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Chapitre 1: Introduction

1.2 Verres moléculaires

Un intérêt certain pour les verres composés de molécules de petite taille est présent au sein de la communauté scientifique puisqu’elles peuvent présenter un état vitreux, analogue à celui obtenu avec des polymères, tout en présentant des avantages supplémentaires. Étant des espèces isomoléculaires, leurs propriétés sont mieux définies et plus facilement reproductibles que celles des polymères, qui sont des espèces polymoléculaires, ce qui facilite leur synthèse et leur purification. Leur viscosité inférieure à celle des polymères facilite également leur mise en œuvre.

Quelques travaux ont été effectués sur des molécules organiques de petite taille par divers groupes de recherche pour tirer des lignes directrices empiriques favorisant la formation d’une phase vitreuse et ainsi contourner des méthodes de préparation exigeante, dont la trempe. Par exemple, les travaux de Salbeck et al. ont montré que des molécules non planes, comme les spirofluorènes illustrés à la Figure 1.7A, peuvent former facilement une phase vitreuse.83 Le groupe de Shirota a conclu que la présence de groupements substituants encombrants, l’absence de planarité et une possibilité d’exister sous différentes conformations facilite la formation d’une phase vitreuse.18 Certaines des molécules en forme « d’étoile » sont représentées à la

Figure 1.7B. Cette dernière règle abonde dans le même sens que celle de la nécessité d’une certaine flexibilité (possibilité de rotation de certains groupements) proposée par Yu et al.84 Naito et al. du département recherche et développement de la compagnie Toshiba, ont mentionné qu’il est préférable que les molécules soient de grande taille, possèdent une certaine symétrie, soient globulaires et assez rigides, tout en possédant des groupements chimiques qui ne favorisent pas la cohésion moléculaire.85 Pedersen et al. ont également fait référence à la symétrie, mais cette fois-ci à l’absence de symétrie, comme paramètre favorisant la formation d’une phase vitreuse.86 À quelques différences près, toutes ces règles empiriques sont conformes aux résultats de l’une des études du groupe de Glotzer, portant sur le type d’arrangement obtenu pour plus de 145 polyèdres de formes différentes, concluant que ceux avec des formes asymétriques avaient une plus grande probabilité de s’arranger de façon désordonnée étant donné leur incapacité à former des empilements compacts.87

Figure 1.7. Représentation de structures moléculaires capables de former facilement une phase

vitreuse. A) Dérivé spirofluorène et B) Molécules en forme d’étoile.

1.2.1 Verres moléculaires à base de triazine

Lebel et al. ont synthétisé en 2006 une série de molécules à base de triazine,88 maintenant brevetées,89 dont la structure est représentée à la Figure 1.8. Même si ces dérivés ne suivent pas tous les lignes directrices empiriques mentionnées dans la section précédente, ils présentent, pour la plupart, une excellente capacité à former une phase vitreuse. Fonctionnalisés par un groupement de tête (headgroup, R1), des groupements liants (linkers, R2 et R3) et des

groupements auxiliaires (ancillary groups, R4 et R5), ces composés sont relativement

symétriques et planes, en plus d’être capables d’établir des liaisons hydrogène dans le cas où certains des groupements de tête R1 ou liants R2 et R3 sont des donneurs de liaisons hydrogène,

tel qu’illustré dans l’encadré de la Figure 1.8.

Figure 1.8. Structure de base des dérivés de triazine et identification de ses groupes

substituants. Un exemple de composé est illustré dans l’encadré.

A) B)

R1: Groupement de tête (headgroup)

R2et R3: Groupements liants (linkers)

1.2.2 Choix des verres moléculaires à base de triazine comme système

modèle

Le fait que ces verres moléculaires à base de triazine soient capables de former une phase vitreuse même à des vitesses de refroidissement aussi lentes que 0,05 °C/min et de résister à la cristallisation pendant plusieurs mois à température ambiante,90 malgré leurs caractéristiques qui ne suivent pas nécessairement les lignes directrices empiriques énoncées précédemment, est intrigant. De plus, selon certains diagrammes de prédiction de cristallinité, les verres moléculaires à base de triazine se retrouvent à la frontière entre l’état cristallin et non-cristallin, tel que représenté par un rectangle jaune à la Figure 1.9. C’est le cas pour celui établi par Wicker

et al.,91 à la Figure 1.9A, qui utilisait un algorithme incluant le nombre de liaisons capables de faire des rotations et 0χv, un paramètre analogue au volume moléculaire. Les verres se retrouvent également à la frontière du test de prédiction de Wyttenbach et al.,92-93 illustré à la Figure 1.9B, pour lequel les paramètres importants, comme le volume molaire (< 150 cm3/mol), le nombre de liens capables de faire des rotations (entre 2 et 5) et le nombre effectif de liaisons H (inférieur à Heff = 7.5 x 10-3, calculé selon l’équation 1.292) ont été sélectionnés comme des paramètres

influençant la capacité d’une molécule à former un verre. Le nombre Heff pour les verres à base

de triazine a été calculé en approximant que NH2 ~ NH

-.// = 012300124,66 718

9:;;. =>?:@A. BC D>=E>;é (1.2)

Figure 1.9. Diagramme de prédiction de cristallinité, selon A) Wicker et al. (adaptée et traduite

de la référence 91 avec la permission de The Royal Society of Chemistry) et B) Wyttenbach et

al. (adaptée et traduite de la référence 93 © 2016 avec la permission de Elsevier).

0χv(~ volume moléculaire) Nom bre de liaisons capables de faire des rotat ion s A) B)

Nombre effectif de liaisons H

Nom bre de liaisons capables de faire des rotat ion s

Ces observations portent à croire que la facilité des dérivés de triazine à former une phase vitreuse et à rester dans cet état tire son origine d’autres paramètres que d’uniquement son volume moléculaire et du nombre de liens capables d’effectuer des rotations. Il devient donc intéressant de tenter d’établir des relations entre leur structure moléculaire, i.e. les groupements substituants qui les composent, et leur GFA, mais aussi leur GS et leur Tg. Les travaux de cette

thèse utilisent donc des librairies de dérivés de triazine comme système modèle pour les trois raisons principales suivantes: i) la structure de base du verre permet de faire des études systématiques sur l’influence de la nature des groupements; ii) la gamme de Tg, allant de -25 °C

à près de 200 °C permet d’étudier les phases vitreuse et visqueuse sans devoir recourir à des méthodes pour maintenir la température extrêmement basse ou élevée, comme c’est le cas avec l’OTP ou le SiO2; et iii) leur excellente capacité à former un verre permet d’appliquer des

vitesses de refroidissement relativement lente, permettant de faire des mesures in situ avec une bonne résolution temporelle tout en évitant d’être confronté au phénomène de cristallisation pendant la mesure.

1.3 Relations entre la structure et les propriétés des verres

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