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Chapitre 3. Organisation du site à l’étude

4. La culture matérielle associée à James Dunlop

4.2. Le verre

On retrouve dans l’assemblage 8288 fragments de verre, dont 4086 associés à de la vitre. Cependant, la vitre sera laissée de côté ici, car elle est peu diagnostique pour notre analyse. L’assemblage de verre est dominé par une seule production : le verre transparent à coloration vert foncé, avec 2846 fragments. Ce type de verre, même s’il est courant bien avant et après l’occupation Dunlop, donne néanmoins des informations intéressantes sur l’utilisation du site, et il joue assurément un rôle dans les affaires du marchand écossais établi à Montréal.

Le verre transparent à coloration vert foncé Caractéristiques générales

Ce type de verre, aussi appelé verre à charbon, se caractérise par sa couleur foncée et

l’épaisseur de ses parois. Les objets sont le plus souvent des bouteilles à boisson alcoolisée. Il s’agit d’un type de verre qui apparaît en Angleterre vers 1610 et qui se caractérise par

l’utilisation de charbon minéral comme combustible pour préparer le verre. Le charbon produisant une température plus élevée, il est possible d’utiliser plus de sable dans la

fabrication pour créer un verre plus épais. La fumée issue du charbon entraîne une coloration du verre, donnant une couleur vert foncé (Brassard et Leclerc 2001: 191). Ces deux

caractéristiques permettent de créer des bouteilles idéales pour le transport de l’alcool. En effet, la teinte de la bouteille protège le liquide du soleil et son épaisseur lui assure une meilleure résistance pour les transports. Les bouteilles en verre à charbon vont remplacer les tonneaux pour les transports de vins et de bières. Cependant, on continue à exporter l’alcool fort de manière concentrée dans les tonneaux; au lieu d’arrivage il est mis en bouteille et dilué (Jones 1986: 19). Il s’agit d’un type de verre très souvent utilisé pour créer des contenants d’alcools tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle.

Représentation dans la culture matérielle

Le verre à charbon, avec 2846 fragments, est uniquement constitué de bouteilles. On retrouve dans l’ensemble quatre types de bouteille (Tableau 30).

Tableau 30. Types de bouteille en verre transparent de couleur vert foncé présents

Type de bouteille Nombre de fragments Proportion des fragments

Bouteilles à alcool indéfini 1845 64,8

Bouteille à vin 907 31,9

Bouteille à gin 92 3,2

Bouteille à tabac 2 0,1

Total 2846 100

Il faut prendre en considération que le seul fait d’être en verre à charbon peut amener un tesson à être catégorisé comme une bouteille à alcool. Cependant on trouve deux types particuliers de bouteilles associées à l’alcool : les bouteilles à vin et les bouteilles de gin. Le terme bouteille à vin est une appellation générique pour un type de bouteille anglaise

apparaissant au XVIe siècle dont la forme évolue avec le temps. Si elle est très utilisée pour le vin, elle peut aussi servir pour d’autres alcools. Dans notre contexte du début du XIXe siècle, le terme désigne des bouteilles allongées de forme cylindrique avec une épaule arrondie (Jones et Sullivan 1985: 75). Les bouteilles servant au gin, quant à elles, ont un corps à quatre faces croissant de la base à l’épaule de la bouteille. Il faut noter que l’on n’observe aucune forme de décoration ou marque sur les fragments retrouvés. Malheureusement, la fragmentation des objets laisse peu d’indices pour la datation à partir de la morphologie. Quelques pièces

seulement permettent des datations à partir de la forme du corps ou du goulot. Sur le plan de la répartition (Tableau 31), les fragments de verre à charbon se concentrent particulièrement dans les remblais de démolition de l’entrepôt (no.10) et de la remise (no.11), mais aussi dans une concentration particulièrement forte dans l’étroite couche dépotoir qui longe le mur de l’annexe (no.6).

Tableau 31. Répartition du verre à charbon dans les contextes de la Période V

T.p.q. T.a.q. Contexte n % m3 n/m3

1805 1815 1 Remblai Dunlop 176 6,2 23,2 8

1805 1842 2 Sédiment des vestiges de la longue remise 9 0,3 0,2 45

1805 1838 3 Remblai d’aménagement du premier plancher de la remise 86 3,0 5 17

1815 1838 4 Remblai de l’annexe 204 7,2 11 19

1815 1838 5 Deuxième remblai d’aménagement de la cour et son plancher de bois 167 5,9 9,1 18

1815 1842 6 Couche dépotoir de l’annexe 394 13,8 0,4 985

1838 1842 7 Chaussée de mortier et son remblai d’aménagement 274 9,6 18 15

1838 1842 8 Sédiments associés au second plancher de la remise 81 2,8 3,6 23

1838 1842 9 Nivellement de la cour 1838-1842 281 9,9 9,2 31

1841 1842 10 Débris de démolition de l’entrepôt Dunlop 714 25,1 31,9 22

1841 1842 11 Débris de démolition de la remise 460 16,2 18,2 25

Total 2846 100 129,8 22

Interprétation

Le verre à charbon étant fortement associé à l’alcool, sa prédominance peut en dire long sur sa présence sur le site. Comme pour toutes les autres productions analysées, il revient à

s’interroger sur la fonction des bouteilles en verre à charbon, pour le commerce ou la consommation d’alcool. Les quantités retrouvée laissent penser qu’il s’agit en partie de marchandises liées à l’entrepôt, ce qui concorderait avec les concentrations élevées retrouvées dans le remblai de démolition de l’entrepôt et de la remise. Au début du XIXe siècle, l’alcool, particulièrement le rhum, est l’une des principales importations de la colonie, Dunlop lui- même est reconnu comme un prolifique marchand de rhum (MacMillan et Richardson 1983). Dans ces circonstances, il est envisageable que les bouteilles d’alcool aient fait partie des produits entreposés dans l’entrepôt durant l’occupation Dunlop. De plus, l’atelier de tonnelier dans la longue remise a pu servir au conditionnement des alcools forts comme le rhum qui étaient échangés en tonneau puis dilués en bouteille. Cependant, il faut nuancer en

mentionnant qu’une grande part des fragments de verre doivent être issue de consommation sur place ou encore amener sur le site avec des sols. Un bon exemple de ceci est la couche dépotoir de l’annexe, où l’on retrouve de loin la plus grande densité de fragment de verre. Comme il s’agit sans doute d’un dépôt ponctuel, la présence élevée de fragments de verre à l’intérieur de celui-ci semble montrer que tout comme les fragments de pipe, que l’on retrouve aussi à l’intérieur du dépôt, le verre est un déchet particulièrement commun.

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