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3 RAPPORT DE RECHERCHE

3.1 Vers une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le

3.1.1 Phénomènes hydrauliques

L’étude de l’hydrodynamique des filtres a nécessité d’introduire de nouveaux outils en provenance des sciences du sol et de techniques classiques du génie des procédés. Certaines de ces techniques ont été introduites pendant mon doctorat (Molle, 2003) lors de l’étude des limites hydrauliques des FPR et ont été développées par la suite lors des différents programmes de recherches de l’équipe.

3.1.1.1 Apport du génie des procédés

L’approche de type « génie des procédés », compétence historique du thème de recherche sur le traitement des eaux d’Irstea, a été développée par la mise en place systématique de mesure des vitesses d’infiltration des bâchées ainsi que par des traçages hydrauliques.

La mesure de vitesse d’infiltration a été mise en place, par des sondes ultra son, de manière à quantifier l’aptitude du milieu à infiltrer des lames d’eau. Très utile d’un point de vue opérationnel pour déterminer les limites hydrauliques physiques des filtres, ces mesures ont mis en évidence plusieurs phénomènes (Molle et al., 2006 – cf. annexes article 2) comme le rôle mécanique des roseaux, l’impact du mode d’alimentation sur l’infiltration ainsi que les couches hydrauliquement limitantes des ouvrages de traitement.

Ces mesures ont été poursuivies par la suite dans différents travaux de thèse (Troesch, 2009 ; Vincent, 2011 ; Fournel, 2012 ; Arias, 2013) et de diagnostic pour différents types d’application. Elles sont devenues une sorte de routine pour les approches hydrauliques mais ne représentent finalement qu’une mesure externe ne permettant pas d’avoir accès au processus internes du milieu poreux.

En parallèle, les techniques de traçage hydraulique communément utilisées au sein du thème de recherche « traitement des eaux résiduaires » sur des systèmes intensifs ont été appliquées aux filtres plantés de roseaux (Molle, 2003). Compte tenu du mode discontinu des alimentations (bâchées, période d’alimentation/repos), une adaptation de la méthodologie et de l’analyse des données a été nécessaire. Ces traçages ont fourni des informations intéressantes non seulement sur les temps de séjour de l’effluent au sein des filtres mais aussi sur les échanges eau gravitaire – eau stagnante et leur variation en fonction des matériaux utilisés ou des conditions d’opération. Suivant le type de matériau utilisé, sa profondeur, le taux de matière organique accumulée en son sein (donc l’âge du système) ainsi que la fréquence et lame d’eau des bâchées il a été possible de quantifier la part de l’eau qui s’écoule rapidement et celle échangée, et les conséquences sur les performances de traitement notamment pour la nitrification ou l’élimination des germes pathogènes (Torrens et al., 2009 a et b). A titre d’exemple, la Figure 6 montre la distribution des temps de séjour sur un filtre à écoulement vertical librement drainé pour une même charge hydraulique et différents fractionnement de bâchées (Torrens et al., 2009b). Il permet de mettre en évidence l’incidence du mode opératoire sur l’ampleur des passages préférentiels. Ces passages préférentiels impactant beaucoup la vitesse de récupération des premières fractions du traceur, on peut en évaluer l’impact sur les performances épuratoires en traçant le temps nécessaire pour récupérer 10 % du traceur (cf. Figure 7 pour un exemple sur les coliformes fécaux).

Figure 6 : Distribution des temps de séjour d’un système de FPR vertical type deuxième étage pour différents fractionnements de bâchées et une charge hydraulique similaire (Torrens et al., 2009b)

Figure 7 : Abattement des Coliformes Fécaux en fonction du temps de récupération de 10 % du traceur (Torrens et al., 2009b)

Si les traçages permettent d’entrevoir les mécanismes hydrauliques internes au système, ils ne sont qu’une visualisation globale de mécanismes locaux et ne peuvent apporter de renseignements précis sur la dynamique de ces mécanismes. Pour aller plus loin, des outils issus de la science du sol ont été développés dès mes travaux de thèse et dans les travaux qui ont suivi. Face au potentiel de ces outils, leur utilisation a été plus intensive grâce au recrutement d’un chercheur dans l’équipe pour intensifier les travaux de modélisation et de métrologie spécifique (Nicolas Forquet – 2009).

3.1.1.2 Apport des sciences du sol

Une des premières techniques, issues des sciences du sol, utilisée a été la tensiométrie pour mieux comprendre la dynamique de la teneur en eau dans le milieu ainsi que le rôle de chacune des couches du filtre sur les écoulements. D’une manière schématique, deux grandes phases du comportement hydraulique des filtres alimentés en eaux usées brutes ont été mises en évidence (cf. Figure 8):

• Période où les roseaux sont peu ou pas développés :

Pendant cette période les écoulements sont régis par la conductivité hydraulique de la couche de dépôt et du gradient de pression induit par la hauteur d’eau et la succion à l’intérieur du filtre. L’ensemble assure un régime relativement stable de l’infiltration. Les surcharges hydrauliques se manifestent principalement par une élévation de la hauteur de submersion. L’ensemble, couche de dépôt et gradient de pression, assure un frein hydraulique pour la partie inférieure du filtre.

• Période où les roseaux sont pleinement développés :

La croissance des roseaux et leur oscillation permet la formation d’espaces libres à l’écoulement autour des tiges. La conductivité hydraulique de la couche de dépôt s’en trouve

augmentée. En contrepartie, l’humectation des couches inférieures est facilitée lors de surcharges hydrauliques, et le gradient de pression est alors plus faible.

Figure 8 : représentation schématique des conditions d’écoulement dans les filtres à écoulement vertical du premier étage (Molle, 2003)

In fine, le rôle mécanique des roseaux quant à l’acceptation hydraulique a pu être quantifié

(cf. Figure 9). C’était un paramètre majeur pour adapter la filière aux réseaux unitaires et accepter les charges de temps de pluie (cf. paragraphe 3.2.1.1).

Figure 9 : vitesses d’infiltration moyennes des bâchées au cours du cycle d’alimentation (Molle et al., 2006)

Ce type de mesure apporte des enseignements sur les processus qui se déroulent à l’intérieur du filtre mais analyse des phénomènes locaux. Par conséquent, l’hétérogénéité horizontale des caractéristiques des filtres (taux de matière organique, hauteur du dépôt, distribution de l’eau …) rend l’extrapolation de ces mesures à l’ensemble du filtre compliquée.

Pour obtenir une vision intégrative des écoulements, une technique de tomographie (Résistivité électrique) a été mise en œuvre. Celle-ci a été initialement utilisée dans le cadre de travaux visant à développer des outils de diagnostic in-situ et non destructif des systèmes d’infiltration percolation de l’assainissement non collectif (thèse de L. Rolland, 2009). Outre l’intérêt de pouvoir localiser et déterminer les dimensions d’un filtre enterré, la résistivité électrique permet également de représenter une section verticale du filtre et donc de visualiser les hétérogénéités en terme de teneur en eau et d’écoulement ou de colmatage du filtre, et leur évolution dans le temps (cf. Figure 10).

Profondeur Charge totale 0 Ks1 et ∆H Profondeur Charge totale 0 Ks1 et ∆H Profondeur Charge totale 0 Ks2 > Ks 1 et ∆H Profondeur Charge totale 0 Ks2 > Ks 1 et ∆H

Figure 10 : Evolution des profils résistifs d’un filtre au fil du temps en 2006, 2008 et 2009 du haut vers le bas (Rolland, 2009).

Grâce à l’arrivée de Nicolas Forquet dans l’équipe fin 2009, cette technique a été approfondie aussi bien pour l’assainissement non collectif (Forquet and French, 2012) que pour les filtres plantés de roseaux (dans le cadre de la thèse d’Ania Morvannou, 2012). L’hétérogénéité de la distribution des eaux à la surface des filtres a été observée en analysant les variations de teneur en eau sur ces sections verticales (cf. Figure 11).

Figure 11 : changements relatifs de teneur en eau entre le début d’une période d’alimentation et la fin sur un filtre contenant 20 cm de dépôt organique (Molle, 2014)

Ces mesures apportent des informations complémentaires aux mesures locales mais ne sont pas encore suffisamment précises (notamment sur la section verticale) pour représenter correctement les valeurs de teneurs en eau (Forquet et French, 2012). En revanche elles peuvent être couplées à des mesures localisées de teneur en eau et, par un traitement du signal approprié (travaux développés par Nicolas Forquet), apporter des informations plus précises.

Un autre point faible de cette mesure est lié au temps d’acquisition des données (10-15 minutes) du même ordre de grandeur que le temps de passage d’une bâchée au sein du système. La dynamique des écoulements ne peut donc être étudiée par cette méthode.

Il a donc été nécessaire d’utiliser un autre outil de mesure issu des sciences du sol et des milieux poreux pour analyser plus finement la dynamique des écoulements : les sondes TDR (Time domain reflectrometry). Mises en œuvre initialement dans le cadre de la thèse d’Ania Morvannou (2012), elles ont par la suite été utilisées dans l’ensemble des travaux de thèse menés sur ces systèmes quel que soit le domaine d’application (Thèse de Julien Fournel, de Luis Arias, de Yoann Millot, de Tamas Gabor Palfy). Leur utilisation peut avoir deux objectifs différents, soit nourrir les travaux de modélisation, soit étudier l’hétérogénéité des écoulements.

En terme de compréhension des mécanismes, les mesures TDR ont permis de quantifier les variations de teneur en eau dans le milieu et leurs variations lors des cycles d’alimentation et de repos que ce soit en temps sec ou en temps de pluie. La Figure 12 permet de visualiser les variations de teneur en eau à différentes profondeurs depuis la surface du filtre sur un système âgé (avec une couche de dépôt de 20 cm) et sur un système jeune (sans couche de dépôt). Cela permet de bien évaluer l’ampleur du rôle de la matière organique accumulée dans et sur le système vis-à-vis de la rétention d’eau. Le rôle de la couche de dépôt a été confirmé, à la fois sur la limitation hydraulique de la station ainsi que sur les transferts d’oxygène (voir paragraphe 3.1.3).

Figure 12 : Profils d’humidité par mesure TDR dans un filtre du premier étage a) à gauche un filtre contenant une couche de dépôt (rouge, Moravnnou et al., 2013) et b) à droite sans couche de dépôt (Arias, 2013).

Un autre apport des mesures TDR sur la compréhension de l’hydraulique des filtres est lié à l’hétérogénéité horizontale du dépôt organique de surface. En mesurant les teneurs en eau sur des profils verticaux à différentes distances d’un point d’alimentation, on est en mesure de quantifier à quelle vitesse l’eau est distribuée en surface. La Figure 13 montre (à gauche) l’évolution de différents profils de TDR au sein d’une période d’alimentation sur un filtre jeune. On observe que les teneurs en eau n’augmentent pas toute à la même période au sein du cycle d’alimentation en raison d’une distribution non homogène en surface. Le colmatage partiel de la surface du filtre augmentant en fonction de l’alimentation on peut, pour différentes périodes d’alimentation, mettre en relation la charge hydraulique cumulée sur un cycle avec la distance de distribution de l’eau autour d’un point d’alimentation (figure de droite).

Figure 13 : hétérogénéité horizontale des écoulements par la mesure TDR à différentes distances d’un point d’alimentation (Arias, 2012) et distance effective de l’infiltration en fonction de la charge hydraulique journalière reçue par un filtre jeune du premier étage (Molle, 2014).

Si on observe que, même sur un filtre jeune, l’eau est correctement distribuée sur la surface en hiver (matière organique accumulée – cf. paragraphe 3.1.3 ; rôle mécanique des roseaux absent) il n’en est pas de même en été ou plusieurs jours peuvent être nécessaires pour distribuer correctement l’eau en surface.

La quantification de ces fronts de distribution de l’eau permet d’apporter des éléments indispensables à des questions opérationnelles comme la densité des points d’alimentation et de débits surfaciques d’alimentation des bâchées et permettent de mieux appréhender les problèmes de jaunissement des roseaux observés sur des stations jeunes à faible taux de charge en raison d’un stress hydrique. De même, lorsque la surface du filtre n’est pas utilisée dans sa totalité, les charges organiques locales peuvent être beaucoup plus fortes et des passages préférentiels ont lieu. Cela permet également d’expliquer des déficiences de traitement (notamment sur la nitrification) que l’on soit dans une application pour le traitement des eaux usées domestiques ou des surverses de déversoir d’orage (Palfy et al., 2015b).

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