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Chapitre 1: Introduction

1.1 L’état amorphe

1.1.2 Transition vitreuse

La transition vitreuse se produit sur une gamme de températures dans laquelle on détermine une température de transition vitreuse (Tg). Cette dernière dépend de la vitesse de

balayage et/ou de la fréquence à laquelle le matériau est perturbé, d’où la présence, à la Figure 1.2, de la Tg1 pour le verre en bleu (refroidissement rapide) et de la Tg2 pour le verre en orangé

(refroidissement lent).49 Elle correspond au passage d’un matériau de son état visqueux à son

état vitreux dans le cas décrit dans la section précédente, i.e. en refroidissement, ou de l’état vitreux à l’état visqueux en chauffe. À l’état visqueux, les molécules du matériau se retrouvent à l’équilibre et possèdent suffisamment d’énergie pour se mouvoir les unes par rapport aux autres et ainsi explorer les coordonnées du profil énergétique. À l’état vitreux, où les molécules se retrouvent hors-équilibre, seuls des mouvements de vibration des atomes ou de rotation de groupements latéraux sont possibles.48 Bien que le matériau soit en constante évolution vers l’état le plus stable thermodynamiquement (cristal), on dit de la structure du verre qu’elle est figée, puisque l’échelle de temps sur laquelle les réarrangements moléculaires se produisent est beaucoup plus longue que l’échelle du temps expérimental, et par le fait même, justifiant l’utilisation du terme « métastable » parfois utilisé pour qualifier le verre, alors qu’au sens strict, il est « instable ».49

1.1.2.1 Mesure de la température de transition vitreuse

Historiquement, la Tg a été définie, pour les verres non polymériques, comme étant la

température à laquelle le temps de relaxation τα d’un matériau, en refroidissement, était de 100

s,51 mais aussi comme étant la température à laquelle sa viscosité en cisaillement correspondait à 1012 Pa·s ou 1013 poises.48 Une règle empirique rapporte également que la T

g correspond à 2/3

de la valeur de Tf.51 Étant donné que la Tg définit les propriétés mécaniques d’un matériau

amorphe et par le fait même, ses applications, il est primordial de la déterminer adéquatement. L’analyse calorimétrique différentielle à balayage (DSC), l’analyse mécanique dynamique et les mesures de viscosité sont parmi les méthodes les plus employées pour déterminer la Tg d’un

matériau.48 Dans cette thèse, la DSC, qui permet de suivre l’évolution de la capacité calorifique de l’échantillon en fonction de la température, est l’outil privilégié pour déterminer les températures de transition des matériaux étudiés. La spectroscopie infrarouge à température variable sera également utilisée au chapitre 6 pour évaluer les Tg des matériaux étudiés.

Toutefois, toute propriété affectée par la transition vitreuse peut servir à la déterminer, comme le volume, l’indice de réfraction et la fluorescence. Les spectroscopies diélectrique et de résonance magnétique nucléaire sont également des alternatives intéressantes aux mesures thermiques, puisqu’elles donnent accès aux temps de relaxation du matériau, tout comme les méthodes mécaniques.48

1.1.2.2 Théories de la transition vitreuse

Étant donné que la transition vitreuse correspond à une divergence entre un temps expérimental et un temps de relaxation moléculaire, la Tg dépend de la méthode employée, mais

aussi de la vitesse de balayage ou de la fréquence de la perturbation utilisée pour la mesurer. Par exemple, pour une même méthode, une variation d’un ordre de grandeur a typiquement une influence de 3-5 °C sur la Tg.49 Cette dépendance cinétique de la Tg complique son interprétation

d’un point de vue thermodynamique. Bien qu’on retrouve une discontinuité dans le tracé du coefficient d’expansion thermique ou de la capacité calorifique d'un matériau amorphe, correspondant tous deux à une dérivée partielle d’ordre 2 de l’énergie de Gibbs du matériau, la transition vitreuse peut seulement être considérée comme analogue à une transition de deuxième ordre, sans toutefois en être une d’un point de vue purement thermodynamique.50

Toutefois, dans le cas d’un refroidissement infiniment lent, Kauzmann soulève l’idée qu’une transition de second ordre (la transition vitreuse) doit se produire pour éviter que l’entropie du liquide surrefroidi ne devienne inférieure à zéro avant d’atteindre le zéro absolu, ce qui enfreindrait la troisième loi de la thermodynamique.53 Avec raison, ce paradoxe, et le phénomène de la transition vitreuse en général, a soulevé et soulève encore plusieurs interrogations. Ce n’est pas une coïncidence si le terme « transition vitreuse » est le deuxième mot clé, après « cristallisation » qui est le plus employé dans les publications relatives aux verres depuis 1850.54 Considérant le nombre impressionnant de théories proposées sans atteinte de consensus au sein de la communauté scientifique, un bref survol des plus classiques a été préféré à une revue plus exhaustive.

Deux des théories les plus classiques ont tenté d’expliquer la transition vitreuse comme étant respectivement gouvernée par 1) l’entropie configurationnelle et 2) le volume libre. Dans le premier cas, la théorie de Gibbs-DiMarzio se base sur le modèle de Flory-Huggins, où des espaces vides et des molécules se partagent des cases d’une matrice.55 À mesure que la température diminue, de plus en plus de cases deviennent occupées, augmentant la viscosité du système. Cette dernière empêche d’observer la transition de phase d’un point de vue thermodynamique (transition de l’état visqueux à un état vitreux unique), mais permet de s’en approcher. Dans le deuxième cas, Doolittle suggère qu’un lien peut être établi entre la viscosité d’un matériau et sa fraction de volume libre (cases vides de la Figure 1.3).56-58 La transition vitreuse se produit, en chauffe, lorsque la fraction de volume libre atteint une assez grande valeur pour permettre aux molécules qui composent le matériau de se mouvoir de façon coopérative. La transition vitreuse se produit donc quand le volume libre n’est plus constant en augmentant la température. Le volume libre, en gris dans la Figure 1.3, est donc lié à la mobilité des molécules. Williams, Landel et Ferry ont ensuite supposé que le volume libre augmentait de façon linéaire pour en venir à calculer qu’à la Tg d’un matériau, son pourcentage est de 2,5%.59

Bien que le modèle de Gibbs-DiMarzio n’ait jamais été démontré expérimentalement, ses prédictions concordent avec celles obtenues à l’aide de la théorie du volume libre, permettant notamment de prévoir la Tg en fonction de la masse molaire, de la composition d’un copolymère

Figure 1.3. Représentation schématique du réseau de cases et de l’évolution du volume

spécifique d’un matériau en fonction de la température.

Adam et Gibbs ont ensuite tenté de joindre les deux théories en introduisant le concept de régions de réarrangement coopératif, en reliant la viscosité et l’entropie configurationnelle aux minima d’énergie potentielle observés dans le profil énergétique.61 Bien que l’existence de ces régions et leur taille soient encore débattues, la communauté en a retenu que la transition vitreuse est un phénomène hétérogène,62 qui implique que le passage de l’état visqueux à l’état vitreux ne tend pas vers une configuration unique, mais vers plusieurs configurations plus ou moins équivalentes en énergie. Bien d’autres théories ont été développées et approchent le phénomène d’un point de vue plus moléculaire pour les polymères,63 impliquant

l’approximation d’un champ moyen dans le cas de la théorie des couplages de modes, ou tentant de s’adapter à des matériaux très précis, comme les films ultraminces,64 mais aucune n’a encore

réussi à capturer toutes les subtilités de la transition vitreuse.

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