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Variation spatiale et saisonnière des concentrations en éléments traces métalliques dans la phase

Chapitre III : Caractéristiques géochimiques des eaux, des sédiments et des roches de la Tafna

III. 1.2.1.5 Conductivité

III.3. Variation spatiale et saisonnière des concentrations en éléments traces métalliques dans la phase

La figure 24 présente les « boites à moustache » des gammes de variations des concentrations en ETM (Cu, Ni, Cr, Co, Pb et le Cd) de la médiane, des valeurs minimale et maximale, des quartiles (25% et 75%) pour deux conditions hydrologiques différentes (4 campagnes en basses eaux et 4 campagnes en hautes eaux pour chaque station). L’analyse statistique des différences entre les concentrations des ETM des eaux de la Tafna selon les conditions hydrologiques et les stations (variations saisonnière et spatiale) a été évaluée par les tests non paramétriques de Mann Whitney et de Kruskal-Wallis, respectivement (Kojadinovic et al., 2008) (Tab. XIII).

Deux éléments Mn (p=0.02) et Ni (p=0.04) présentent des variations saisonnières significatives entre hautes eaux et basses eaux, selon le test de Mann Whitney (Tab. XIII). Pour Ni (Fig. 24 K/L), la concentration médiane en LW est plus élevée qu’en HW pour toutes les stations. En LW, elle

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varie entre 0.41 µg.l-1 et 0.93 µg.l-1 pour I5 et MG, respectivement, et en HW elle varie entre 0.19 µg.l-1 et 0.43 µg.l-1 pour T1 et T3, respectivement. Inversement pour Mn, les concentrations médianes sont plus élevées en HW pour toutes les stations à l’exception de T1 (Fig. 24 G/H). Le test de Krustal Wallis a révélé l’absence de différences significatives (p >0.05) des concentrations en ETM dans les différentes stations, ce qui peut être dû à un nombre de répliquât faible (N=4) pour chaque condition hydrologique (Tab. XIII).

Les concentrations médianes sont plus élevées en hautes eaux (HW) qu’en basses eaux (LW) pour le groupe d’éléments Pb, Co, Cu et Mn, pour la plupart des stations (Fig. 24). L’inverse est observé pour Cd, Ni, Cr et Fe avec des exceptions dans quelques stations.

Pour le premier groupe (Pb, Co, Cu et Mn), la concentration médiane est augmentée en hautes eaux de 2 à 4 fois comparativement aux basses eaux, à l’exception de MG et I5 pour Pb, de M2 et T6 pour Co, de T5, M2 et I5 pour Cu. En effet en basse eaux, la concentration médiane en Pb et Co varie entre 0.002 µg.l-1 et 0.036 µg.l-1, et entre 0.128 µg.l-1 et 0.403 µg.l-1, respectivement. Cet écart à la concentration médiane augmente en hautes eaux et varie entre 0.002 µg.l-1 et 0.19 µg.l-1 en Pb, et entre 0.135 µg.l-1 et 0.54 µg.l-1 Co. Les concentrations médianes les plus fortes en plomb et cobalt sont observées aux stations T7 et T8 (0.135 µg.l-1, 0.19 µg.l-1, 0.54 µg.l-1, 0.525 µg.l-1, respectivement). En revanche, la concentration maximale pour ces deux éléments est enregistrée à la station MG (0.716 µg.l-1, 1.2 µg.l-1 pour Pb et Co, respectivement). Le manganèse et le cuivre ont les concentrations médianes et maximales les plus élevées à la station MG.

Cette variation de concentrations en fonction des conditions hydrologiques pour ce groupe d’élément (Pb, Co, Cu et Mn) suit le comportement de Ca2+ dans les eaux déjà évoqué en (§III.1.2.2). Les ETM peuvent être incorporés dans la calcite. En effet un des nombreux processus importants contrôlant la distribution et le devenir des ETM en phase dissoute dans les eaux de surface est leur co-précipitation avec des minéraux authigéniques en particulier la calcite (CaCO3) (Lamble et al., 1997). Les ETM peuvent être dissous (Chen et al., 2018) et remobilisés lors des hautes eaux (Jarosz-Krzemińska et al., 2015) suivant le comportement de Ca2+.

Le second groupe (Cd, Ni, Cr et Fe) a des concentrations médianes 1.5 fois plus élevées en basses eaux qu’en haute eaux, à l’exception de quelques stations. En effet dans le cas du chrome, la concentration médiane en basses eaux varie entre 0.138 µg.l-1 et 0.790 µg.l-1 (T6 et T1,

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respectivement) avec des concentrations qui diminuent aussi en hautes eaux pour toutes les stations à l’exception de T1, I5 et T8. Les maximas de concentrations ont été observés aux stations T1, T7, S2 et I5. Pour le cadmium, les concentrations médianes varient entre 0.002 µg.l-1 et 0.014 µg.l-1 (S2 et T5, respectivement) en basses eaux et diminuent en hautes eaux pour toutes les stations à l’exception de T7, S2 et T8. Les concentrations maximales en Cd se trouvent aux stations T5, T6 et T7 (0.087, 0.085, 0.071, µg.l-1, respectivement).

Généralement, la variation spatiale des concentrations est plus au moins similaire entre les ETM avec une augmentation de la concentration de l’amont de la Tafna (T1, T3 et T5 vers la moyenne Tafna, puis une diminution de la moyenne Tafna à l’aval du bassin (T8). Quelques exceptions sont constatées notamment à la station S2 qui présente des maximas de concentrations. Cette station amont du sous bassin de l’Isser (affluent majeur rive droite de la Tafna) présente des valeurs de concentrations en éléments majeurs cohérentes avec celles des stations amont de la Tafna (T1, T3 et T5). Ces dernières ont en revanche de plus faibles teneurs en ETM que S2 à l’exception de Cu, Cr et Pb (Fig.24). La station S2 se situe à l’aval d’une décharge publique et d’une zone industrielle (production de verre, transformation de l'aluminium, fabrication de chaussures, produits détergents, fabrication métallurgique) et reçoit les rejets de la ville de Tlemcen (Tidjani et al., 2006). L’influence des rejets relatifs peut expliquer ces concentrations élevées en ETM.

La concentration médiane augmente en moyenne Tafna surtout à la station MG pour Cu, Ni, Co, Pb, Fe et Mn (Fig. 24) dans l’une des conditions hydrologiques et/ou les deux. En effet, cette station est située après la confluence de deux affluents (Oued Ourdeffou et Oued El Abbes, Fig. 1) qui reçoivent les rejets provenant des eaux usées, du traitement des minerais de l’unité industrielle de Maghnia, ainsi que des apports des terrains agricoles (Taleb et al., 2004 ; Ministère d’agriculture algérien, 2011 ; http://www. minagri.dz) en effet Cu peut avoir des pesticides agricoles comme source(Han et al., 2001) alors que Ni, Co, Pb et Mn peuvent être de sources industrielles, ce qui peut contribuer à une augmentation des concentrations en ces éléments.

La concentration en ETM à la station M2 diminue par rapport à la station MG (Fig. 24). La station M2 reçoit l’affluent Ourdeffou (station MG), mais aussi l’affluent Mouillah qui a un débit important par rapport à celui d’Ourdeffou (Fig.7). La diminution de la concentration en ETM en M2 par rapport à la station MG peut être expliquée par la dilution provenant de l’affluent Mouillah.

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La station T6 située à l’aval du barrage DamB présente des concentrations élevées en Cu, Co, Cd, Fe et Mn. Une influence du barrage notamment par remobilisation de ces éléments peut être suggérée (Coynel et al., 2007).

La comparaison entre la concentration médiane des ETM en T6 et T7 nous indique une augmentation en Ni, Cr (LW), Co, Pb, Cd, Mn (HW) de T6 vers T7. La station T7 en plus d’être influencée par les apports de la station amont T6, est située dans une zone de forte intensité agricole. L’utilisation d’intrants (engrais, pesticides) dans ce secteur peut contribuer à l’enrichissement en ETM, en plus d’une contribution des ETM d’origine naturelle. En effet, l’augmentation de la salinité dans cette zone due au drainage des formations salées (cf. § III.1.2.2), peut entraîner une augmentation de la mobilisation des métaux (Paalman et al., 1994 et Hatje et al., 2003). Par exemple pour Cd, la chlorocomplexation diminuant l'activité du cadmium libre dans la solution du sol, elle augmente sa désorption. Le barrage DamB influence sur la station T6 pour les éléments Pb, Cu, Mn, Cd et Cr durant les hautes eaux, en effet ce barrage reçoit les apportes des stations T5 et M2 en ETM qui se stockent dans le barrage et se remobilises durant les hautes eaux durant les lâchers des eaux de barrage (Coynel et al., 2007).

La station aval T8 reçoit les eaux de la Tafna (T7) et celles de l’affluent rive droite Isser (I5) en hautes eaux le flux de T7 en Cu, Mn, Cr et Fe (Fig. 23A, B) est plus élevé que celui de I5 (Fig. 23A, B) indiquant une grande contribution de T7 (affluent principal Tafna) sur T8 pour ce groupe d’éléments. Cependant en basses eaux il y a eu une diminution du flux des ETM en T7 alors que le flux en ETM dans I5 généralement ne varie pas (Fig. 23 C, D) ceci peut être dû à la rétention des ETM par la géomorphologie méandre entre T6 et T7 comme pour démontrer pour les sédiments (§VI, Benabdelkader et al., 2018)

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Figure 23 : Flux des ETM dans deux conditions hydrologiques différentes pour trois stations aval

(T7, I5, T8). Figure A et B : en hautes eaux (Février, 2016) pour Cu, Mn, Cr, Ni, Co (A) et Fe, Zn (B) ; Figure C et D : en basses eaux (Aout, 2015) pour Cu, Mn, Cr, Ni, Co (C) et Fe, Zn (D).

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En résumé, les conditions hydrologiques influent le transport des ETM de la Tafna en phase dissoute ; les concentrations sont plus élevées en hautes eaux par rapport aux conditions de basses eaux pour Pb, Co, Cu et Mn. Ces éléments sont connus pour être remobilisés pendant les hautes eaux (Gaiero et al., 1995). L’inverse est constaté pour Cd, Ni, Cr et Fe, selon les processus de dilution/concentration en lien avec l’importance de la contribution des eaux météoriques.

L’amont du bassin présente en général des concentrations faibles en ETM en phase dissoute avec quelques exceptions en T1 et T5. L’augmentation des concentrations aux stations MG, T7 et S2 est à mettre en relation avec les activités anthropiques car ces stations sont situées à l’aval de zones industrielles, de grandes villes et/ou de terrains agricoles. La forte salinité dans la partie moyenne et avale de la Tafna peut aussi mobiliser les ETM.

Les variations de concentrations en ETM d’une station à l’autre peut être le résultat de contribution d’origines naturelle lithologique ou anthropique, de processus d’altération différentiel selon les matériaux, de l’enrichissement de ces derniers, de la mise (ou remise) en solution selon les conditions physico-chimiques ou hydrologiques (Stallard, 1988 ; Drever, 1988).). Pour tenter de faire la part de ces influences, une analyse des corrélations entre éléments et paramètres, est nécessaire.

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Figure 24 : Graphes de « Boîtes à moustache » des concentrations en ETM en phase dissoute : Pb

(A/B), Co (C/D), Cu(E/F), Mn (G/H), Cd (I/J), Ni (K/L), Cr(M/N), Fe (O/P)) selon deux conditions hydrologiques différentes (4 campagnes en basses eaux (figures de gauche) et 4 campagnes en hautes eaux (figures de droite)) pour chaque station du bassin versant de le Tafna.

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Tableau XIII : Résultats du test de Mann Whitney U relatif à la comparaison des concentrations

des ETM dans les eaux la Tafna entre différentes conditions hydrologiques saisonnières : basses eaux (LW, 4 campagnes en basses eaux) et hautes eaux (HW, 4 campagnes en basses eaux4 campagnes en basses eaux4 campagnes en basses eaux). Les valeurs soulignées sont les valeurs significatives (p<0.05) avec N = 40 pour les deux conditions (hautes eaux et basses eaux). U = la somme des moyennes. Z = classement moyen de chaque élément par rapport aux autres.

Variables Rank Sum en basses eaux (LW) Rank Sum en hautes eaux (HW) U Z P-level Z adjuster 2.1 sided exact P Cd 1723.5 1516.5 696.5 1 1 0.32 0.32 Fe 1736.5 1503.5 683.5 1.12 1.13 0.26 0.26 Cu 1601.5 1638.5 781.5 -0.18 -0.19 0.85 0.86 Mn 1371.5 1868.5 551.5 -2.39 -2.4 0.02 0.02 Pb 1538.5 1700.5 719.5 -0.77 -0.81 0.42 0.44 Ni 1836.5 1403.5 583.5 2.08 2.08 0.04 0.04 Co 1565.5 1674.5 745.5 -0.52 -0.53 0.6 0.6 Cr 1750 1490 670 1.25 1.27 0.2 0.21

III.4. Relation entre les concentrations en éléments traces métalliques, les paramètres