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Chapitre 2. Contexte historique et archéologique

2.4. Le site de fondation de Montréal (BjFj-101)

Identifié en 1999 sous le code Borden BjFj-101, le site de fondation de Montréal recoupe partiellement l’emplacement du fort de Ville-Marie. De 1642 au XXe siècle, le site est sans cesse réoccupé, créant une riche stratigraphie qui témoigne de l’évolution de Montréal dans le temps. Scellés vers 1960 sous une épaisse dalle de béton, ces contextes archéologiques ont eu la chance d’être protégés du développement urbain contemporain et d’être soigneusement fouillés par les archéologues. Les investigations archéologiques débutent en 1998 par des forages à l’intérieur du bâtiment suivi d’un sondage exploratoire en 1999. Par la suite, une école de fouilles de l’Université de Montréal dirigée par Brad Loewen et Christian Bélanger prendra place durant 13 campagnes annuelles, de 2002 à 2014. Suite au projet de rebâtir le site en octobre 2014, la firme archéologique Ethnoscop fouille les zones autrefois inaccessibles sous les structures de l’entrepôt, et sous le trottoir et la rue attenants dans la place d’Youville en novembre et décembre 2014 (Ethnoscop 2015a; 2015b). Cette suite d’interventions fait de BjFj-101 le site le mieux documenté de Montréal, dont l’épaisseur des dépôts archéologiques, d’au moins 2,50 mètres, couvre la préhistoire jusqu’à 1960.

Organisation spatio-temporelle du site

Le site de formation de Montréal utilise pour son organisation le système de repérage Tikal, qui permet de diviser le site en aires nommées opérations, en sous-aires nommées sous- opérations et unités stratigraphiques nommées lots. On retrouve sur le site 16 opérations, identifiées par un chiffre, qui sont elles-mêmes divisées en un certain nombre de sous- opérations, qui sont identifiées par des lettres allant de A à K, à l’exception de la I. Les sous- opérations prennent généralement la forme d’un carré de deux mètres sur deux mètres. À l’intérieur d’une sous-opération, chaque unité stratigraphique est représentée par un lot, identifié par un chiffre et allant croissant avec leur ordre de fouille, soit en remontant dans le temps. Par exemple, l’identifiant 8A23 renvoie à l’opération 8, à la sous-opération (carré) A et au lot 23 depuis le début des fouilles dans ce carré.

L’utilisation du système Tikal permet donc un repérage précis des provenances de la culture matérielle du site. Pour les structures, l’identification se fait par l’attribution d’un numéro correspondant à son ordre de découverte associé à l’abréviation ST. On parle donc de ST-13 pour nommer le 13e vestige découvert sur le site. Comme nous l’avons aussi vu, on organise la chronologie du site en regroupant les dépôts (unités stratigraphiques) en sept grandes périodes. Sur le plan spatial, le plan de la page suivante (Figure 3) montre le site avec l’emplacement des opérations et des sous-opérations. De plus, les années se trouvant dans les sous-opérations représentent les années où la campagne de fouille a procédé à leur excavation.

Contexte historique du site de fondation de Montréal au tournant du XIXe siècle

Dédié à la culture maraîchère depuis les années 1730, le domaine de Callière créé en 1688 se voit morcelé en lots dès 1737, mais surtout à compter de 1787, à mesure que l’intérêt

commercial pour les constructions portuaires se fait sentir. Lorsque Dunlop devient officiellement propriétaire de son terrain en 1804, l’ensemble a été divisé en onze lots aux fonctions commerciales variées (Figure 4).

Tableau 2. Occupation des lots de l’îlot Callière en 1805

Lot Propriétaire précédent Année de

vente Propriétaire en 1805 Fonction

1 Gabriel Franchère 1792

Parker, Gerrard et Ogilvy

Débarcadère, Entreposage

2 Gabriel Franchère 1792 Entreposage

3c Jean-Philippe Leprohon 1802 Entreposage

5a2 Gabriel Franchère 1803 Inconnue

3a Jean-Philippe Leprohon 1802 Jean-Marie Boucher Auberge,

Écurie

3b Jean-Philippe Leprohon 1802 Jean-Antoine Griffon Résidence

4 Les héritiers Labrosse 1792

Jean Bouthilier Potasserie

5a1 Gabriel Franchère 1801 Inconnue

5a Gabriel Franchère 1804 James Dunlop Entreposage,

Tonnelier 5b1

Créanciers de Joseph Roy

1800 Hypolite Laforce Résidence, Cidrerie 5b2 1800 Auberge, Écurie

Au moment de l’achat du lot 5a par Dunlop, l’activité grandissante du port a déjà commencé à modifier l’îlot Callière (Tableau 2). Preuve de sa valeur, la firme Parker, Gerrard et Ogilvy, l’une des compagnies les plus importantes de la colonie, y possède déjà plusieurs lots. Tout comme Dunlop, cette firme construit des entrepôts où elle fait transiter ses marchandises (D’Amour et al. 2005: 46). Dans le lot 4, Jean Bouthillier aménage dès 1792 une potasserie qui passe au feu l’année suivante. Cependant, il est encore mention de potasse sur le terrain de Bouthillier, lui-même devenu en 1804 inspecteur de perlasse et de potasse (D’Amour et al. 2005: 57). Puisque la potasse est un élément important du commerce de Dunlop, on peut se demander si la proximité d’un inspecteur de potasse a joué sur son choix d'acheter le terrain. Enfin, l’intensification des activités commerciales emmène dans le port nombre de travailleurs et marchands, ce qui se remarque par la présence sur l’îlot de deux auberges.

À sa prise de possession par Dunlop, il existe sur le lot 5a un hangar de deux étages en pierre de 16,20 mètres sur 6,50 mètres, dont le mur est délimite le site à l’étude. Ce hangar, adossé à une voûte en pierre bâtie par Jean-Baptiste Leprohon dans le lot 3 en 1798, semble être construit en même temps que celle-ci. À des dates inconnues entre 1805 et 1815, mais probablement dès 1805, James Dunlop fait ériger deux autres immeubles sur son terrain. Le premier est un entrepôt en pierre de trois étages de 22 mètres sur 12,30 mètres, construit à l’extérieur du site à l’étude et couvrant la portion sud du lot donnant sur la rue de la

Commune. La seconde bâtisse est une longue remise en bois de 3 mètres sur 23 mètres qui longe la bordure est du lot (D’Amour et al. 2005: 49).

L’inventaire après décès de Dunlop nous livre quelques informations sur les marchandises qu’il fait entreposer à cet endroit. Il s’agit pour la plupart de produits en vrac comme des pièces de quincailleries, du bois et des denrées alimentaires comme du thé, du jambon et du riz (D’Amour et al. 2005: 51). Même si Dunlop s’est engagé dans le commerce de la potasse, on ne retrouve pas trace de ce produit dans l’inventaire hormis des chaudrons à potasse. Après la mort de Dunlop, le terrain est racheté en 1816 par la firme Gerrard, Yeoward, Gillespie & Company, successeure de la firme Parker, Gerrard & Ogilvy (D’Amour et al. 2005: 52). Les nouveaux propriétaires ajoutent une annexe à l’entrepôt Dunlop, qui, elle, s’étend dans l’aire de fouille à l’étude. Hormis cet agrandissement de l’entrepôt, l’organisation du terrain restera la même jusque vers 1842, quand la remise et l’entrepôt Dunlop sont démolis. Ainsi, bien que la phase d’occupation de Dunlop ne couvre que les années 1805-1815, phase scellée sur le site par les déblais liés à l’agrandissement de l’entrepôt vers 1815, les édifices présents durant cette décennie perdurent jusqu’à 1842.

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