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Chapitre 1 Définition du problème

1.2. Généralités et réglementations

1.2.1. Principe de fonctionnement

Le procédé de la Terre Armée utilise du matériau de remblai granulaire, des armatures, le plus souvent métalliques, et un parement composé d’écailles. Le montage commence par la réalisation d’une semelle de réglage en béton pour le parement. Ensuite, la mise en œuvre se fait par couches successives comprenant à chaque fois les mêmes étapes. La première est la pose d’un niveau d’éléments de parement. Ensuite, une couche de sol est remblayée puis compactée. Les armatures sont alors fixées au parement par boulonnage (Figure 1-13). Une autre couche de sol est mise en œuvre jusqu’à ce que le niveau de sol ait rattrapé celui du parement. Le processus peut alors recommencer.

Figure 1-13 - Mise en œuvre du mur 3 de l’ouvrage de raccordement de Perrigny (document SNCF).

Le fonctionnement de l’ouvrage repose essentiellement sur l’existence d’un frottement entre le matériau de remblai et les armatures. Le frottement se traduit par des contraintes de cisaillement à la surface des armatures, ce qui entraîne une variation continue de la traction dans

les armatures (Figure 1-14). Grâce à ce phénomène, les armatures se mettent en traction, conférant au matériau composite une cohésion proportionnelle à la densité et à la résistance des armatures.

Figure 1-14 - Variation de l’effort de traction dans l’armature et contrainte de cisaillement entre le sol et l’armature (LCPC et SETRA, 1991).

A ce jour, les lois de mobilisation du frottement sont empiriques. Ne connaissant pas la

valeur précise de la contrainte sur l’armature, un coefficient de frottement apparent noté f* a été

défini comme le rapport entre la contrainte de cisaillement maximale mobilisable sur la surface de

l’armature et la contrainte verticale moyenne de même niveau. f* dépend de la densité du remblai,

du poids des terres sur le remblai et de l’état de surface de l’armature.

Dès que le remblai est compacté, le coefficient de frottement apparent est généralement plus élevé que le coefficient de frottement théorique. Cela s’explique par le phénomène de dilatance empêchée (Schlosser et Guilloux, 1981). Le cisaillement qui se crée dans le sol entraîne une augmentation de volume, limitée par la faible compressibilité du sol voisin. La conséquence est une augmentation de la contrainte normale s’exerçant sur les armatures (Figure 1-15).

σ’v0

Figure 1-15 - Répartition des contraintes sur un lit d’armatures (LCPC et SETRA, 1991).

Il a aussi été démontré par l’expérience que les armatures à haute adhérence (HA)

est une fonction décroissante du poids des terres situées au-dessus de l’armature considérée et ce phénomène est moins marqué avec des armatures HA.

La répartition des tractions dans les armatures a été déterminée de manière expérimentale. Les expérimentations permettent d’affirmer que les tractions ne sont pas maximales au niveau du

parement mais dans le massif. La ligne reliant les tractions maximales (notées Tm) de chacun des

lits passe par la base du parement et présente une partie souvent considérée comme verticale dans la moitié supérieure de l’ouvrage. Au sommet de l’ouvrage, la distance entre le parement et cette

ligne est toujours inférieure à 0,3 fois la hauteur mécanique (notée Hm), cette dernière ayant été

définie comme la somme de la hauteur du parement et de la hauteur de terre du talus amont ayant un rôle dans la stabilité de l’ouvrage. Enfin, la ligne des tractions maximales sépare l’ouvrage en deux zones (Figure 1-16). La première, dite « active », se caractérise par le fait que le sol tend à glisser vers l’extérieur du massif et est essentiellement retenu par les efforts de frottement mobilisés sur les surfaces des armatures. Ces efforts sont dirigés vers l’extérieur du massif. A l’inverse, dans la zone « résistante », c’est l’armature qui tend à glisser vers l’extérieur du massif et qui est retenue par les contraintes de cisaillement que le sol exerce sur elle. La longueur

de l’armature située dans la zone résistante est appelée longueur d’adhérence (notée La).

Tm T

Tp

1.2.2. Prise en compte de la surcharge dans le dimensionnement

Ce paragraphe concernant la prise en compte de la surcharge dans le dimensionnement des ouvrages s’appuie sur la norme NF P 94-220 (AFNOR, 1998), spécifique aux ouvrages en sols rapportés renforcés par armatures ou nappes peu extensibles et souples, qui vient d’être intégrée dans un document plus général, la norme NF P 94-270 (AFNOR, 2009), qui englobe l’ensemble des ouvrages de soutènement en sol renforcé. Ces textes s’inspirent de l’ouvrage Recommandations et Règles de l’Art (noté R.R.A., LCPC et SETRA, 1991) dont la première version date de 1979 et qui a longtemps été le texte de référence en la matière.

Les trois points abordés plus particulièrement sont la spécificité géométrique de la surcharge, son caractère dynamique et la prise en compte des déformations.

Tout d’abord, la méthode de justification du dimensionnement est bidimensionnelle alors que les trains circulent parallèlement au parement. Pour ce faire, dans le plan normal au parement qui sert au dimensionnement des ouvrages, une surcharge linéique de 50 kPa/ml est imposée par la SNCF (SNCF, 2005a).

La distance entre l’axe de la voie et le parement est au minimum de 3 m. Pour des raisons de sécurité, elle est pour l’instant majorée de 1 m dans le cas des ouvrages en sol renforcé (SNCF, 1985). En prenant la distance minimale, les traverses mesurant 2,4 m de long, la surcharge est à appliquer sur une zone qui commence à 1,8 m du parement et qui finit à 4,2 m. Pour rappel, la hauteur du parement des ouvrages types est comprise entre 4 et 6 m. La largeur de la zone active

étant de 0,3 Hm, la surcharge est donc a priori à l’aplomb de la zone passive. La Figure 1-17 est un

4, 5 m 3,0 m 1,5 m 1,8 m Traverse Sous-couche Armature Ligne des tractions maximales

Figure 1-17 - Exemple pour un mur de 4,5 m de haut.

Selon la norme, il existe deux manières de prendre en compte une surcharge. La première, qui est celle retenue par la société Terre Armée pour le dimensionnement des ouvrages ferroviaires, est de considérer deux couches de matériau correspondant à la structure d’assise et leur appliquer une surcharge qui, par définition, est semi-infinie. C'est-à-dire qu’elle commence bien à 1,8 m du parement mais n’a pas de limite à 4,2 m. Il n’existe pas de surcharge finie. De leur côté, les R.R.A. proposaient d’assimiler les charges pondéreuses à une couche de remblai de hauteur adéquate, notamment pour déterminer la hauteur mécanique. Cette hypothèse de calcul majore les surcharges motrices. Ce n’est pas gênant pour un dimensionnement opérationnel puisque cela place l’ingénieur du côté de la sécurité mais dans le cadre de cette étude, c’est un biais dont il faut tenir compte.

Si, à l’inverse, la surcharge est assimilée à une culée de pont, l’impact sur le dimensionnement n’est pas le même. Pour ce type de surcharge, il est supposé qu’elle démarre proche du parement, ce qui n’est pas le cas de la traverse. De plus, lors de la détermination de la position de la ligne des tractions maximales, il ne faut pas tenir compte de la partie de la surcharge qui est à une distance de plus de 0,5 fois la hauteur du parement, ce qui là encore ne correspond pas à la géométrie étudiée (Figure 1-18).

Figure 1-18 - Détermination de la ligne des tractions maximales pour le cas d’une culée de pont (AFNOR, 2009). Par contre, dans ce cas, la détermination de la contrainte verticale dans le massif est plus proche de la réalité. En effet, il faut considérer une diffusion de la charge qui se fait uniformément suivant une répartition à ½ (Figure 1-19). Dans la zone concernée, il faut ajouter cette augmentation de la contrainte verticale liée à la surcharge à la contrainte verticale liée au poids des terres qui s’obtient par le produit de la hauteur fois le poids spécifique du matériau. De cette manière, l’impact de la présence de la surcharge sur les tractions dans les armatures semble plus proche de la réalité.

Ht

Figure 1-19 - Diffusion des charges verticales concentrées (d’après LCPC et SETRA, 1991).

En ce qui concerne les déplacements de l’ouvrage, la méthode de justification considérée dans LCPC et SETRA (1991) ne s’intéressait qu’aux tassements du sol de fondation. Les déformations propres du soutènement étaient négligées car, d’après le texte : « L’ouvrage en Terre Armée, par suite de la présence des armatures, tasse moins que le remblai de même hauteur, réalisé avec le même matériau et compacté de la même intensité ». L’ordre de grandeur donné est de quelques millièmes de la hauteur. Ce paragraphe est déjà présent dans la première version du document qui date de 1979. Pour une utilisation statique ou routière, cette justification peut suffire. Par contre, pour un ouvrage ferroviaire, cette justification mérite d’être approfondie.

Les textes réglementaires plus récents, inspirés par ce document, font état de la faible déformabilité de ce type d’ouvrage mais n’en redonnent pas l’ordre de grandeur. De plus, il est demandé dans le texte en vigueur de vérifier l’adéquation du niveau de déformation propre de l’ouvrage avec son utilisation mais la méthode de calcul n’est pas mentionnée. En effet, il faut rappeler que la méthode de dimensionnement des murs en Terre Armée est une méthode à la rupture où ne figure aucun calcul de déformation propre de l’ouvrage.

Il en va de même pour la prise en compte du caractère dynamique de la surcharge dans la méthode de justification. Dès 1979, les charges de circulation réglementaires ont été fixées à 10 kN/m² à appliquer sur les surfaces circulées des remblais. C’est donc qu’implicitement l’impact des vibrations sur la réponse de l’ouvrage avait été jugé négligeable puisque c’est le même niveau de charge que pour tout autre type d’ouvrage.

Dans la norme NF P 94-220, le cas des surcharges ferroviaires est pris en compte. En effet, il y est précisé que le coefficient de pondération appliqué à la surcharge pour la justification

vis-à-vis du poinçonnement du sol de fondation, fixé à 1,33, peut être ramené à 1,20. Cette valeur plus faible vient du fait que la charge est étroitement bornée. Là encore, c’est la seule spécificité liée à ce cas de charge dynamique. La prise en compte des vibrations n’est pas abordée à d’autres moments dans cette norme.

Le seul texte réglementaire qui s’intéresse explicitement à l’impact des vibrations sur le comportement des soutènements est l’IN 0203 (anciennement Notice Générale – EF 2 B 21 n°1), document interne à la SNCF et spécifique à leur dimensionnement (SNCF, 1985). Elle impose de majorer les tractions maximales dans les armatures. Le coefficient multiplicateur vaut 1,2 pour les lits situés dans les 3 premiers mètres sous le rail, 1,1 pour les 3 mètres suivants et 1,0 pour les lits situés à plus de 6 m sous le rail (Figure1-20).

π/4 + φ/2

Figure 1-20 - Coefficient de majoration des efforts maximaux (Verrier, 1979).

Ces valeurs sont le fruit d’un travail de modélisation aux éléments finis dont il est fait mention par Verrier (1979). L’auteur explique que l’influence des vibrations étant mal connue, il a été supposé que celles-ci dégradaient le frottement sol - armature, sans toutefois en donner d’ordre de grandeur. A partir des résultats des différents calculs effectués, l’auteur déduit que cette dégradation provoque une augmentation des tractions maximales dans les armatures d’environ 20 % dans la partie supérieure de l’ouvrage. Ce résultat a amené la prescription d’un coefficient de majoration des efforts qui est présent dans le référentiel (SNCF, 1985). Par contre, selon l’auteur, cette prescription ne doit être suivie que si la surcharge ferroviaire se trouve à

l’intérieur du coin de Coulomb. Ce coefficient de majoration des efforts a donc été fixé de manière préventive et ne repose en rien sur des mesures ou observations faites sur un ouvrage réel.

Plus généralement, il reste certains points à éclaircir dans la compréhension du comportement des ouvrages de soutènement en sol renforcé, ne serait-ce que sous chargement statique. La méthode de dimensionnement, proposée dans les années 70, est un outil qui permet à la profession de dimensionner les ouvrages à partir de schémas de fonctionnement simplifiés.

De ce fait, elle n’est pas a priori suffisante pour bien appréhender la réponse de l’ouvrage à une charge de type ferroviaire. De plus, elle n’incorpore pas l’ensemble des connaissances qui ont été accumulées lors des expérimentations en vraie grandeur antérieures et/ou postérieures. Pour cette raison, plusieurs essais de chargement statique sont décrits dans le prochain paragraphe.