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Chapitre I : Contexte Général

I.3. Source des éléments traces dans les milieux aquatiques

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Dans les milieux aquatiques les éléments traces proviennent de sources naturelles (érosion et altération des roches, émissions volcaniques, diffusion des aérosols naturels à partir du sol et de l’eau de mer) ou anthropiques (industrielles, agricoles, rejets miniers, rejets domestiques, Tableau II). Identifier les sources et comprendre les principaux mécanismes de dispersion des éléments traces est nécessaire pour déterminer leur répartition actuelle dans l’environnement. Les éléments traces d’origine anthropique, peuvent être issus d’apports diffus ou ponctuels.

I.3.1. Sources naturelles

I.3.1.1. Apports géogéniques

Les éléments majeurs et traces dans les milieux aquatiques (sédiments et eaux naturelles) proviennent à 80 % de l’altération physique et chimique sédimentaires dont 66 % proviennent des carbonates, les 20 % restant provenant des roches primaires (Martin et Meybeck, 1979). En effet chaque type de roche (sédimentaire, magmatique, métamorphique ; Tableau I) contient naturellement des éléments traces. Les éléments traces (éléments traces métalliques et terres rares) sont d’une teneur plus élevée dans les roches magmatiques que dans les roches sédimentaires, toutefois les roches sédimentaires schisteuse et argileuse sont relativement enrichies en éléments traces. Les éléments traces métalliques sont concentrés dans les roches magmatiques ultrabasiques alors que les terres rares le sont davantage dans les roches magmatiques de type syénites (Turekian and Wedepohl, 1961) (Tab. I).

L'altération physique et chimique sont les deux processus qui transforment la roche en un sol tendre et poreux. Ces processus entaînent la formation de sédiments et le transfert d’éléments vers les milieux aquatiques. L'altération physique décompose la roche en particules plus petites, augmentant ainsi la surface de la matière exposée à l'air et à l'eau. Le CO2 atmosphérique et l'eau sont les principaux agents de l'altération chimique. Au cours de l'altération chimique, les minéraux primaires, formés à des températures et pressions élevées principalement en l'absence d'air et d'eau, se transforment en phases stables en surface. Les conditions de surface sont caractérisées par des températures et des pressions basses ainsi que par la présence d'air et d'eau (Duchaufour, 1983 ; Nahon, 1991). L'ordre de stabilité relative des minéraux formant des roches est en général l'inverse de celui de la série de réactions de Bowen lors de la cristallisation des roches

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ignées. La redistribution des éléments chimiques implique des interactions entre le substrat rocheux et l'eau provenant de précipitations atmosphériques contenant des gaz dissous. Les phases nouvellement formées sont des matériaux particulaires et colloïdaux, dont les propriétés physiques sont intermédiaires entre le substrat rocheux, l’eau et des fragments de minéraux résistant aux processus d’altération.

Le sort d'un élément trace en solution dépend alors du comportement de sa spéciation (Kimball et al., 1995 ; Santschi et al., 1997) . Ce comportement peut être lié à des paramètres tels que le potentiel ionique et le diamètre ionique hydraté effectif. L’élément trace peut être lessivé du matériel altéré dans les eaux de surface et souterraines ou précipité à partir de la solution sous forme d'hydroxyde, d'oxyde/hydroxyde, de carbonate, de sulfate, de phosphate, etc. (Stumm et Morgan, 1996 ; Tessier et al., 1996). Il peut également être incorporé dans une phase nouvellement formée ou adsorbé sur les surfaces chargées de particules d'argile ou de matière organique. La dispersion secondaire des éléments traces est fortement affectée par l'Eh, la pCO2 et le pH, ainsi que par la stabilité des minéraux sujets à l’altération dans des environnements climatiques particuliers (Navratil et Minarik, 2005).

Ces réactions fonctionnent indépendamment des activités humaines. Cependant, il existe des exceptions. Par exemple, les précipitations atmosphériques acides accélèrent l’altération de la roche par l’ajout d’ion (H+) , les ions hydrogène libèrent ensuite certains cations de la structure des phases primaires. De plus, les nutriments sont lessivés des sols formés sur le substrat rocheux, tandis que les métaux toxiques deviennent plus mobiles et plus facilement disponibles (Martinèk et al., 1999 ; Navratil et Minarik, 2005).

Les teneurs des terres rares dans les roches et des matières transportées par les rivières varient en fonction de leur numéro atomique : plus le numéro atomique augmente plus l’abondance diminue, c'est-à-dire plus on tend vers Yb plus la concentration dans les roches est faible (loi Oddo-Harkins).

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Tableau I : Concentration des éléments traces métalliques et terres rares dans les différents types

de roches magmatiques et sédimentaires (Turekian and Wedepohl, 1961).

Roches magmatiques (mg.kg-1) Roches sédimentaires (mg.kg-1)

Ultrabasique basaltique Granitique riche en calcium Granitique faible en calcium Syénite s Shistes Grès Carbonates ETM Cr 1600.00 170.00 22.00 4.10 2.00 90.00 35.00 11.00 Mn 1620.00 1500.00 540.00 390.00 850.00 850.00 - 1100 Co 150.00 48.00 7.00 1.00 1.00 19.00 0.30 0.10 Ni 2000.00 130.00 15.00 4.50 4.00 68.00 2.00 20.00 Cu 10.00 87.00 30.00 10.00 5.00 45.00 - 4.00 Zn 50.00 105.00 60.00 39.00 130.00 95.00 16.00 20.00 Pb 1.00 6.00 15.00 19.00 12.00 20.00 7.00 9.00 As 1.00 2.00 1.90 1.50 1.40 13.00 1.00 1.00 Cd - 0.22 0.13 0.13 0.13 0.30 - 0.035 RE E La - 15.00 45.00 55.00 70.00 92.00 30.00 - Ce - 48.00 81.00 92.00 161.00 59.00 92.00 11.50 Pr - 4.60 7.70 8.80 15.00 5.60 8.80 1.10 Nd - 20.00 33.00 37.00 65.00 24.00 37.00 4.70 Sm - 5.30 8.80 10.00 18.00 6.40 10.00 1.30 Eu - 0.80 1.40 1.60 2.80 1.00 1.60 0.20 Gd - 5.30 8.80 10.00 18.00 6.40 10.00 1.30 Tb - 0.80 1.40 1.60 2.80 1.00 1.60 0.20 Dy - 3.80 6.30 7.20 13.00 4.60 7.20 0.90 Ho - 1.10 1.80 2.00 3.50 1.20 2.00 0.30 Er - 2.10 3.50 4.00 7.00 2.50 4.00 0.50 Tm - 0.20 0.30 0.30 0.60 0.20 0.30 0.04 Yb - 2.10 3.50 4.00 7.00 2.60 4.00 0.50 Lu - 0.60 1.10 1.20 2.10 0.70 1.20 0.20

I.3.1.2. Eruptions volcaniques

Les éruptions volcaniques sont une source majeure d’éléments traces (e.g., As, Cd, Cu, Pb, and Se) (Nriagu, 1989 ; Oppenheimer et al., 2003). En effet les particules et les gaz injectés dans l’atmosphère peuvent être une source naturelle d’éléments traces dans la troposphère, la stratosphère et la surface terrestre (Nho et al., 1996 ; Dams et al., 1973). Les principales espèces éjectées des éruptions volcaniques sont l'eau, suivie en abondance par le dioxyde de carbone, puis le sulfure d'hydrogène, le dioxyde de soufre, le chlorure d'hydrogène, le fluorure d'hydrogène et l'hydrogène. Des éléments traces ont été identifiés dans des rejets de gaz volcanique à haute

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température (Symonds and Reed, 1993; Zreda-Gostynska et al., 1997). Le soufre sous forme de SO2, H2S et divers composants de sulfate est un constituant important des rejets de gaz magmatiques et hydrothermaux (Sakai and Nagasawa, 1958). Le transport d’une partie des éléments traces est mobilisé par la sublimation et la grande abondance d'incrustations de ces éléments avec des sulfures métalliques et de sulfosels. Par exemple à une température >480°C la sublimation des minéraux sphalérite (ZnS), pyrite (FeS), galène (PbS), kirkiite (Pb10(Bi,As)6 (S,Se)19), etc... a été observé dans le volcan de Vulcano Island (Italie, Cheynet et al., 2000). Quelques éléments y sont mobilisés à l‘état gazeux, par exemple AsF3,CdCl2 et PbCl2.

I.3.1.3. Transports et retombées atmosphériques naturels

Sous forme de précipitations ou d’aérosols, les éléments majeurs et traces présentent dans l’atmosphère rejoignent les milieux aquatiques (Buat-Ménard., 1984). Une bonne partie des éléments traces présents dans l’atmosphère sont de source biogénique, soit une moyenne de 50% pour Se, Hg et Mo et entre 30 et 50% pour As, Cd, Cu, Mn, Pb et Zn libérés chaque année dans l’atmosphère (Nriagu, 1989). En plus des sources volcaniques (§ I.2.2), les matières biologiques aéroportées contribuent à une partie de la concentration des ETM dans l’atmosphère surtout dans les régions à couverture végétale extensive. Par ailleurs, les particules en suspension arrachées au sol par érosion éolienne contribuent à l’enrichissement en éléments traces dans l’atmosphère. Enfin, les aérosols de sel marins comptent pour moins de 10% des éléments traces dans l’atmosphère (Wiesel et al., 1984) par le fait desembruns et des vagues.

I.3.2. Sources anthropiques

I.3.2.1 Activité industrielles et retombés atmosphériques

Les activités industrielles comptent parmi les principales sources d’éléments traces dans

l'environnement et notamment les milieux aquatiques. Ces activités peuvent être des exploitations minières, des industries métallurgiques, des industries pétrochimiques, des industries du ciment, la combustion du charbon, des industries de traitement et d'élimination des déchets. Ces activités produisent des rejets et effluents industriels ponctuels et/ou diffus et contribuent à des retombées

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atmosphériques locales et à de longue distance des sources d’émissions et émissions industrielles etc.