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A. La politique centralisatrice française face au modèle allemand

III. Visualiser les paysages énergétiques: un outil d’urbanisme durable?

33. MERIEM, OPIGEZ, PALAYN, La carte mode

d’emploi, Les Cahiers de l’IAU, idem, p. 16-19 34. VERGNEAULT-BEL- MONT Françoise, idem, p. 30

c.

Réinventer les méthodes

« La graphique n’est plus seulement la représentation de

la simplification finale, c’est aussi, c’est surtout, le point de départ exhaustif et l’instrument qui permet de découvrir et de défendre cette simplification. La graphique est devenue, par sa maniabilité, un instrument de traitement de l’information » 32. Jacques Berlin

La carte hypothèse

Il semble clair dans nos professions de l’espace qu’une carte ne se produit pas sans question. C’est sans doute encore plus important lorsque la quantité et la diversité des informations qu’elle doit traiter se multiplie de manière exponentielle, il est alors aisé de perdre l’interrogation au milieu des chiffres et des colonnes qui arrivent de toutes parts. Par ailleurs, la capacité des nouveaux outils cartographiques à remettre les informations dans un contexte plus large, la croisant avec des données inattendues, permet de déployer une richesse d’analyse supplémentaire mais devient encore une couche d’information supplémentaire à gérer.

« Une carte ne se lit ni de gauche à droite, ni de haut en bas, mais

se perçoit globalement »33. Il y a ainsi une relation étroite entre le

fond de carte, le cadrage, le degré de précision ou de généralisa- tion de chaque élément et les relations que chacun entretient avec les autres. S’élabore pour chaque dessin un langage unique. De même, lorsqu’on parle de la langue à proprement parler, celle fran- çaise accentue énormément sur les sujets et se montre pointilleuse sur les temps ; la langue japonaise oublie presque la première per- sonne et se concentre sur des jeux sophistiqués de relations, entre les sujets et entre objets et sujets, jouant sur les degrés et éludant le moi possessif. Nous pourrions presque dire que le français car- tographie les nœuds et le japonais les liaisons.

Elaborer une carte passe donc par le choix de ce que l’on va mettre en dialogue : on décide des données à utiliser, puis de leur moyen graphique en relations aux autres. Cette décision ne peut pas être anodine si elle résulte bien d’un questionnement, et a objectif à montrer (ou peut-être à chercher) quelque chose. Elle émet donc une hypothèse, et par un agencement graphique différent serait amenée à raconter une autre histoire. On provoque ainsi une observation dans l’intention d’étudier un phénomène, un rapprochement. Cette démarche expérimentale, qui transcrit des

données abstraites chiffrées en objets visuels « directement per-

ceptibles aux sens (la vue) et manipulable (le toucher) »34 , vise

à nous donner les moyens de découvrir ce qui pourrait l’être. C’est une base, immédiatement palpable, un outil qui permet la recherche quand nous ne sommes pas même certains de ce que nous cherchons. Mais pourrait-on le découvrir autrement ? L’image en élaboration, au-delà de sa dimension heuristique, révèle son utilité au fur et à mesure que son « créateur » se l’approprie, par le terrain et les données. En la manipulant, la modifiant, il cherche la justesse entre la question et l’ensemble de points, lignes et surfaces que proposent les outils de la sémiologie graphique. Ce dialogue interactif porte ses fruits lorsqu’il est compris et intégré dans la démarche, pas seulement testé en hypothèse de fin de par- cours. La carte peut être également là pour provoquer la réflexion à mi-parcours en remettant en perspective la signification de l’oc- cupation des données dans l’espace. Comme le dit poétiquement Françoise Vergneault, c’est un chemin de découverte.

La forme et le fond

35. LIMA Manuel, idem, p.12 36. VIGANO Paola, Le projet producteur de connaissance, Colloque Explorations Figuratives, Belleville, 5 novembre 2015 37. VERGNEAULT-BEL- MONT Françoise, idem, p. 12

38. LIMA Manuel, idem, p. 82 – résumé reformulé de l’extrait

39. LIMA Manuel, idem

tions et les graphiques standards ? Dans les deux cas on associe grandeur et variable et visuelle, et on utilise points, lignes, courbes, formes simples et autres primitives visuelles. « La visualisation de

l’information réinstaure la représentation. Mais il s’agit là d’une nou- velle forme de représentation, adaptée à la société de l’information: plutôt que de représenter le monde visible, nous essayons désormais de représenter – afin de les comprendre – toutes sortes de jeux de données. » 35. La visualisation des réseaux prend d’avantage la forme

de diagrammes ; donnée spatiale mise à part, nœuds et liens font ressource graphique universelle. Les nœuds peuvent représenter des personnes, pages web, neurones, protéines, aéroport, se classer quantitativement ou qualitativement ; tandis que les liens soulignent les relations entre les nœuds, encore une fois dans leurs quantités, leur essence et leurs variétés. On associe ces deux types d’éléments au fond pour tenter de découvrir des motifs, des rapports, une struc- ture. C’est ce que Paola Vigano appelle les « machines territoriales »36 : ce qui conditionne les développements sur un territoire en s’or-

ganisant à part, parfois presque en souterrain. L’ensemble de ces modes de représentation, pour passer de la science au design et permettre à l’utilisateur de repérer les informations qu’il cherche, doit intégrer alors un style graphique, lisible, agréable, communiquant.

Les points de production d’énergie sont repérés par des triangles, mais sont-ils tous noirs et de différentes tailles ou bien ont-ils des nuances de gris plus ou moins sombres selon leur importance ?

La carte se réclame d’une démarche scientifique, elle tend dans un premier temps aux exigences de l’objectivité et de la préci- sion. Ainsi à chaque signe un seul sens, il faut établir un langage clair en évitant les ambiguïtés. Les données recueillies sont retranscrites sans digression. En revanche, elle n’est pas exhaustive, et elle est définitivement orientée. Mais ce sont les choix des données, dans le fond et la forme, qui une fois clairement représentées vont parler d’elles-mêmes. Contrairement à l’œuvre d’art dont la forme finale (si finale il y a) est toujours subjective, la carte « trouve sa beauté dans

cette quête jamais assouvie de la meilleure cohérence entre le fond et la forme »37 .

Travail préparatoire

Manuel Lima nous propose dans son ouvrage une métho- dologie en 8 points pour créer notre propre carte de réseaux com- plexes en prenant en compte les étapes essentielles 38:

1. Commencez par une question : Il s’agit d’identifier im-

médiatement la question à laquelle la ou les cartes devront répondre, en pensant plus rapidement à la manière dont on va utiliser les données recueillies qu’aux données en elles- mêmes. L’auteur nous incite à la considérer comme un « mètre-étalon » qui réinterroge régulièrement la pertinence des cartes et permet d’éliminer le superflu.

2. Cherchez la pertinence : chaque acte de communication

est un moyen ou une fin. Considérant la grande quantité d’in- formation que risquent de contenir les supports, il est impor- tant que chaque élément soit représenté avec un minimum d’effort et de moyen. Cela concerne autant le choix du jeu de données (le contenu) que le choix des techniques de visuali- sation (la méthode) qui dépend autant de la question que des utilisateurs, du contexte et des besoins exprimés.

3. Permettre l’analyse selon plusieurs variables : il est pos-

sible de mettre en place des jeux de données complémen- taires, capables de proposer des informations supplémen- taires sur la nature des nœuds et des liens. On peut entrer

ainsi dans des précisions de types rapports de cause à effet, nature et motifs des relations. Ces informations ne sont pas forcément tout le temps lisibles.

4. Utilisez le temps : une analyse temporelle couvre plus

que l’analyse historique, elle s’applique également à la dy- namique du temps réel et aux oscillations. L’idéal, c’est donc une carte qui se redéfinit en permanence, modifie ses liaisons à chaque changement réel. « Ce n’est pas seulement le réseau

qui s’adapte [au changement], mais tout ce qui est échangé à l’intérieur du système qui fluctue également au cours du temps (l’information, l’énergie, l’eau, un virus) »39 .

5. Enrichissez votre vocabulaire : nous revenons aux deux

éléments de base, les nœuds et les liens. Il faut penser à utiliser tout l’éventail de possibilités qui s’offre à nous sur chaque variable, de couleur, forme, taille, orientation (pour les hachures par exemple), grain, valeur, position… Les nœuds peuvent grandir ou diminuer, montrer ou cacher des informa- tions (à l’intérieur des symboles), se transformer selon les pa- ramètres. Les liens peuvent définir beaucoup d’informations,

40. VERGNEAULT-BEL- MONT Françoise, idem, p. 225

41. ALVAREZ-HAME-

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