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3 RAPPORT DE RECHERCHE

3.1 Vers une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le

3.1.2 Phénomènes chimiques

Les recherches menées sur les mécanismes chimiques au sein des filtres plantés ont principalement concerné deux aspects liés à l’amélioration des performances des systèmes pour le traitement du phosphore et la nitrification.

3.1.2.1 Matériaux spécifiques pour la rétention du phosphore

La rétention des phosphates dans les filtres plantés de roseaux, et à plus large échelle dans les zones humides, est la conséquence de plusieurs mécanismes :

• Une assimilation bactérienne ainsi qu’une incorporation dans la matière organique en formant des complexes organiques faiblement solubles ou insolubles. Sachant que, contrairement aux boues activées où la déphosphatation biologique est une voie intéressante, les boues produites ne peuvent être évacuées régulièrement. En conséquence, lors de la minéralisation (qui est recherchée pour minimiser le risque d’engorgement du massif) le P est relargué en solution.

• Les roseaux, comme tous végétaux, utilisent du P pour leur croissance. Le P assimilé, par ce biais, peut être partiellement évacué par faucardage de la partie aérienne. Néanmoins les surfaces mises en jeu comparativement aux charges appliquées,

rendent ce phénomène négligeable. Leur rôle est néanmoins important car le phosphore consommé par les végétaux est plus biodisponible que le phosphore particulaire ou précipité.

• Des mécanismes de rétention par des phénomènes d’adsorption - précipitation sur la phase solide, permettant des liaisons stables.

C’est sur cette dernière voie que nous avons axé initialement nos recherches. Ces recherches abordent notamment les mécanismes de chimie des interfaces (phénomènes de sorption et de précipitation de surface). A la suite de mon master recherche où une quinzaine de matériaux ont été testés, une sélection de deux matériaux avait été faite (à base de calcium ou de fer). Les potentialités des matériaux calciques à réagir, grâce une dissolution partielle conduisant à de fortes concentrations de calcium, et favorisant donc la sursaturation de la solution, nous ont amené à rechercher d’autres matériaux de ce type. Des études (Brix et al., 2000) confirmaient cet intérêt. Il nous parut alors indispensable de tester la calcite, puis au fur et à mesure de notre compréhension des phénomènes mis en jeu, l’apatite.

S’agissant d’une approche nouvelle dans l’équipe, il a fallu développer une méthodologie à la fois pour évaluer des cinétiques de rétention utilisable en taille réelle, et pour identifier les mécanismes mis en jeu.

Pour déterminer les cinétiques, trois types de données ont été utilisées, issus respectivement des suivis de terrain, des tests à flux continu et des tests en batch. Ces derniers permettent dans un premier temps d'évaluer le potentiel de chaque matériau vis à vis de la sorption, de manière simple et relativement rapide. Ils ont été utilisés pour réaliser un tri des matériaux. Cependant, ces conditions de fonctionnement étant bien différentes de celles rencontrées dans les filtres saturés, des études, en colonnes immergées puis en pilote alimenté en eaux usées, ont permis de vérifier les mécanismes mis en jeu, et introduire des notions d’échelle incluant la distribution des fluides dans le système. Par la suite, des suivis en taille réelle ont été réalisés pour d’une part confirmer les résultats, et ensuite préciser les conditions de changement d’échelle entre les tests colonnes et la taille réelle.

Pour préciser les mécanismes, plusieurs méthodes ont été utilisées pour d’une part caractériser les apatites (diffraction des rayons X, fluorescence X, ICP-MS) et d’autre part observer la surface des matériaux (Scaning electron microscopy, Raman spectroscopy). Le choix des techniques est expliqué dans Harouiya et al. (2012).

La compréhension des phénomènes mis en jeu dans la rétention des orthophosphates sur les différents matériaux, était une étape importante pour prévoir puis contrôler leur comportement dans des filtres plantés. Identifier les mécanismes impliqués, leur importance et leurs limitations, a permis de mettre en évidence les matériaux qui paraissent les plus à même d’être utilisés dans la filière. Afin de valider ou non l'utilisation de tel ou tel matériau, plusieurs facteurs étaient à déterminer, comme la capacité de rétention à long terme, les cinétiques en réacteur continu, les risques de colmatage, liés à la précipitation et au développement de la biomasse, ainsi que la qualité du rejet après traitement.

Pour les matériaux calciques, une adsorption par échanges de ligands a lieu en test batch mais devient un mécanisme négligeable pour une rétention sur le long terme. La précipitation de surface est le mécanisme de rétention sur lequel il faut compter pour retenir durablement les phosphates dans les filtres. Cette cristallisation est dépendante de l’état de saturation de la solution vis-à-vis des précipités, et de facto, de la dissolution des carbonates de calcium. Le béton, par une dissolution rapide de l’oxyde de calcium, permet de maintenir des conditions de pH et de concentration de calcium favorables à une précipitation. Néanmoins le

pH fortement basique n’est pas compatible avec un rejet dans un milieu extérieur. De plus, une fois l’oxyde de calcium accessible dissous, le béton se comporte comme la calcite, c.-à-d. fortement dépendant de l’équilibre calco-carbonique (Molle et al., 2003). Les eaux usées étant proches de l’équilibre, la dissolution du matériau, et donc la fourniture en calcium, est faible. Le respect du seuil de rejet de 2 mgP.L-1 est alors difficilement possible pour la calcite et le béton. Pour ces deux matériaux les précipités observés à leurs surfaces se situent entre le phosphate tricalcique et le phosphate octocalcique (Molle et al., 2003).

Pour l’apatite, en revanche, les résultats obtenus lors des premières études (Molle et al., 2005b) étaient encourageants et permettaient de mettre en avant l’intérêt d’utiliser des matériaux proches du précipité que l’on souhaite former (germe de cristallisation) ; intérêt d’autant plus grand que l’on forme alors de l’hydroxyapatite (cf. Figure 14), précipité de phosphate de calcium le plus stable. Le respect de seuils de rejet bas (inférieurs à 1 mgP.L-1) est possible et les volumes nécessaires, pour retenir les phosphates sur le long terme, paraissaient réalistes.

Figure 14 : à gauche : Spectres Raman caractéristiques des différentes phases minérales (A : apatite ; C : calcite) présentes dans les péloïdes primaires et la couche secondaire de précipité. A droite, Cartographie Raman de la zone encadrée (sur la photo de gauche) présentant les positions des modes Raman principaux (a : péloïdes à 966,4 cm−1, b : ciment calcitique à 1085,7 cm−1 et c : couche secondaire apatitique à 963,0 cm−1) – Harouiya et al., 2012

Un brevet Français a été déposé en 2004 (N° 04 08447) de manière à encadrer le développement de la filière dans la mesure où des études complémentaires méritaient d’être conduites pour définir dans quelles conditions les cinétiques de rétention restaient stables sur le long terme et pouvaient être impactées par le développement de la biomasse. De même, compte tenu du nombre important de types d’apatites dans le monde, il était nécessaire de déterminer quels types d’apatites étaient utilisables dans des filtres. Ces éléments ont été développés dans le cadre du projet de recherche MAREVAP (2006-2009) à différentes échelles (Harouiya et al ;, 2011a, Harouiya et al., 2011b) pour aboutir à un guide de dimensionnement (Molle et al., 2012, dont une synthèse en anglais dans Molle et al., 2011, annexe article 9).

Les cinétiques, traduites par la cinétique volumique du premier ordre kv du modèle k-C* communément utilisé dans des filtres à écoulement saturé, montrent en effet des évolutions avec la saturation du matériau ainsi que des valeurs différentes suivant la pureté du matériau apatitique utilisé (cf. Figure 15).

Figure 15 : Evolution de la cinétique kv en fonction du niveau de saturation et de la pureté du matériau utilisé (Molle et al., 2011).

La compréhension des mécanismes a permis de proposer une filière extensive déphosphatante (cf. paragraphe 3.2.1.3) aujourd’hui en développement (une quinzaine d’installations en fonctionnement en France).

3.1.2.2 Précipitation physico-chimique par ajout de FeCl3

Le coût actuel de l’apatite et de sa transformation, pour atteindre une granulométrie adaptée aux régimes hydrauliques des filtres plantés, ne la rend pas systématiquement compétitive en termes d’investissement pour des moyennes collectivités. Il était donc nécessaire d’étudier également la compatibilité de l’ajout de FeCl3 dans une filière filtres plantés. Les quelques études réalisées sur le sujet (Esser et al., 2004 ; Boucher M 2007) montraient qu’il n’était pas aisé de garantir un niveau de rejet bas lorsque l’on renvoie les précipités de phosphates de fer sur les filtres du premier étage. L’instabilité du fer suivant les conditions d’oxydo-réduction du milieu induit des relargages possibles. La filière fiable consistant en une déphosphatation physico-chimique finale suivie d’une étape de décantation dans laquelle on extrait les boues régulièrement peut s’avérer parfois complexe en termes de gestion. Le problème de l’instabilité des phosphates de fer étant aussi posée dans le cadre des lits de séchage des boues issues de station ayant un traitement au FeCl3, j’ai accepté l’invitation de l’INSA de Lyon à participer à l’encadrement de la thèse de B. Kim (2014) sur cette problématique, mais appliqué à un procédé faisant intervenir un lit bactérien suivi de filtres plantés à écoulement vertical non saturé/saturé.

Ces travaux ont permis non seulement de préciser les limites et modalités d’opération du procédé en lui-même mais, également, d’apporter des éléments de compréhension de l’instabilité du procédé. Un premier travail dans le cadre du groupe EPNAC (Prost-Boucle et Molle, 2013) avait en effet alerté sur la difficulté à maintenir des niveaux de rejet bas en raison, d’une part des problèmes de gestion (apport en réactif) mais aussi, de la difficulté de garantir la stabilité du précipité. Ce constat a été le même sur l’étude d’une station précise (Kim et al., 2014). Les travaux de thèse de Boram Kim (2014) ont permis de mettre en évidence :

• Que les performances sur le P étaient sensibles aux dysfonctionnement des modules d’ajouts du FeCl3 (manque de réactif, pompe doseuse qui dysfonctionne) de manière assez réactive et de manière prolongée même après la remise en route du système (Kim et al., 2015b).

• Qu’une partie importante des précipités s’accumulent dans la partie supérieure du filtre (principalement le dépôt organique) sous des formes liée au Fe et au Ca.

• Que les conditions de stabilité du précipité FeP sont bonnes tant que le milieu est en aérobie mais qu’un relargage apparaît en quelques jours lors de la mise en place de conditions anaérobies (Kim et aL, 2015a)

• Qu’une partie des formes du P peut migrer plus en profondeur et en cas de saturation d’une partie de la base du filtre il peut être difficile de respecter des niveaux de rejet très bas (inférieurs à 2 mgP/L, cf. Figure 16) (Kim et al., 2015b).

Figure 16 : rejet en P et Fe dissous en sortie du filtre pour différents niveaux de saturation : non saturé (zone blanche), saturé de 30 cm au fond (zone grise claire) complètement saturé (zone grise foncée) (Kim

et al., 2015a)

Même si des études complémentaires sont nécessaires, ces travaux permettent notamment de critiquer la faisabilité de renvoyer des précipités en surface d’un premier étage classique où les conditions d’anaérobie dans le dépôt organique ne durent jamais très longtemps (temps de pluie par exemple). En revanche, ils alertent sur la problématique de garantir la stabilité des précipités dans des lits de séchage où les conditions d’anaérobie dans le dépôt peuvent durer plusieurs semaines notamment dans la partie supérieure du dépôt (cf. Figure 17).

Figure 17 : Potentiel d’oxydo-réduction à différentes profondeurs de la couche de dépôt dans un lit de séchage en période de repos (Troesch et al., 2009a)

Une autre problématique liée aux réactions chimiques au sein des milieux a été abordée plus récemment pour améliorer les performances de nitrification dans les filtres à écoulement vertical. Ce sujet a été étudié au préalable pour le traitement des surverses de déversoir d’orage (thèse de Julien Fournel, 2012) où la saturation du filtre, lors des épisodes pluvieux, empêche toute nitrification directe par manque d’oxygène. L’idée a été donc de chercher un matériau spécifique permettant d’adsorber les ions N-NH4+ pour les retenir dans le filtre, allonger leur temps de séjour et les nitrifier pendant les périodes de repos. Après des tests basés sur ceux mis au point pour l’étude des matériaux pour la rétention du phosphore, la zéolite naturelle a été sélectionnée et testée également pour l’amélioration des filtres dans le cadre du traitement des eaux usées domestiques (thèses de Yoann Millot, 2015 ; Hernan Ruiz, 2016).

Testé dans des pilotes de 20 m² pour le traitement des surverses de déversoir d’orage (Thèse de Julien Fournel, 2012), le potentiel de la zéolite a pu être confirmé pour adsorber l’azote ammoniacal (cf. Figure 18).

Figure 18 : charge surfacique d’ammonium retenu en fonction de la charge appliquée lors d’un évènement pluvieux pour différents type de matériaux (J. Fournel, 2012)

La limite d’adsorption en condition réelle n’a pas pu être atteinte lors de ce travail : elle est supérieure à 160 mgN/g de zéolite.

Il était important de s’assurer également du lessivage des nitrates formés lors des périodes de temps sec afin de récupérer le pouvoir adsorbant du matériau. Cela a pu être confirmé par des bilans masse d’azote sur plusieurs évènements pluvieux consécutifs. Une vitesse de nitrification de 3,6 g de N par m² et par jour de repos a été déterminée.

Ces premières données prometteuses sur l’adsorption du N-NH4+ et le lessivage des N-NO3 -avec la zéolite dépendent cependant de différents paramètres comme l’hydraulique, la compétition avec d’autres cations, le développement de la biomasse, la température … et ne pouvaient pas être directement transposés directement à d’autres types d’application. Des travaux supplémentaires ont donc été initiés dans le cadre de la thèse de Tamas Palfy (2016) pour le traitement des surverses de déversoir d’orage, que dans les thèses de Yoann Millot (2015) et d’Hernan Ruiz (2016) pour le traitement des eaux usées domestiques. Ils intègrent aussi bien des aspects théoriques avec des expérimentations en colonnes, que des aspects plus pratiques et extrapolables par des travaux en pilotes et taille réelle. Ces travaux sont nécessaires pour faire évoluer les filières actuelles vers des systèmes plus compacts et performants (cf. paragraphe 3.2.1.4). 0,00 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 0,00 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 Applied N-NH4 load (kg/m²) R e m o v e d N -N H 4 l o a d ( k g /m ²) Fine sand Coarse sand Fine sand + zeolite Gravel CS FS FSZ : 95-99% 0,00 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 0,00 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 Applied N-NH4 load (kg/m²) R e m o v e d N -N H 4 l o a d ( k g /m ²) Fine sand Coarse sand Fine sand + zeolite Gravel

CS FS

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