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A. La politique centralisatrice française face au modèle allemand

III. Visualiser les paysages énergétiques: un outil d’urbanisme durable?

28. VERGNEAULT-BEL MONT Françoise, idem,

p. 12

29. VERGNEAULT-BEL- MONT Françoise, idem, p. 71

Des cartes traditionnelles aux logiciels de simulation

Aux difficultés d’imager lisiblement les nouveaux sys- tèmes de données complexes, s’ajoutent les enjeux plus usuels de la sémiologie cartographique. Le renouvellement de ces cartes repré- sentant les territoires énergétiques et leurs interrelations ne peuvent s’abstraire de plusieurs siècles de perfectionnement des systèmes de cartes. Il serait même idiot d’essayer, vu que la cartographie a déjà posé de nombreuses questions de fond et de formes dans la transcription d’un propos à une image. Ainsi, les principales difficul- tés de lecture des cartes par le grand public sont :

- Lire un relief et le rapporter à une image en élévation - Distinguer les variables visuelles couleurs et les variables valeurs

- Identifier les éléments linéaires et les éléments ponctuels - Distinguer les couches d’informations présentes sur une carte et les dissocier

- Utiliser les informations de la carte comme critère pour le choix d’un emplacement optimal (donc passer de l’existant à la proposition de projet)

- Distinguer la forme et la taille d’un symbole

- Distinguer les données quantitatives des données qualita- tives 26

On ajoute alors les quelques difficultés qui se posent pour stimuler l’ensemble des données complexes à gérer :

- Cas1 : on essaye de faire des prévisions sans avoir les données, à l’instinct. Sans donnée pas de carte fiable - Cas2 : on a les données, mais on ne sait ni les comprendre, ni les interpréter, ni les faire parler, alors on les stocke en les oubliant quelque part.

- Cas3 : on a les réponses, mais on ne sait pas quelle est la question. Avoir les bonnes informations sans le contexte em- pêche de les connecter aux bons besoins, aux bons acteurs, aux bons marchés, c’est un enjeu que les gérants des BigData ont bien compris

- Cas4 : On choisit d’ignorer les données à notre disposi- tion, car elles pointent des disfonctionnements dans certains points stratégiques que l’on préfèrerait ne pas avoir vu (ce qui semble bien le cas quand on parle de stratégies énergétiques territoriales)27

Françoise Vergnault rappelle dans le même esprit à quel point les outils développés par le domaine cartographique pendant des siècles sont élaborés, ses codes de langage restent très actuels et utiles. Ainsi « Dans cette quête jamais assouvie de la meilleure co-

hérence entre le fond et la forme, elle est exigeante : ne peut en effet être représenté au plus juste que ce que l’esprit maîtrise, domine, d’où l’incontournable et fructueuse réflexion sur la nature de l’objet étudié et sur le choix des modalités graphiques les mieux adaptées à sa transcription. »28 Chaque trait de ce paysage énergétique que

nous souhaitons représenter se doit ainsi d’être compris: essentielle, la hiérarchie de l’utilisation de chacun parfaitement réfléchie, c’est la condition à laquelle la quantité hétérogène d’information ainsi sti- mulée pourra être transmise en un propos cohérent. Comment sché- matise-t-on, suffisamment pour simplifier mais pas trop pour faire comprendre les mouvements ? Aussi difficile soit-il, que peut-on éliminer qui ne demeure pas indispensable ? Quel équilibre entre les signes pour rester dynamique et ne pas décourager le regard, mais au contraire l’inviter à approfondir ? Doit-on éclater l’information en une série d’images claires se comprenant les unes à côté des autres? Que met-on en arrière-plan ? Il y a ainsi une vraie réflexion à avoir sur le fond de carte, surtout s’il y a plusieurs cartes, à plusieurs

échelles. La question est donc : qu’est-ce qui est pertinent à utiliser comme fond de carte pour que le regard puisse situer les choses ? Il faut que ce soit aussi léger que possible, pour ne pas perturber la lisibilité hiérarchique des informations. Présence discrète. C’est le thème traité sur la carte qui doit se situer visuellement en avant, puis s’élabore ainsi une succession de plans visuels selon leur ordre d’importance29.

Il semble utile de s’attarder un moment sur un point de représentation : l’élaboration d’un indice de connectivité. Dans le petit tableau ci-contre réalisé par Françoise Vergneault, les villes qui totalisent le plus de connexions à d’autres villes ont une connectivité plus forte, on peut établir selon les résultats un gradient. La méthode commence par un tableau, très exhaustif, et se conclue sur une ad- dition pour chaque ville du nombre de points obtenus. On peut ima- giner dans nos paysages énergétiques messins que porter un regard sur le degré de connexion de chaque élément au système permettrait de lire clairement les points les plus stratégiques du territoire sur la transition énergétique de la métropole mosellane, et ce tant sur le ré- seau de chaleur dans la ville que sur tout le département. A nouveau la représentation de cette hiérarchie est une hypothèse lancée sur le papier, un état des recherches pouvant ouvrir sur une proposition, et

30. VERGNEAULT-BEL- MONT Françoise, idem, p. 195

non un objet fini. Les logiciels de simulation sont ainsi une porte ouverte à ces cartes en mouvement perpétuel, dont chaque essai n’est qu’un test rendant compte de l’avancement des recherches à un moment donné, avec un matériau provisoire. « Ainsi conçue, la carte

accède au statut d’objet scientifique en devenir, situé dans le courant général de la recherche »30 .

Assistance mathématique

Nous citerons 3 outils en développement qui permettent d’appréhender avec souplesse et précision ces nouveaux objets d’étude, au statut de processus. D’abord, l’ensemble des logiciels SIG (système d’information géographique, ou GIS en anglais) per- mettent de transcrire un grand nombre de sources d’informations, qu’elles soient spatiales ou non, dans un système cartographique géo référencé. Ainsi chaque donnée, quelle que soit la caractéristique qui la conditionne (valeur, classification thématique, hiérarchique, temporelle) se trouve attachée à des coordonnées, et les logiciels repositionnent ainsi instantanément les différentes couches d’infor- mation, spatialement, les unes par rapport aux autres. Sans entrer plus loin dans le détail, on comprend que cette méthode, qui intègre des algorithmes complexes, permet de confronter rapidement des informations, d’établir des points de contact, des comparaisons, de stimuler la réflexion. La carte se situe ainsi dans un entre-deux, après la sélection des informations à entrer mais avant l’observation des liaisons peu ou pas soupçonnées. Regardons par exemple ci-après comment quelques clics permettent d’établir le lien entre les grands réseaux électriques et le bâti industriel présent à moins de

Tableau d’élaboration d’un indice de connectivité - Françoise Vergneault

31. RATTI Carlo (direc- teur du MIT Senseable City Lab), Une archi- tecture qui capte et qui réagit, TED Talk’s Show, mars 2011

500 mètres de ces réseaux.

Le MIT Senseable City lab, un laboratoire de recherche sur la ville de l’Université du MIT, a également développé il y a quelques années plusieurs logiciels capables de simuler des cartes, souvent interactives, à partir des jeux de données collectés après étude ou en temps réel grâce à une connexion en ligne. Datacollider est un bon exemple, l’exemple ci-contre montre le recensement en ligne des trajets de taxi à New York. Cela permet à chaque utilisateur de connaître les trajectoires usuelles des taxis, le temps de parcours estimé, le prix et surtout la consommation carbone qu’ils peuvent être incités à réduire en fonction de leur choix de trajet31. Enfin citons

rapidement un autre logiciel développé par une école très centrée sur le développement des nouvelles technologies : Depthmap, tra- vaillé à l’Ecole Polytechnique de Zürich. Ce logiciel propose, à partir de données géo référencées, un certain nombre d’outils analytiques basés sur des algorithmes : le degré de connectivité encore une fois, analyse le nombre de connexions par nœuds, la longueur des seg- ments (utile pour des calculs de distance), etc. et les traduits gra- phiquement par des gammes de valeurs (nuanciers, plus ou moins lumineux). Certains problèmes de cohésion entre ces logiciels de- meurent, notamment du point de vue des extensions. Ainsi il a été

observé pendant les tests que Depthmap a des difficultés à analyser à partir de document .dxf non référencés, mais par ailleurs le logiciel SIG utilisé, ARCGIS, exporte les informations en .dwg et non en .dxf –et passer par un logiciel de type Autocad (dit DAO :dessin assisté par ordinateur ) perd automatiquement les données « coordonnées» rattachées aux informations construites. Il faut donc, en attendant cette uniformisation qui encore une fois rencontre le même type de difficultés que les logiciels BIM, tirer parti au mieux des capacités de chaque logiciel mais garder sa base de travail sur un seul.

La carte, bien élaborée, reste un moyen simple et efficace de communiquer les changements du territoire, de faire projet en- semble, mais aussi se positionne avec agilité dans un processus d’accompagnement de la recherche. Elle peut, selon le besoin, per- mettre de faire un point sur l’état d’avancement de notre pensée, ou résoudre un problème de recul ou de synthèse. Elle s’inscrit ainsi dans un processus dynamique, dialoguant avec le chercheur puis avec les planificateurs, en délivrant d’un seul coup d’œil l’essentiel du message qu’elle tend à raconter. Elle appelle en permanence à être changée et se lie ainsi avec aisance aux logiciels interactifs qui se développent ces dernières années.

Simulation HubCab, Datacollider Test Interconnectivité, Depthmap Liens bâti industriel et réseaux ArcGis

32. BERLIN Jacques, cité par LIMA Manuel, Cartographie des réseaux, idem, p. 77

33. MERIEM, OPIGEZ,

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