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Chapitre 1 Définition du problème

1.3. Essais de chargement statique

1.3.1. Variations de traction dans les armatures

Lors de la phase de développement du procédé Terre Armée, de nombreux essais sur modèles réduits, pour la plupart bidimensionnels, ont été menés pour comprendre la réponse des soutènements à un chargement statique (Corté, 1977). Ces recherches ont été complétées par des essais en vraie grandeur, au nombre d’une dizaine (Bastick, 1985a). Certains d’entre eux sont antérieurs à la rédaction des RRA et sont à l’origine de la méthode de dimensionnement. Pour la majorité d’entre eux, le chargement a été appliqué au ras du parement afin de simuler la présence d’une culée de pont. Un des ouvrages les plus utiles de cette série pour nos préoccupations est celui de Dunkerque (Figure 1-21, Juran, 1977), le chargement ayant été positionné loin du parement, comme dans notre problématique.

Figure 1-21 - Profil instrumenté de l’ouvrage du port de Dunkerque (Juran, 1977).

Cet ouvrage à double parement a été réalisé dans le port de Dunkerque pour servir de support aux portiques roulants et de zone de stockage de minerais. Les parements ne sont pas en béton mais en métal. L’ouvrage mesure 630 m de long, entre 15 et 18,4 m de large et 10 m de haut. Le matériau de remblai est un sable de mer extrait dans la région et l’ouvrage repose sur un sol compressible. Il a été largement instrumenté au moyen de jauges de déformations collées sur des armatures appartenant à plusieurs lits et de capteurs de contrainte mis en place à différentes profondeurs dans le sol.

Il a été ainsi possible de remonter aux variations de traction dans les armatures liées à l’application de la charge. A partir des valeurs relevées pour plusieurs positions de la charge, la

distance entre le parement et le point d’application de la charge (notée da) ayant varié de 1,4 à 7 m

lors des essais, le constat suivant a été établi : pour da < H/2 (Figure 1-22a), l’augmentation de

traction au niveau des lits supérieurs se situe sensiblement à l’aplomb de la charge puis se

rapproche du parement dans la partie basse du mur, tandis que pour da > H/2 (Figure 1-22b),

a)

b)

Figure 1-22 - Variations de traction liées à l’application de la charge (Corté, 1977).a) ligne des maxima pour d = 5 m, b) par zone d’influence pour d = 7 m.

Dans les deux cas, en toute rigueur, pour obtenir la traction maximale réelle dans une armature lorsque l’ouvrage est chargé, il faut cumuler les tractions liées au poids propre du soutènement et celles liées à l’application de la surcharge (Figure 1-23).

da

Figure 1-23 - Superposition des tractions dans une armature (Corté, 1977).

Pour illustrer la mise au point de la méthode de calcul des incréments de traction dans les armatures, c’est le mur autoroutier de Fremersdorf qui servira de support. Il s’agit d’un ouvrage construit le long de la Sarre et mesurant entre 6 et 7,3 m de haut pour 970 m de long (Figure 1-24). Le matériau de remblai est là aussi un sable, sauf près du parement où une grave à forte perméabilité a été mise en œuvre du fait des crues de la Sarre. Deux profils du soutènement ont

été instrumentés au moyen de jauges de déformation, de capteurs de contrainte (horizontale et verticale) et de capteurs de déplacement du parement.

Sable Soutènement Grave « filtrante » Géomembrane Grés Grave sableuse Grave

Figure 1-24 - Coupe de l’ouvrage autoroutier de Fremersdorf (d’après Floss et Thamm, 1979).

Avant l’ouverture à la circulation de l’autoroute, un essai de chargement a été réalisé à l’aide d’écailles supplémentaires, disposées pour former un bloc de 6 m de long et 3 m de large disposé à 2 m du parement, parallèlement à celui-ci. La surcharge initiale était de 18 kPa, puis elle a été portée à 36 kPa. 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 5,5 6 6,5 7 0 1 2 3 4 z (m) d (m)

La figure 1-25 présente la distance au parement de l’augmentation maximale de traction dans les armatures en fonction de leur profondeur. Contrairement à ce que laissent présumer les résultats relevés à Dunkerque, l’augmentation maximale de traction dans la partie haute du mur n’est pas à l’aplomb de la charge.

A partir des enseignements tirés de l’ensemble des essais de chargement, Bastick (1985a) a essayé de trouver une méthode de calcul des variations de traction provoquées par l’application du chargement en s’appuyant sur la théorie de Boussinesq. Dans le cas de Fremersdorf, cette

méthode se traduit de la manière suivante. Soient d1 = 2 m et d2 = 5 m avec d la position étudiée

(Figure 1-26), le coefficient de diffusion est alors égal à :

(

d d

)

F

(

d d

)

F Fd = 1 2, 1 1, (I.1) avec

( )

⎛ − ⎛ + = z d d F z d d F d d F 1 0 1 0 1

1 , (z étant la profondeur) (I.2)

( )

+ + = d d d x F arctan ² 1 1 ) ( 0 π (I.3)

Pour prendre en compte l’aspect tridimensionnel de l’influence de la surcharge, un coefficient de diffusion latérale (noté Flat) doit être introduit :

× = z a F

Flat 2 0 avec a = 3 m (moitié de la longueur) (I.4)

Ces coefficients permettent de calculer la variation de contrainte verticale moyen (Δσv) et

de là, l’augmentation de traction dans l’armature est déterminée de manière classique, avec ici un

coefficient de poussée (noté K) supposé égal à 0,25 :

arm arm lat d F d h F q K T = × × × × × Δ (I.5)

avec q la surcharge, darm l’espacement entre deux armatures du même lit et harm la différence

de hauteur entre deux lits d’armatures. La confrontation entre les mesures et la théorie présentée sur la figure 1-26 montre une bonne corrélation.

ΔTmax (kN) h (m) Surcharge de 18 kPa Surcharge de 36 kPa Haut du mur d (m)

Figure 1-26 - Augmentations de traction maximales en fonction de la hauteur (d’après Bastick, 1985a).

Plus généralement, il peut s’avérer nécessaire de prendre en considération dans le calcul des variations de traction un moment de renversement du parement lié à la diffusion de la

surcharge, d’autant plus si celle-ci est proche du parement. Ce n’est pas le cas ici et ce ne le sera a

priori pas non plus pour les ouvrages ferroviaires.

Il est donc possible de calculer plus finement avec une méthode, qui reste cependant simple à mettre en œuvre, les tractions dans les armatures d’un soutènement lorsque celui-ci est soumis à une surcharge statique. Néanmoins, la figure 1-25 montre que le lieu précis de l’augmentation maximale demeure délicat à déterminer.

1.3.2. Déformations horizontales et verticales du soutènement

Parmi les différents essais de chargement décrits dans la littérature, deux d’entre eux ont fait l’objet d’un suivi des déplacements verticaux de la surcharge et/ou des déplacements horizontaux du parement. Le premier est le soutènement expérimental de Triel sur Seine réalisé en 1975 par le Centre Expérimental de Recherches et d’Etudes du Bâtiment et des Travaux Publics (CEBTP).

Il s’agit d’un mur expérimental de 6 m de haut (dont 0,6 m de fiche), mesurant 19,5 m de long en partie haute et 40,5 m en partie basse. Il a subi un chargement statique de type « culée de pont » dans le but d’observer les déplacements du parement. La moitié des écailles mesure 14 cm d’épaisseur et l’autre moitié 18 cm. Le matériau de remblai est un tout-venant sablo-graveleux extrait sur place. Les armatures en acier galvanisé, de section 30 mm x 4 mm, mesuraient 5 m de long (Figure 1-27).

Figure 1-27 - Coupe type de l’ouvrage de Triel sur Seine (CEBTP, 1975).

Pour suivre les déplacements horizontaux du parement, des mires ont été mises en place suivant trois profils (Figure 1-28).

Figure 1-28 - Disposition des mires (CEBTP, 1975).

Certaines armatures ont été instrumentées en trois points au moyen de jauges de déformation. Le chargement a été appliqué par l’intermédiaire de « billettes » d’acier de fonderie disposées en lits successifs (Figure 1-28), d’une longueur de 10 m. Leur assemblage constituent un bloc de 2 m de large, positionné le long du parement.

Les mesures faites sur le profil B pour trois niveaux de surcharge sont récapitulées sur la figure 1-29.

0 1 2 3 4 5 6 0 1 2 3 4 5 6

48 kPa 77 kPa 90 kPa

Déplacement (mm) Hauteur (m)

Figure 1-29 - Déplacements horizontaux du parement pour trois niveaux de surcharge.

La première observation est que l’ordre de grandeur des déplacements du parement est de quelques millimètres, 5 au maximum, pour un ouvrage de 6 m de haut. La précision du système de mesure, visiblement insuffisante pour des surcharges inférieures à 45 kPa, explique l’allure des courbes pour 48 et 77 kPa.

Deuxièmement, il est clair que l’évolution des déplacements n’est pas une fonction linéaire de la surcharge. Pour 48 kPa, les déplacements sont inférieurs à 1 mm, alors qu’ils atteignent 5 mm à 90 kPa.

Troisièmement, il est raisonnable de supposer que le comportement des armatures reste élastique et linéaire, il est donc possible de relier les tractions et les déformations des armatures de la manière suivante : arm arm moy E A T = × × Δ ε (I.6)

ΔTmoy, ε, Earm, Aarm et υ sont respectivement la traction moyenne dans l’armature, la

déformation, le module d’Young, l’aire de la section et le coefficient de Poisson des armatures. Les augmentations de traction maximales mesurées pour h = 4 m sont de l’ordre de 9 kN, ce qui donne selon la formule (I.6) un allongement d’environ 1,7 mm, ce qui est significativement plus important que le millimètre mesuré au niveau du parement. Par contre, en considérant que la variation de traction moyenne vaut la moitié du maximum, l’écart est plus raisonnable.

Pour mémoire, dans le cas présent, une surcharge qui représente environ les deux tiers de

Une des plus importantes expérimentations concernant la Terre Armée est celle de Bourron Marlotte. Le premier objectif de cette étude était d’étudier les murs à armatures courtes, cet aspect ne sera pas traité ici. Par contre, le deuxième objectif était d’étudier les déformations de l’ouvrage soumis à une surcharge de type « culée de pont », associant des chargements verticaux et horizontaux.

Dans un premier temps, c’est un ouvrage de 10,5 m de haut qui a été mis en œuvre. Il a été démonté partiellement, sa hauteur étant ramenée à 6 m, pour permettre la mise en place d’un sommier en béton armé de 1,5 m de large, 0,85 m d’épaisseur et 5,4 m de long. Un remblai de hauteur 1,5 m a ensuite été mis en place derrière le sommier (Figure 1-30). Le sol support en place, de mauvaise qualité, a été substitué sur 5 m de haut par du sable de Fontainebleau.

Figure 1-30 - Présentation de l’ouvrage de Bourron Marlotte (Bastick et al., 1991).

L’ouvrage a été instrumenté selon le même principe que pour les autres réalisations expérimentales. De plus, des inclinomètres horizontaux ont été posés au fur et à mesure de la construction du soutènement.

La sollicitation de l’ouvrage s’est faite en quatre phases. La première et la dernière ne comportaient pas de chargement horizontal. La figure 1-31 présente la réponse de l’ouvrage en terme de déplacement, notamment vis-à-vis des tassements du sommier mesurés pendant ces

deux essais. Le niveau de chargement est important puisqu’il représente environ 6 fois γ x H. Le tassement maximal mesuré vaut environ 40 mm, soit 0,66 % de la hauteur de l’ouvrage.

Pour un niveau de charge de service, c'est-à-dire 150 kPa, l’ordre de grandeur du tassement du sommier est de 5 mm et les déplacements du parement sont un peu plus faibles. Il est intéressant de constater que, pour de faibles niveaux de chargement, le déplacement du parement est plus faible que le tassement du sommier ; à partir d’un chargement de l’ordre de 300 kPa, les mesures sont équivalentes.

Pour une géométrie sensiblement la même qu’à Triel, les déplacements du parement pour un même niveau de chargement sont ici plus faibles. Le fait que l’ouvrage mesurait 10,5 m de haut à l’origine peut avoir engendré une surconsolidation et par conséquent des déformations permanentes. a) 0 2 4 6 8 10 12 0 100 200 300 400 δh (mm) qv (kPa) b)

Figure 1-31 - Réponse de l’ouvrage en déplacement. a) Tassement du sommier lors des tests 1 et 4 (Bastick et al., 1991), b) Déflexion du parement (d’après Bastick et al.,1993).

Au final, l’analyse des précédents essais de chargement statiques aboutit à une méthode de calcul des variations de traction plus précise que celle de la méthode de dimensionnement en vigueur. Par exemple, les auteurs précisent que, d’après la méthode de dimensionnement des

RRA, le mur de Bourron Marlotte n’était pas capable de supporter 700 kPa en tête. Néanmoins, même avec cette avancée, la position de l’augmentation de traction maximale liée à l’application de la surcharge reste incertaine.

S’agissant des déformations, il semble qu’en statique l’ordre de grandeur des déplacements verticaux de la face supérieure de l’ouvrage comme les déplacements horizontaux du parement s’expriment en millimètres. A des niveaux de chargement importants, proches de la rupture, les déformations verticales sont de quelques millièmes de la hauteur. La figure 1-31a montre aussi que la réponse en tassement n’est pas linéaire. Malheureusement, il n’existe qu’un seul exemple d’ouvrage de ce type, ce qui ne permet pas d’établir de règle de calcul.

Le tableau 1-2 synthétise les principaux points évoqués dans ce paragraphe. Tableau 1-2 - Synthèse des différentes expérimentations statiques..

Ouvrages Enseignements Questionnements

Dunkerque

La position des augmentations de traction dans les armatures dépend de la position de la surcharge. Fremersdorf

Prendre en compte la diffusion latérale permet de calculer la valeur des augmentations maximales de traction.

Quelle est la position des augmentations de traction maximales dans les armatures ? Ces déplacements n’évoluent pas de façon linéaire avec le niveau de la charge.

Triel

L’ordre de grandeur des

déplacements du parement est de

quelques millimètres. Ils ne peuvent pas être directement

reliés aux variations maximales de traction.

Toutes proportions gardées, les déplacements horizontaux du parement sont inférieurs à ceux mesurés à Triel.

Quel est l’impact du pré-chargement sur le déplacement du parement ? Bourron Marlotte

Les déformations verticales de l’ouvrage atteignent 0,66 % de la hauteur pour un niveau de surcharge pour lequel il devrait rompre.

Comment calculer les déformations verticales d’un ouvrage, qui ne sont visiblement pas proportionnelles à la surcharge ?