensemble des travaux nécessaires pour optimiser les modèles sont nombreux. On l’a montré pour le système français, ils concernent aussi bien une meilleure prise en compte de l’hydraulique hétérogène, du transport solide, de la problématique de colmatage, qu’une validation des processus biologiques (issus de l’expérience des boues activées, ASM) et de l’aération. De nombreux travaux ont déjà été réalisés mais généralement les modèles sont calés pour des expérimentations de court terme sur un système bien précis. L’élargissement à des contextes différents (type de granulométrie, profondeur des matériaux, charges appliquées, conditions climatiques …) est généralement délicat (Morvannou et al., 2015b). Cela montre l’étendue des travaux qu’il reste à réaliser. Il faudra pour cela définir des méthodes robustes de calage et de validation des modèles ainsi que développer des outils expérimentaux spécifiques pour une meilleure compréhension des processus. L’arrivée des outils de microbiologie moléculaire en font partie mais d’autres sont également nécessaires notamment pour mieux caractériser la dynamique de colmatage des ouvrages.

De même un nouveau domaine sera à développer également dans les années futures, lié à l’arrivé des systèmes d’aération forcée. Si nous avons au sein de l’équipe des spécialistes de la modélisation de l’aération des boues activées, ce champ est nouveau dans le domaine des filtres plantés. Il conviendra donc d’intégrer leurs compétences de manière à bien représenter les transferts d’oxygène dans les filtres, l’impact sur l’hydraulique et définir des règles de dimensionnement de contrôle de l’aération pour atteindre des objectifs ciblés.

La modélisation mécaniste est, certainement pour quelques années encore, délicate de prise en main pour l’ingénierie. Même si cela reste un objectif à long terme, il faudra continuer le travail parallèle de développement de modèles simplifiés d’aide à l’ingénierie. Cela concerne aussi bien des modèles d’aide au dimensionnement pour des systèmes ou contextes (temps de pluie par exemple) précis, que des modèles d’aide au choix des systèmes d’assainissement. En effet, aussi bien les bureaux d’études que les gestionnaires ont besoin d’analyses globales pour déterminer quels sont les meilleurs choix stratégiques (réseaux d’assainissement - stations d’épuration - usage) et techniques (quel systèmes de traitement) à réaliser. Cette approche devra être couplée avec des travaux sur l’analyse du cycle de vie avec nos collègues d’Irstea de Montpellier spécialistes des ACV. Ces travaux serviront non seulement au contexte français mais pourront être étendus dans l’objectif de transférer ces connaissances aux pays du sud où les problématiques d’assainissement sont criantes et où les capacités financières sont faibles.

4.2.3 Nouveaux outils pour l’amélioration des connaissances

De nombreux outils expérimentaux peuvent être cités pour détailler le comportement du cœur des systèmes. Ce qui concerne l’hydraulique a déjà été discuté (cf. paragraphe 3.1.1.2) et l’effort doit être poursuivi. De nouvelles sondes physico-chimiques sont apparues ces dernières années comme les sondes redox et oxygène in situ. Ces mesures, comme les

mesures en ligne des polluants (sondes spécifiques NH4/NO3 ou sondes

spectrophotométriques) ont permis des avancées dans la compréhension des mécanismes. Elles devront encore être utilisées de manière systématique et associées à des études métrologiques spécifiques pour fiabiliser l’information que nous pouvons en tirer. Cependant, elles ne permettent pas d’avoir accès à des informations liées à la biologie ni à la dynamique de la matière organique accumulée au sein des ouvrages. Pour cela on peut citer deux pistes qui ont fait leur apparition ces dernières années.

Les outils de microbiologie moléculaire se sont largement généralisés dans les sciences de l’environnement, et utilisés depuis peu dans le domaine des filtres plantés. Ils permettent d’étudier aussi bien l’activité que la diversité des communautés microbiennes. Certaines techniques permettent de quantifier les biomasses. En généralisant l’usage de ces techniques nous pourrons avoir des données internes aux systèmes pour évaluer la dynamique et l’hétérogénéité de la distribution des communautés bactériennes en fonction de différents dimensionnements d’ouvrages de traitement, des conditions de fonctionnement et des contextes environnementaux. Nous avons initié cette approche dans le cadre de la thèse de Daniele Damasceno-Silveira (2015, en cours de valorisation), afin de, à échelle pilote et taille réelle, de quantifier les variations spatiales (distances à un point d’alimentation, profondeur) et temporelles (cycle alimentation/repos, saisons, âge des filtre) des populations bactériennes par différents types d’analyses (PCR, DGGE, qPCR et séquençage). Ce travail est une première phase qu’il faudra poursuivre. Cela sera non seulement un moyen de mieux comprendre les processus mais aussi de pouvoir discuter du réalisme des modèles mécanistes par des mesures internes des communautés bactériennes. L’usage de ces outils et de leur interprétation nécessite une connaissance approfondie de ce domaine que nous ne pouvons développer au sein de l’équipe. Il sera donc nécessaire de construire des collaborations de long terme avec des équipes de microbiologistes.

Un autre domaine en émergence est lié à l’activité électrochimique des micro-organismes. Plusieurs recherches sont réalisées dans le domaine du traitement des eaux usées pour soit produire de l’électricité, soit améliorer les performances de traitement. Dans le domaine des filtres plantés les recherches sont moins nombreuses. Là encore cela nécessite un fort investissement que l’équipe ne peut entreprendre. En revanche, en lien avec les activités de l’équipe, il pourrait être intéressant d’explorer l’activité électrochimique des micro-organismes pour étudier la dynamique du colmatage des ouvrages et pourquoi pas à terme le contrôler. Les liens tissés avec l’UPC (Université Polytechnique de Catalogne) sur la modélisation pourraient s’étendre à ce domaine compte tenu de leurs connaissances avancées.

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